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Les émotions du Christ, plutôt humaines ou divines ?

CHRIST ; PAINTING ; ECCE HOMO

L'Homme de douleurs Ecce homo), Albrecht Dürer, 1493

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Margot Giraud - publié le 06/06/19
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Les émotions du Christ, signe éminent de son humanité ? Une lecture attentive des évangiles vient nuancer cette intuition, puisque Jésus y manifeste des émotions bien plus variées que les hommes qui l’entourent. Plongeons dans le récit des passions du Christ.

Les émotions du Christ, signe éminent de son humanité ? Une lecture attentive des évangiles vient nuancer cette intuition, puisque Jésus y manifeste des émotions bien plus variées que les hommes qui l’entourent. Plongeons dans le récit des passions du Christ.

Selon le théologien dominicain Emmanuel Durand, auteur de l’ouvrage Les émotions de Dieu, les émotions du Christ ont à la fois « une texture humaine et un impact divin » : en voici l’explication. Les hommes qui entourent le Christ ont des émotions finalement peu variées, limitées aux différentes nuances de la peur. Les miracles suscitent chez eux un étonnement mêlé de crainte : « frappés de stupeur » sont ceux qui assistent aux exorcismes (Mc 1, 27), guérisons (Mc 2, 12 et 5, 42) et résurrections (Lc 8, 56) qu’accomplit le Christ. Voyant Jésus marcher sur l’eau, ses disciples « poussent des cris » et sont « au comble de la stupeur » (Mc 6, 49 et 51).

Si l’étonnement peut être suivi d’une pieuse admiration, la stupeur s’accompagne souvent de nombreux questionnements : d’où vient son autorité ? Par quels moyens produit-il ces prodiges ? Au fond, qui est-il ? Plus la Passion est proche, plus la crainte fait obstacle à la compréhension et entrave le jugement des apôtres : Jésus annonce à ses fidèles sa mort et sa résurrection, « mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger » (Mc 9, 32). Mais à son retour glorieux sur terre, la crainte laisse heureusement place à la joie, autre gamme d’émotion présente chez les disciples, mais aussi chez le Christ.

« Votre joie sera parfaite »

Le Christ le leur annonce : les disciples pleureront et seront dans la peine, mais à son retour, leur peine se changera en une joie que rien ni personne ne pourra enlever (Jn 16, 20-22). Ce passage d’une émotion à l’autre se voit chez les femmes visitées par l’ange auprès du tombeau, premières à recevoir et à annoncer la nouvelle de la résurrection : « vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples » (Mt 28, 8).



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S’il y a une émotion partagée par Jésus et les hommes qui le suivent, avant même la Résurrection, c’est bien la joie : les 72 missionnaires reviennent « dans la joie », tandis que Jésus, presque au même instant, « exulte de joie » sous l’action de l’Esprit saint. Mais même dans cette joie missionnaire collective, l’émotion de Jésus est à la fois plus intense et plus haute : « ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux », dit-il à ses disciples grisés par leur pouvoir sur les démons (Lc 10, 20).

Jésus ému aux entrailles

À trois reprises, Jésus est « saisi de compassion », traduction d’un terme grec signifiant littéralement « ému aux entrailles ». Si la première formule peut nous sembler moins intense que la seconde, elle indique que le Christ n’est pas seulement saisi d’un affect passif, mais que l’émotion entraîne une action concrète. Car la compassion inclut un sentiment de pitié initial tout en l’intégrant dans une volonté de soulager la misère.

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Le miracle des pains et des poissons, James Tissot

Jésus est ainsi touché par l’état d’un lépreux qui l’implore de le purifier, et accomplit sa première guérison miraculeuse (Mc 1, 41). Puis, en voyant une foule immense le suivre alors qu’il se tient volontairement à l’écart, Jésus est soudainement « saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger », et se met aussitôt à enseigner (Mt 6, 34). Enfin, face à une nouvelle foule venue l’écouter, Jésus dit éprouver de la compassion pour ces gens qui n’ont rien à manger, et procède à la miraculeuse multiplication des pains (Mc 8, 2). L’on voit que, comme l’écrit Emmanuel Durand, « Jésus n’est pas ému sans suite » : sa réaction immédiate et fortuite face à la détresse, son émotion humaine en somme, se concrétise par des œuvres miraculeuses, cohérentes avec sa mission divine.

Qu’est-ce qui cause la colère du Fils de Dieu ?

Colère, indignation, exaspération, autant de nuances d’une émotion considérée comme négative, que nous sommes invités à gérer, maîtriser et dépasser. Que fait Jésus de ses colères, et contre qui s’abattent-elles ? Les marchands du temple, trop fameuse cible, ne sont pas les seuls à subir les foudres du Christ. Il y a aussi les perfides pharisiens, sur lesquels Jésus promène « un regard de colère, navré de l’endurcissement de leur cœur » (Mc 3, 5). Mais la colère ne domine pas : elle est immédiatement suivie d’une forme de tristesse mêlée de deuil face à la fermeture totale de ses ennemis autoproclamés, décidés à faire mourir le Christ coûte que coûte.



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« Génération incroyante, combien de temps resterai-je auprès de vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? » (Mc 9, 19). L’exaspération de Jésus est ici palpable, et d’autant plus frappante qu’elle s’adresse à une foule de croyant, incluant ses propres disciples. C’est que tous sont pris en défaut de foi : un père lui amène son fils possédé, que les apôtres n’ont pas réussi à guérir. « Viens au secours de mon manque de foi ! » s’écrie le père, avant que le Christ n’expulse le démon du corps de l’enfant. Jésus s’en prend aussi violemment à Pierre, le traitant de « Satan » (Mt, 16, 22) : celui qui est pourtant le premier apôtre va jusqu’à lui adresser des reproches, désirant l’empêcher de se rendre à Jérusalem pour qu’il ne soit pas tué. Ces colères-là sont fécondes : elles visent à interpeller les hommes alors qu’ils vacillent dans leur foi.

Les passions tristes du Christ

« Mon âme est triste à mourir », dit Jésus à Pierre, Jacques et Jean au jardin des oliviers, plein de frayeur et d’angoisse à la veille de sa crucifixion (Mt 14, 33-34). Il vient d’annoncer la trahison de l’un d’entre eux, et la défection de tous, déjà manifeste dans le sommeil des trois disciples : Jésus sera seul dans l’épreuve du lendemain, comme il est seul dans sa tristesse et son effroi. Ces émotions négatives sont dépassées non pas par l’action, puisque son sort est irrévocable, mais par son abandon total à la volonté de Dieu : « non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux ! », dit-il au Père dans son ultime prière (Mt 14, 36).

Ainsi, les émotions de Jésus sont humaines dans leurs manifestations, mais divines dans leur intégration à une mission surnaturelle : apporter le Salut aux hommes. Elles ne laissent pas d’être pour nous un exemple fécond : que notre pitié entraîne la charité, que notre colère soit un juste avertissement, et, dans, la tristesse des épreuves, abandonnons-nous à la volonté de Dieu.

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