Porte d’entrée de la vie chrétienne, le baptême est d’abord un sacrement que l’on reçoit. Pardonnez-moi cette évidence mais je tiens à la souligner car en fait il n’y a rien d’évident.
Dans toutes les religions, absolument toutes, l’eau est présente. Sa symbolique est logique, naturelle car nous sommes composés à 60% d’eau et sans boire nous mourrons en deux ou trois jours. Que toutes les religions aient vu dans l’eau un principe vital et une nécessité existentielle est tout à fait logique et elles se sont servies de l’eau comme symbole ou réalité d’une purification interne ou externe. La spécificité chrétienne est que le croyant ne se sert pas lui-même de l’eau mais qu’un autre lui verse de l’eau ou le plonge dans l’eau. Les ablutions juives ou musulmanes sont faites par le croyant pour le croyant lui-même, l’hindou descend dans le fleuve s’y baigner et le rituel shintoïste prévoit des bains que le fidèle réalise. Dans le christianisme, il faut qu’un autre me baptise, je ne peux me baptiser tout seul. Cette altérité se retrouve dans tous les autres sacrements : je suis confirmé, je reçois l’Eucharistie, je suis pardonné, je reçois le sacrement des malades ou de l’Ordre et, bien sûr, je me marie avec quelqu’un. La nécessaire présence de l’autre pour devenir chrétien ou vivre en chrétien met au cœur de la foi la vie communautaire chrétienne : sans l’autre je ne peux pas être croyant et je ne peux pas vivre ma foi.
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C’est une réponse que l’on peut donner à tous ceux qui voudraient se fabriquer une religion sur mesure, sans les autres ou sans religion. Nul ne peut aller vers le Père sans passer par le Christ, et sans passer par le Corps du Christ qui est l’Église. Le prêtre ou le diacre qui célèbre n’est que l’instrument de l’Église qui baptise, pardonne, pratique l’onction : c’est toujours l’Église qui donne la grâce reçue de Dieu et heureusement car quelle que soit la vertu du prêtre, le sacrement est valide. Quand Juda baptise, Dieu baptise ; quand Pierre baptise, Dieu baptise.
Un sacrement pour tous
Ensuite c’est un sacrement qui s’adresse indifféremment aux hommes et aux femmes. À notre époque de vigilance tatillonne sur l’égalité hommes/femmes, il est peut-être utile de rappeler que depuis deux mille ans, l’Église n’a pas traité différemment les deux sexes dans l’accession à l’égale dignité d’enfants de Dieu et l’héritage du royaume. Plus encore, c’est le même sacrement reçu de la même façon pour la même grâce octroyée à tous, sans distinctions d’âge, de race, de couleur de peau, de qualité d’esclave ou d’homme libre, d’appétence sexuelle ou de fortune. C’est l’égale dignité de tous à recevoir l’adoption filiale qui est célébrée. La circoncision n’est reçue que par un homme, le turban sikh n’est porté que par les hommes. Les femmes seules portent un voile ou une perruque. Mais le rite du baptême est le même pour tous.
Visible de l’intérieur
Mais si l’on continue, vous me direz que contrairement à la circoncision, au voile, au turban, le baptême ne se voit pas. En effet, quelques minutes après la célébration, l’eau a séché et il ne reste rien de visible pour attester que le baptême a été célébré. Dans la rue, vous croisez des personnes dont vous pouvez présumer la religion en fonction de signes distinctifs particuliers. Ce sujet fait l’objet de débats savoureux dans notre beau pays et cela n’est pas près de s’arrêter. En revanche pour le christianisme vous aurez beau chercher, vous ne pouvez pas savoir si votre voisin ou interlocuteur est baptisé. Tout au plus devinerez-vous une croix ou une médaille autour du coup, une mantille quand le Pape n’est pas loin ou un dizainier au doigt. Mais il n’y a rien d’obligatoire ni de requis sur ou dans la chair pour vivre sa foi ou en témoigner. N’est-ce pas une fragilité de notre foi de ne pas pouvoir manifester extérieurement notre appartenance et notre fierté d’être disciples du Christ ? Peut-être mais ce n’est pas ce que le Christ a voulu : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).
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Ainsi le signe d’appartenance à la foi chrétienne n’est pas un objet matériel, vestimentaire ou une particularité physique mais une praxis, un agir chrétien dans l’amour. Ce n’est donc pas une possession tranquille mais un questionnement de chaque instant pour vivre en chrétien. Je vis et témoigne de mon baptême si j’aime le Père et mes frères comme le Christ a aimé son Père et ses frères humains. L’on retrouve ici la première constatation : on ne peut pas être baptisé seul car l’autre est consubstantiel à la foi chrétienne ; il n’y a pas de foi sans l’autre qui me la transmets et la célèbre avec foi, il n’y a pas de foi sans l’autre ou l’Autre que j’aime et que je sers. Quand nous entrons dans une église, nous posons les signes du baptême. Nous traçons un signe de croix avec l’eau prise dans les bénitiers (en dehors des temps de pandémie) et nous allumons un cierge en faisant une prière. Il ne manque que le vêtement blanc : c’est l’amour dont nous nous sommes habillés dans notre vie quotidienne.
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