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Le plus grand pape de l’Histoire… ne voulait pas être pape

SAINT Gregory the Great
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Aliénor Goudet - publié le 02/09/20 - mis à jour le 07/08/23
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Doté d’une grande sagesse et d’une plume tout aussi aiguisée, le pape Grégoire Ier (590-604), fêté le 3 septembre, a permis d’apporter un peu de répit à l’Italie du VIe siècle, agitée par les conflits et dévastée par la peste. C’est pourtant bien contre son gré que cet humble moine s’est retrouvé à la tête de l’Église. Avant de prendre place sur le trône de saint Pierre... il a bien tenté de fuir.

Monte Caelio, 590. Il y a bien longtemps que la nuit est tombée sur Rome et ses alentours. Malgré cela, quelqu’un ne dort toujours pas au monastère de Saint-André. Au lieu de chercher le sommeil, le père Grégoire fourre ses quelques vêtements et nombreux livres dans deux sacs, à la seule lueur d’une petite bougie. Il doit se hâter, car l’escorte qui doit l’emmener à Rome ne tardera pas.

Qui a eu l’idée farfelue de le choisir comme successeur du saint pontife ? Lui, petit moine de rien du tout ? Mais ça, le peuple ne veut pas l’entendre. Même la missive qu’il a envoyée à l'empereur pour plaider sa cause a été interceptée. Enfin prêt, le religieux enfile ses sacoches et quitte le monastère sur la pointe des pieds.

Il prend le chemin qui descend la colline en direction opposée de la ville du trône de saint Pierre. Heureusement, la lumière de la pleine lune lui donne une bonne visibilité. Avec un peu de chance, il atteindra le village avant l’aube. Après quelque temps, des claquements se font entendre. Un petit âne, chevauché par une silhouette familière, trotte tranquillement pour le rattraper.

- Il est bien tard pour une balade nocturne, tu ne crois pas ?, demande le père Valentin, ralentissant le pas de sa monture.

Bien sûr. Qui d’autre que Valentin, ami fidèle et père supérieur du monastère aurait pu deviner exactement où il se rendait ? Grégoire sait qu’il ne peut fuir, chargé comme il l’est. Mais il ne s’arrête pas.

- Tu sais aussi bien que moi que je ne suis pas digne de cette tâche. Je ne suis même pas évêque. J’ai choisi la vie monastique pour servir Dieu dans l’humilité et la paix.

À sa grande surprise, Valentin n’essaye pas de le raisonner ou de lui barrer le chemin. Au contraire, il descend de sa monture et marche à ses côtés.

- Pourtant tu refuses le chemin sur lequel il t’envoie, remarque ce dernier.

- Ce n’est pas Dieu mais les hommes qui m’ont élu.

- Ta clarté d’esprit a fait de toi le meilleur apocrisiaire (représentant de l’Église de Rome) de Constantinople. Rome est en péril. Tes dons de médiateurs sont nécessaires pour faire face à ces fléaux. Ne le vois-tu pas ?

Les paroles de Valentin ne laissent pas Grégoire de marbre mais il ne peut se résoudre à croire que c’est lui dont Rome a besoin. Les débordements du Tibre, la peste, les Lombards qui n’attendent que l’occasion d’attaquer à nouveau… Que peut-il contre un tel chaos ?

- Je ne suis bon qu’à prier et rédiger des œuvres pieuses. Comment puis-je faire cela depuis le trône de saint Pierre ?

Cette fois, Valentin fronce les sourcils.

- Si je t’entends bien, tu veux servir Dieu mais seulement de la manière qui te sied ? Prends garde Grégoire, ceci ne ressemble guère à de l’humilité. Rappelle-toi qu’il faut servir le Seigneur selon sa volonté, et non la tienne.

Ces mots éveillent en Grégoire le souvenir de sa consécration à Dieu, et il s’arrête enfin. Son vœu n’était pas seulement un vœu de service, mais également d’obéissance. Que ce soit par peur ou par désir de confort, cette fuite le rendait encore plus indigne de Dieu qu’il ne se l’était déjà. Ah, quel benêt ! Le voici rouge de honte devant le Dieu qu’il aime tant.

Pourtant, l'angoisse ne le quitte pas. Certes, avec son expérience de conseiller auprès du pape défunt, il sait à quoi s’attendre mais ne peut s’imaginer résoudre de tels conflits.

- Ne crains rien, lui dit son fidèle ami. Tu ne seras jamais seul.

Des cris se font entendre en haut de la colline et des lueurs de torches apparaissent près du monastère. On le cherche pour l’escorter à Rome.

- Seigneur, songe-t-il, j’irai là où tu me voudras. Alors, par pitié, n’abandonne pas ton indigne serviteur.

Malgré sa réticence première, Grégoire Ier ne manque jamais à son devoir de pape. Il meurt le 12 mars 604 et est canonisé cinquante ans plus tard, après une vie de dévotion envers les malades, de réformes liturgiques, de négociations pour la paix et de propagation de la foi au-delà des frontières. Il est au côté de saint Augustin, saint Ambroise et saint Jérôme, l’un des premiers docteurs de L’Église. En prenant place sur le trône de saint Pierre, ce pape s’est fait serviteur de tous.

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