Magnifique état, sublime sentiment, l’amour nous incite à nous dépasser pour prendre soin les uns des autres. Mais il semble parfois avoir déserté le cœur de chacun, laissant place à de l’amertume et au ressentiment. Comment l’expliquer et comment y remédier ? Docteur de l’Église qui a donné son véritable envol à l’Ordre cistercien, saint Bernard de Clairvaux (1090 – 1153) s’est intéressé à cette question.
Sa doctrine, comme ses actes, reflète les inspirations d’une nature mystique et contemplative. Loin d’être coupé du monde, ses homélies, sont encore aujourd’hui brûlantes d’actualité. Sur l’amour, il déclarait ainsi : "L’amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, à lui-même sa récompense. L’amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d’être ni son fruit. Son fruit, c’est l’amour même. J’aime parce que j’aime, j’aime pour aimer !". Mais poussant plus loin sa réflexion sur la source nécessaire à cet amour, il soulignait dans l’un de ses derniers sermons sur le Cantique des Cantiques, aux approches de la fin de sa vie :
Quelle grande chose que l’amour, si du moins il remonte à Dieu, son principe, s’il retourne à son origine, s’il reflue vers sa source, pour y puiser toujours son jaillissement. De tous les mouvements de l’âme, de ses sentiments, de ses affections, seul l’amour permet à la créature de répondre à son Créateur, non pas certes d’égal à égal, mais tout de même dans une réciprocité de ressemblance. […] Car dans son amour, Dieu ne veut rien d’autre que d’être aimé. Il n’aime que pour qu’on l’aime. Car il le sait: ceux qui l’aiment trouvent précisément dans cet amour la plénitude de la joie. Oui, quelle grande chose que l’amour.
L’amour, parce qu’il est ancré dans le Christ, y puise la force nécessaire pour surmonter tous les obstacles. On retrouve d’ailleurs cet enseignement dans le Catéchisme de l’Église catholique (n°1878) : "L’amour du prochain est inséparable de l’amour pour Dieu." De la même manière il est écrit (n°1832) :
Jésus fait de la charité le commandement nouveau (cf. Jn 13, 34). En aimant les siens " jusqu’à la fin " (Jn 13, 1), il manifeste l’amour du Père qu’il reçoit. En s’aimant les uns les autres, les disciples imitent l’amour de Jésus qu’ils reçoivent aussi en eux. C’est pourquoi Jésus dit : " Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour " (Jn 15, 9). Et encore : " Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12).