De la caserne de Joué-lès-Tours à la paroisse de Saint Marc en Indre-et-Loire, il n’y a qu’un pas pour Pierre Fouquier, vicaire et pompier volontaire depuis trois ans. Entre les gardes, la semaine d’astreinte et la répétition des manœuvres à la caserne, il consacre près de 75 heures par mois à son engagement de volontaire.
Il faut remonter à l’enfance pour voir où sa vocation prend racine. "Je devais avoir une dizaine d’années quand le métier de pompier m’a attiré", commence le père Fouquier. Dans son village de Saint-Épain (Indre-et-Loire), c’est avec des yeux plein d’admiration que le garçonnet voit défiler les soldats du feu à l’occasion de fanfares ou de cérémonies de commémoration. "Les camions rouges, l’uniforme : tout ça m’a attiré".
À peu près à la même période, la beauté d’une seconde vocation le saisit. "Ma mère m’a raconté qu’à sept ans déjà, j’avais dit que je voulais devenir prêtre", partage-t-il rieur. "J’ai grandi dans une famille catholique, un terreau qui fait que les vocations germent tôt. Puis c’est venu et reparti comme pour d’autres confrères." La rencontre de prêtres fidèles et joyeux dans leur ministère puis un appel qu’il discerne de plus en plus clairement l’amènent au séminaire après une formation en génie civile.
Pendant ses deux premières années de séminaire, celui qui a intégré les jeunes sapeurs-pompiers à l’âge de 15 ans, poursuit son engagement. "Les évêques successifs ont été très bienveillants. Et grâce aux horaires aménagés j’ai pu être pompier volontaire pendant 1 an et demi dans les villages du Lot."
Si le jeune homme est familier de la vie de caserne, son cheminement au séminaire interroge ses co-équipiers. "Ça a suscité des échanges passionnants !" On le questionne sur le célibat ou l’utilité du prêtre mais ces conversations permettent surtout de partager sur le sens de la mission de prêtre. "Ils avaient en tête le cliché du prêtre seul dans une église sombre, comme dans le film l’exorciste. J'étais très étonnant que ces images reviennent mais beaucoup de gens n’ont que ça ! Et ça m’a posé question sur la manière de vivre l’Église dans le monde."
Ordonné prêtre en 2018, Pierre devient un soldat du feu comme un autre dès qu'il enfile son uniforme. Mais il peut arriver pendant une intervention qu'il évoque sa vocation de prêtre. "Certaines personnes savent distinguer un pompier professionnel et un pompier volontaire. Et dans ces moments elles m'interrogent sur ce que je fais à côté quand je ne suis pas en service".
La devise des pompiers (courage et dévouement) résume bien l’intensité avec laquelle le père Fouquier vit ses deux engagements. Sans jamais perdre de vue le don de lui-même dans ses missions il reste attentif à sa stabilité. "L'équilibre est une ligne de crête. Je fais attention à la vie fraternelle, je participe aux rencontres dans mon doyenné et je garde un lien avec d'autres jeunes prêtres".
S’il consacre le dimanche à sa seule mission de prêtre, il est déjà arrivé qu’une intervention l’empêche de basculer sans encombre d'une activité à l'autre. "Récemment, j’ai été sur un lieu d’incendie pendant six ou sept heures et le temps de rentrer, de me doucher et de me préparer, j’étais en retard pour la messe de semaine. J’ai prévenu le sacristain et mes paroissiens m’ont accueilli avec beaucoup de sollicitude."
Quand on reçoit un prêtre, on range sa maison pour l'accueillir. En tant que sapeur-pompier je vais dans des lieux, je rencontre des contextes avec beaucoup de précarité, des situations difficiles.
Les deux vocations du père Fouquier s'informent et façonnent l’homme qu’il est aujourd’hui. "La grande partie des interventions du sapeur-pompier sont des interventions sociales. Être sapeur-pompier est aussi un métier d’écoute", explique-t-il. Il peut alors s'appuyer sur "la formation humaine" dispensée au séminaire. Son engagement de sapeur-pompier amène le pasteur à côtoyer des réalités différentes. Il rencontre ainsi "des personnes qui ne mettraient peut-être jamais le pied dans une église.»
Les joies et les labeurs de ce quotidien bien afféré, le père Pierre les offre à Dieu. "Je me réjouis de porter le monde dans la célébration des offices. Je vois bien mes limites et je donne au Seigneur tout ce que je ne peux pas porter moi-même."
S'il rejoindra une nouvelle paroisse à la rentrée, il compte garder son engagement à la caserne. Là, avec la centaine de pompiers qui la compose, il continuera à porter secours. "Il y a chez les pompiers un dépassement qui m’inspire beaucoup. On ne se concentre pas sur ce qu’on ne peut pas faire seul mais sur ce qu’on peut faire ensemble."