Est-il possible de pardonner à ceux qui nous ont nui ? L’histoire du vieux Wang, surgie du fond des nuits d’Asie, nous montre que oui. Le pardon n’est pas toujours facile à accorder. Cependant, rien n’est impossible, ainsi qu’en témoigne l’histoire du vieux Wang, racontée par le tertiaire dominicain et écrivain Henri Ghéon dans Les Trois sagesses du vieux Wang, une œuvre publiée en 1927. Ce témoignage montre la force et l’audace du pardon donné.
L’histoire se passe au moment de la révolte des Boxers, qui sévit en Chine au début du XXe siècle. Alors que le conflit divise tout le pays, dans un petit village, un homme massacre toute la famille d’un vieux père de famille chrétien nommé Wang, avant de fuir les lieux. Après quelques mois, une fois le calme revenu, le coupable demande au père Lebbe, un missionnaire présent sur place, s’il peut rentrer au village. L’homme de Dieu fait alors venir Wang chez lui et lui parle de sa famille, avant de lui demander : « Wang, si le meurtrier de toute ta famille demandait à revenir au village, que ferais-tu ? ». Ce à quoi l’ancien répond en tremblant : « Je lui sauterais à la gorge et j’essayerais de l’étrangler ».
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Le pasteur continue à échanger avec lui, même s’il se rend compte que ce qu’il lui demande se situe au-delà des forces humaines. Mû par une secrète inspiration, il lui lance alors : « Tu es chrétien, Wang, ou bien tu ne l’es pas. Parfois, dans la vie, il n’existe pas d’intermédiaire entre le péché et les plus hauts sommets. Wang, tu dois pardonner à cet homme ». Puis il attend en silence, sans cesser de prier. Alors, le vieillard, en larmes, acquiesce. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Quelque temps plus tard, les habitants du village sont réunis autour du missionnaire. L’émotion est palpable. En effet, c’est ce soir-là que l’assassin de la famille de Wang, celui qui a brisé sa vie en lui arrachant toute sa famille, doit rentrer au village. Soudain, tous ceux qui entourent le vieillard voient le criminel arriver. Il s’avance, honteux, le regard tourné vers le sol, avant de se jeter aux pieds du missionnaire. C’est alors que tous sont témoins d’une scène bouleversante : Wang se lève, s’avance vers le bourreau des siens et le relève, avant de l’embrasser.
Un geste plein d’audace, à tel point que le meurtrier, transformé, choisit de devenir chrétien. Il demande à Wang d’être son parrain, devenant ainsi son fils spirituel.
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