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Hongrie : le passé tourmenté d’un pays mutilé depuis cent ans

drapeau hongrois
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Denis Lensel - publié le 06/01/21
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La Hongrie ne cesse de se distinguer en Europe. Il est difficile de comprendre sa différence sans connaître son histoire. Il y a un siècle, ce pays rescapé de 150 ans d’occupation ottomane s’est vu enlever les deux tiers de son territoire et 30% de ses habitants.Vaincue en 1918, l’Autriche-Hongrie a été remplacée en 1920 par des petits États artificiels et fragiles, comme la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie. Résultat : le démembrement de cet empire par le Traité de Versailles fait le jeu de l’Allemagne nazie puis de l’URSS de Staline.

Face aux invasions de l’Empire ottoman

Après l’invasion des Tatars au XIIIe siècle, la Hongrie subit les incursions des Ottomans à partir du XVe siècle : en 1526, son roi essuie une défaite écrasante devant le Sultan Soliman le Magnifique, qui s’empare de la forteresse de Buda. La domination ottomane durera 150 ans. Le pays est déchiqueté une première fois par cette extension de l’Empire ottoman : la frontière de l’Islam avance jusqu’aux portes de Vienne. À l’Est, la Transylvanie restera longtemps vassale des Turcs. Hongrois, Serbes et Croates persuadent les Habsbourg d’engager une contre-offensive, à l’instigation du pape Innocent XI. Budapest est libérée en 1686 après un siège de dix ans. On arrive aux portes de Constantinople quand le roi de France Louis XIV vient à la rescousse des Turcs, pour contrebalancer la puissance rivale de l’Autriche.



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Fin XVIIe et début XVIIIe siècle, des révoltes opposent la noblesse hongroise au pouvoir impérial autrichien : en 1707, la Diète de Hongrie proclame en vain son indépendance. Un long contentieux aboutit au Compromis austro-hongrois de 1867 et à la naissance de l’« Autriche-Hongrie » bicéphale. L’Empire des Habsbourg est alors partagé entre l’Autriche et le Royaume de Hongrie. Cependant, les Hongrois cherchent un appui de l’Allemagne face au centralisme autrichien et à l’influence montante des Slaves.

Éclatement et dépeçage territorial

En Transylvanie, la population roumaine revendique en vain son indépendance en mai 1848, au fil d’affrontements violents avec les Hongrois. Les Tchèques francs-maçons Masaryk et Benès, futurs chefs d’État de la Bohême-Moravie, multiplient les menées séparatistes. Le 22 novembre 1916, la mort de l’empereur François-Joseph sonne le glas des Habsbourg après l’attentat de Sarajevo en 1914. La défaite de l’Autriche-Hongrie en 1918 entraîne son éclatement selon le « principe des nationalités ». Les indépendantistes hongrois proclament la République à Budapest le 30 octobre 1918, mais les minorités ethniques, croates, slovaques et roumaines, se détachent de l’ancien royaume de Hongrie. En décembre, le pays est amputé de 32 % de magyarophones et des deux tiers de son territoire, de ses richesses minières, de cinq de ses dix villes les plus peuplées et de 60% de ses forêts, de ses voies ferrées, de ses usines et de ses terres cultivables, en vertu du traité de Trianon en 1920. L’annexion de Trieste et de Fiume (Rijeka) par l’Italie prive l’Autriche et la Hongrie de leur accès à la mer. Trianon permet à la Roumanie d’absorber 2,5 millions de Hongrois en Transylvanie ; et aux 6 millions de Tchèques d’absorber 3 millions de Slovaques et 500.000 Hongrois. 

En avril 1919, le communiste Béla Kun prend le pouvoir en Hongrie. Il y sème la terreur. Mais il est vite chassé du pouvoir après une expédition militaire ratée en Tchécoslovaquie et en Roumanie pour reprendre les territoires perdus… À Budapest, l’amiral Horthy instaure une régence. Mais sa politique de revanche le pousse dans les bras d’Hitler en 1940. La Hongrie reprend le nord de la Transylvanie en août 1940, participe à l’invasion de la Yougoslavie, puis s’engage contre l’URSS. 

Coincés entre Hitler et Staline

En 1944, à l’heure où les armées de Staline franchissent ses frontières, Horthy proclame la neutralité de son pays. L’Ouest est envahi par les nazis, qui renversent Horthy et le remplacent par le chef d’un parti fasciste hongrois. Soviétiques et Roumains les chassent en avril 1945. Avec l’occupation militaire des Soviétiques (qui tuent un évêque voulant protéger des femmes), la prise de pouvoir par les communistes est imposée par Moscou en 1946. Une plaisanterie amère circule : “Notre pays a connu trois désastres : la défaite devant les Mongols, la conquête par les Turcs, et la libération par l’Armée rouge…”

Le cardinal Mindszenty, un résistant spirituel, est incarcéré et torturé en 1949 sur ordre du dictateur stalinien Rakosi, tyran cruel et corrompu… On l’accuse de comploter… Il avait déjà été arrêté par le régime pro-nazi de 1944 pour avoir arraché des juifs à ses griffes. Le 23 octobre 1956, la Hongrie se soulève contre l’URSS. L’insurrection de Budapest est écrasée par l’Armée rouge qui tue 3.000 personnes. 200.000 Hongrois choisissent l’exil. Les pays occidentaux n’apportent aucun soutien concret à ce peuple héroïque. En 1968, le régime communiste décide une réforme économique accordant un petit espace au secteur privé. En 1986, trente ans après l’insurrection, la Hongrie devient, dit-on, « la baraque la plus gaie du camp socialiste »… 

La première brèche dans le Rideau de fer

Le 2 mai 1989, un jeune dirigeant, Miklos Nemeth, rompant avec le système communiste, taille une brèche dans le Rideau de fer qui séparait son pays de l’Autriche : le Mur de Berlin s’écroule à l’automne suivant comme un arbre mort. Certains voulaient faire disparaître l’Autriche-Hongrie, à leurs yeux symbole de la monarchie et du catholicisme… Dans son Requiem pour un empire défunt, François Fejtö parle de “l’autodéchirement suicidaire de nations appartenant à la même civilisation” et d’une “guerre idéologique”… La Hongrie en a été une des principales victimes.


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