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Schuman ou le chemin escarpé de la politique comme voie de sainteté

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Charles Vaugirard - publié le 21/06/21
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En déclarant Robert Schuman vénérable, l’Église catholique honore les vertus d’une personne et non celles d’une politique. C’est l’unité d’une vie et d’un engagement cohérents avec sa foi qui est pleinement reconnue.

La reconnaissance des vertus héroïques de Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de la construction européenne, est un événement de taille : il est en effet rare qu'un laïc engagé en politique prenne le chemin des autels. Rare, mais pas unique : à l’époque contemporaine, les bienheureux Frédéric Ozanam (1997) et Giuseppe Toniolo (2012) ainsi que le vénérable Giorgio La Pira (2018) l'ont déjà précédé. Une première question se pose : est-ce la pensée politique de Robert Schuman qui est reconnue vénérable ? 

La réponse n'est pas un oui ou un non catégorique : c'est une personne que l'on canonise, ce sont ses vertus héroïques et ses miracles qui conditionnent sa reconnaissance. Une personne, pas un parti ou des idées. Mais là où cela devient plus complexe, est que l'héroïcité des vertus implique l'unité de vie et la cohérence. Or on ne peut pas être un saint et défendre une idéologie contraire à l'Évangile. Même si l'Église nous laisse libre de choisir nos politiques et même si c'est l'homme et non ses idées qui sont vénérables, les idées de Robert Schuman n'allaient pas à l'encontre de l'Évangile. Un saint peut se tromper, ou avoir raison, en politique, mais il ne peut pas être un idéologue opposé à l'enseignement de l'Église.

Avec Robert Schuman devenu vénérable, l'Église nous donne un message qui n'est pas idéologique mais profondément politique : elle nous dit que la politique peut être un chemin de sainteté. La politique si elle est vécue chrétiennement est une route vers le Ciel ! Toute la vie de Robert Schuman en témoigne : né en 1886 au Luxembourg dans une famille lorraine, il a grandi en Allemagne tout en restant attaché à la France. Il est un homme des frontières, issu d'une région déchirée entre la France et l'Allemagne qui connaît le prix de la guerre. Profondément attaché à la France, après la Première Guerre mondiale, lui qui est un jeune avocat très engagé dans l'Église est poussé par l'évêque de Metz à s'engager en politique d'abord à la commission municipale de Metz et ensuite aux élections législatives. Commence alors une longue carrière de député. 

Robert Schuman est un artisan de paix, il est convaincu que la paix ne peut se faire que par une Europe unie et fraternelle.

C'est en 1940 qu'il devient membre du gouvernement pour la première fois, sous Paul Reynaud, en pleine guerre, en tant que sous-secrétaire d'état aux Réfugiés. Plaçant de faux espoirs en Pétain, il vote les pleins pouvoirs. Le Maréchal le nomme sous-secrétaire d'État au ravitaillement mais Robert Schuman démissionne immédiatement en désapprobation de la politique de collaboration. Lui qui est toujours député se rend en Moselle pour intercéder auprès de l'occupant en faveur de la population. Mais la Gestapo l'arrête : il est le premier parlementaire français emprisonné par les nazis. D'abord en prison, puis assigné en résidence, il parvient à s'évader. Il s'ensuit une longue cavale, sa tête est mise à prix. 

À la Libération, s’ouvre une nouvelle phase de sa carrière politique. Démocrate-chrétien convaincu, il rejoint le MRP. Il est ministre des Finances puis président du Conseil ; en 1947, il doit faire face aux grandes émeutes communistes qui faillirent faire tomber la République. C'est lors de ces émeutes que la Vierge Marie apparaît à l'Île-Bouchard, signe de la gravité extrême de la crise. Robert Schuman, chef du gouvernement, tient bon, héroïquement, jusqu'au bout.

Ensuite il est ministre des Affaires étrangères, et c'est ici qu'il accomplit sa grande œuvre : le lancement de la construction européenne. Robert Schuman est un artisan de paix, il est convaincu que la paix ne peut se faire que par une Europe unie et fraternelle. Le 9 mai 1950, par une déclaration historique, il met sur les rails ce grand projet politique, une œuvre de longue haleine qui avance par petits pas.

Toute la vie de Robert Schuman est mue par sa foi. Profondément croyant, il envisage la prêtrise dans sa jeunesse, mais un de ses amis lui dit que notre monde a besoin de « saints en veston » au cœur du monde. Il ne se maria pas et vécut sa vie politique comme une vie consacrée, communiant, lisant le bréviaire, disant son chapelet tous les jours. Il se rend régulièrement en abbaye, et vit une spiritualité quasi monastique. Cette vie intérieure profonde l'aide à traverser une vie politique pleine de tentations, de violences et de désillusions. Il est maintes fois calomnié par les communistes, il est victime de coups bas au point que lorsque Plon lui proposa d'éditer ses mémoires il refuse pour ne pas manquer à la charité… Surtout, dans cette longue carrière, il est connu pour ne jamais mentir et être d'une droiture exceptionnelle. Edgar Faure voyait en lui la « plus haute autorité morale de la République ».

Robert Schuman meurt le 4 septembre 1963. Il est désigné « Père de l'Europe » par le Parlement européen. L'Europe a eu un père pour la fonder, elle a maintenant un vénérable pour veiller sur elle.

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