Nous pouvons blesser ou être blessés dès la toute petite enfance. Identifier ces blessures psychoaffectives est un premier pas vers la guérison intérieure.Embryon, nourrisson, jeune enfant, à chaque étape de la vie, un être peut être blessé plus ou moins profondément dans son affectivité, et ce, dès le sein maternel. Les conséquences peuvent être graves : mal être, comportements à risques, agressivité, manque de confiance en soi… La bonne nouvelle annoncée dans le livre S’épanouir malgré les blessures (Saint Paul), du père Alain Ransay, prêtre du diocèse de la Martinique, c’est que l’on peut guérir de ces blessures psychoaffectives, une fois qu’on les a identifiées. Et son ouvrage nous aide justement à les reconnaître, présentant ainsi un double intérêt : celui de conduire vers la guérison les personnes blessées et celui de faire prendre conscience aux parents des comportements qui peuvent se révéler traumatisants pour leur enfant.
Les traumatismes entravent le développement de la personne, mais rien n’est irréversible
De sa conception jusqu’à sa mort, l’homme peut être confronté à des traumatismes, qui viennent entraver son développement profond. Dans son livre, le père Alain Ransay décortique en dix étapes le processus de développement de la personne, et fait correspondre à chacune d’entre elles les blessures affectives qui pourraient empêcher cet épanouissement. Il se base sur une théorie foncièrement positive émise par le psychanalyste Erick Erikson. Ce dernier compare le processus de maturité à l’image de la fleur, dont les pétales s’ouvrent tour à tour naturellement. Une blessure affective bloque l’épanouissement. Elle demeure une théorie positive dans la mesure où le psychanalyste est convaincu que l’on peut rattraper plus tard un développement qui n’a pas pu se réaliser plus tôt, et que tout peut se guérir. En d’autres termes, bien que blessé affectivement, rien n’est perdu pour l’homme ! Il existe toujours un chemin de guérison.
C’est également ce dont est persuadé, grâce à sa foi, le père Alain Ransay : « Dieu peut nous laisser toute notre vie avec une maladie physique, voire psychologique mais jamais il ne nous laissera avec une blessure affective, c’est-à-dire une blessure qui nous empêche d’aimer, pour peu que nous lui en fassions la demande. » Le prêtre explique que si selon la formule de saint Augustin « Dieu donne ce qu’il ordonne », alors il me donne la capacité d’aimer. Il ne pourrait pas me commander d’aimer (alors que j’en suis incapable à cause d’une trop grande blessure) sans venir à mon secours. Comment vient-Il à mon secours ? Par la prière, par le sacrement de réconciliation, et par la possibilité que j’ai de pardonner.
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Qu’est-ce qu’une blessure psychoaffective ?
Une blessure psychoaffective vient entraver la croissance harmonieuse de la personne. Ce sont les déceptions affectives, le sentiment de rejet, de haine ou d’abandon, les paroles dites « performatives » telles que : « Tu n’arriveras à rien dans la vie ! » ou « Tu es un parfait crétin ! », qui ont la capacité de transformer intérieurement ceux à qui elles sont adressées, au point que de nombreuses personnes ont du mal à s’en débarrasser. Le père Alain Ransay résume : « Je suis blessé dans mon affectivité quand je souffre du fait d’une absence ou d’une insuffisance d’amour, ou pire, d’une perversion de l’amour (abus sexuels).
Avant la naissance : les blessures à l’encontre de la « conscience d’amour »
On ne pense pas d’emblée au fœtus et encore moins à l’embryon lorsqu’on aborde la question des blessures de l’enfance. Et pourtant, il est unanimement reconnu qu’il se passe quelque chose pendant la grossesse. L’enfant dans le ventre de sa mère absorbe tout, le positif comme le négatif. Tout sentiment de peur ou de joie se traduit par une production d’hormones ou autres substances chimiques qui passent à travers le placenta. Plus étonnant encore, l’enfant dans le sein maternel, fait l’expérience de l’amour de ses parents, ou pas. « L’enfant a ce que l’on peut appeler une conscience d’amour, c’est-à-dire la capacité de se savoir aimé et désiré ou, au contraire, il est en mesure de comprendre qu’il ne l’est pas », affirme Alain Ransay.
Lorsqu’il sent qu’il n’est pas aimé, l’enfant peut présenter les symptômes de ce qu’on appelle « la blessure de néant ». Il fait un choix de mort : il refuse le sein par exemple. Ces personnes vivent ensuite avec le sentiment pénible d’être de trop sur terre et de ne pas y avoir leur place. En découle parfois des dépendances aux substances addictives, des conduites à risques, la tentation du suicide.
Autre blessure prénatale : la programmation. Certains parents désirent une fille, et c’est un garçon qui naît ! Ou inversement. L’enfant peut alors chercher à correspondre à l’attente de ses parents, et perdre tout repère par rapport à sa propre identité masculine ou féminine.
De la naissance à 18 mois : les blessures à l’encontre de la confiance fondamentale
Le premier contact avec un nourrisson qui vient de naître est déterminant. Il ne ressentira pas la même chose selon s’il est placé directement dans une couveuse ou s’il est déposé sur le corps de sa mère. Une séparation brutale peut causer un sentiment de solitude profond. Bien entendu, des raisons médicales font que nous n’avons pas toujours le choix. Dans ce cas, gardons à l’esprit que ce type de blessure se guérit, à condition d’en parler à son enfant.
Pourquoi ce premier contact est-il si important ? Car, selon l’auteur, le toucher positif engendre un sentiment de confiance fondamentale, en l’autre, en la vie, en la société. Or la vertu de confiance est indispensable pour pouvoir habiter ce monde de manière heureuse. A contrario, en l’absence de toucher, l’enfant risque de vivre avec un sentiment d’insécurité, pouvant générer plus tard de l’agressivité, une dépression, une peur de l’inconnu…
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De 18 mois à 3 ans : les blessures à l’encontre de l’autonomie
C’est la période de l’apprentissage de l’autonomie. Tout l’enjeu réside dans la gestion de cette affirmation de soi, qui est en même temps une contre-affirmation, puisque c’est en s’opposant que le petit enfant construit sa personnalité. Les parents ont donc la difficile responsabilité de trouver la juste attitude entre « ne pas poser de limites, avec le risque de le voir développer un tempérament tyrannique, ou en mettre trop, avec le danger d’entraver dangereusement son développement », alerte Alain Ransay.
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Il distingue trois écueils au bon développement de la liberté de l’enfant : le laxisme, le rigorisme et la surprotection. Lorsque la liberté est blessée, ou mutilée, peut apparaître chez l’enfant un sentiment de honte. La honte n’est pas mauvaise en soi, chez l’adulte, lorsque ce dernier prend conscience qu’il a commis une faute, mais chez l’enfant, il n’est pas encore question de responsabilité morale. Cette honte provoque alors un sentiment de doute sur soi-même, un manque de confiance en soi. Or Dieu ne nous a pas voulus comme ça. Nous sommes faits pour être libres et autonomes, à l’image de Dieu. Alain Ransay souligne que « Dieu nous veut debout et libres comme lui, et non pas esclaves ».