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Amérique latine : toujours l’espoir, toujours la crainte

ECUADOR

Manifestation en Équateur avant l’élection présidentielle, février 2021.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 17/06/21
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Élections présidentielles en Équateur et au Pérou, instabilité sociale en Colombie, l’Amérique latine oscille perpétuellement entre calme et tempête. La persistance du mythe révolutionnaire et les fragilités politiques liées à l’indigénisme et aux disparités sociales accroissent la faiblesse du sous-continent.

Jours d’élections, jours de joie pour ceux dont les candidats ont été élus en Équateur ou au Pérou. Et comme à chaque fois, lendemains qui risquent de déchanter tant il est difficile de passer de l’alexandrin de la campagne à la prose de la pratique politique.   

Guillermo Lasso a fini par remporter la présidentielle à sa troisième participation. Banquier d’affaires, catholique assumé, opposant historique de l’ancien président Rafael Correa (2007-2017) aujourd'hui poursuivi pour corruption et réfugié en Belgique, Lasso souhaite réduire la très forte dette du pays, favoriser les échanges commerciaux avec les États-Unis et assainir les finances publiques d’un État qui a connu de nombreuses grèves et tensions sociales. Si son opposant socialiste, Andrés Arauz, est largement arrivé en tête au premier tour (32,72% des voix), Lasso ne s’y est qualifié qu’in extremis face au candidat de la gauche indigéniste Yaku Pérez. Ce dernier était initialement donné qualifié pour le second tour, avant que Lasso ne reprenne l’avantage après trois jours de dépouillement (19,74% contre 19,39%). La carte des résultats électoraux montre un pays coupé en trois. Si les deux principales villes, Quito et Guyaquil, ont majoritairement voté pour Lasso, toutes les régions de l’ouest (la côte) ont placé Arauz en tête et les régions de l’intérieur du pays Pérez. Au second tour, les électeurs de Pérez se sont déportés vers Lasso, lui permettant de gagner l’élection.

Une fracture géographique qui reflète des fractures sociales et politiques.

Cette fracture géographique est le reflet des fractures sociales et politiques. Le pays a connu de nombreuses manifestations, conduites notamment par l’avocat Yaku Pérez et les mouvements de défense des indiens. Ce bouillonnement indigéniste n’a pas disparu, ce qui ne va pas faciliter le mandat de Guillermo Lasso. Les prochaines années risquent d’être difficiles. 

Chez le voisin péruvien c’était aussi l’année de l’élection présidentielle. Keiko Fujimori, fille de l’ancien président Alberto Fujimori, était candidate et réussit à se qualifier pour le second tour. Mais c’est Pedro Castillo qui l’a emporté de peu. Celui-ci a un profil atypique. Comme Yaku Pérez, il se veut le représentant des indigènes de son pays, mais loin d’être un avocat brillant, il est issu d’une famille pauvre et illettrée. Syndicaliste, il a conduit et dirigé d’importantes grèves et manifestations en 2017 qui ont contribué à le faire connaître. Classé comme membre de "la gauche radicale", il souhaite davantage d’intervention de l’État et soutient les nationalisations. Mais catholique revendiqué, il s’est aussi opposé à la légalisation de l’avortement et du mariage entre personnes du même sexe. Cela fait de lui un profil atypique pour la gauche européenne, qui n’aura pas avec lui un allié inconditionnel sur tous les sujets. 

En Colombie, la situation se dégrade dangereusement : les manifestations sont de plus en plus dures et la police réplique avec force. L’escalade de la violence est à craindre. Plusieurs causes sont responsables de cette situation, certaines lointaines, d’autres immédiates. Parmi les causes lointaines, il faut avoir en tête que le pays est structurellement fragile, du fait de son inégalité de développement et de la présence des forces armées révolutionnaires dans les montagnes du sud (ex-Farc). Notons également l’arrivée récente de nombreux Vénézuéliens fuyant la misère et  accentuant de fait la fragilité du pays. Il a fallu trouver logement et travail à ces populations et aplanir les tensions sociales que cette migration massive a provoquées. Les relations déjà tendues avec le voisin vénézuélien n’ont fait que s’accroître. 

Il y a aussi des causes immédiates qui expliquent la dégradation rapide de la situation sur place : l’augmentation d’une taxe sur la consommation a cristallisé la colère et a suscité de grandes manifestations. Toutes les difficultés et rancœurs accumulées par les faits précédents ont explosé. En dépit de la démission du ministre de l’Économie, la colère ne s’est pas réduite. La situation est désormais dangereuse. Le gouvernement craint une ingérence du Venezuela, accusé de manipuler les manifestants en sous-main. Les dirigeants de ce pays ont des liens forts avec les narcos, qui assurent les devises nécessaires au paiement de l’armée et donc au maintien du gouvernement de Nicola Maduro. Il devient bien difficile de calmer la colère sociale et d’éteindre les manifestations, la violence ne faisant que déchirer un peu plus le pays. L’inquiétude est donc de mise si cela devait déstabiliser cette pièce maîtresse de l’espace caraïbe.

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