Le docteur Salvo Noè, psychologue italien, est l’auteur du livre “Défense de se plaindre” (Artège), exposant une méthode simple et efficace pour sortir de nos habitudes négatives et trouver en soi les ressources de la vraie joie.Salvo Noè, c’est le créateur de la fameuse pancarte « Défense de se plaindre », qu’il a offerte au pape François à la fin d’une audience publique sur la place Saint-Pierre le 14 juin 2017. Le Pape, approuvant visiblement l’interdit, l’a accrochée à la porte d’entrée de ses appartements au Vatican. Nous passons beaucoup de temps à nous plaindre, à la maison, en voiture, au travail… Selon une enquête menée par Willis Towers Watson en avril 2016, les salariés français sont les plus râleurs d’Europe. Et les Français vus par les étrangers sont considérés comme de sempiternels râleurs et d’éternels insatisfaits. Pourtant, « si on a le temps de se plaindre, on a aussi le temps de faire changer ce dont on se plaint », remarque justement Anthony d’Angelo, écrivain américain. Alors, si nous décidions de faire mentir notre réputation, et adoptions la méthode proposée par Salvo Noè, pour dire stop aux récriminations ?
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Pourquoi nous plaignions-nous ?
L’auteur passe en revue les raisons, plus ou moins conscientes, qui nous poussent à nous plaindre. Il y a d’abord une mauvaise habitude, parfois intégrée depuis l’enfance, si nous avons beaucoup vu nos parents se plaindre. Ensuite, l’homme est un être profondément insatisfait, qui cherche désespérément à donner un sens à sa vie. La plainte, même pour des futilités, serait un indice de ce degré d’insatisfaction chronique.
La plainte est également un moyen pour manipuler autrui, et activer chez l’autre un sentiment de peine ou de pitié, dans le but de « ferrer » un sauveur potentiel. Enfin, la plainte prend sa source dans notre profond égocentrisme et notre manque d’empathie : pourquoi serait-il évident que je doive posséder plus que l’autre ? Pourquoi tout ce qui m’arrive serait-il dû à une conspiration de tout l’univers contre ma pauvre petite personne ?
Agir au lieu de se plaindre
L’auteur ne nie pas les difficultés de la vie, mais il est convaincu que leur solution ne réside pas dans la plainte, mais plutôt dans la volonté d’agir pour améliorer sa condition. Il cite Martin Luther King : « Vous n’êtes peut-être pas responsables de la situation dans laquelle vous vous trouvez, mais vous le deviendrez si vous ne faites rien pour la changer. »
Salvo Noè nous invite à agir au lieu de râler, à transformer nos plaintes en propositions, en solutions, et en actions concrètes, à passer du négatif au positif, à devenir acteur de notre vie, au lieu de la subir. En tant qu’êtres humains, nous sommes responsables de notre vie. Notre existence dépend de nos décisions, et non des conditions dans lesquelles nous vivons.
Appréhender la vie avec un regard optimiste
Le fait de se plaindre n’est pas lié à une condition, mais à une manière d’appréhender la vie. Certains râleront avec véhémence pour une broutille, tandis que d’autres ne se plaindront pas d’une injustice ou d’un coup dur de la vie. Certaines personnes possèdent une force intérieure extraordinaire et ne sont pas découragées devant les obstacles. Ce sont des optimistes. « Être optimiste, rappelle Salvo Noè, ne veut pas dire que tout va bien, mais que tout peut être géré. » Et de citer des exemples de personnes, qui, malgré les difficultés, ont réussi à aller de l’avant. Ainsi, Alex Zanardi, pilote automobile italien, ayant perdu l’usage de ses jambes suite à un accident survenu au cours d’une compétition, a dit : « Quand je me suis réveillé sans mes jambes, j’ai regardé la moitié qui restait, pas la moitié perdue. » Tout ce qui nous arrive n’a aucun sens hormis celui que l’on veut bien lui donner. Même les malheurs peuvent devenir des opportunités pour grandir, dont se saisissent les personnes résilientes.
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Autre méthode pour changer sa manière d’appréhender la réalité : arrêter de se focaliser sur ce qui ne va pas. « La focalisation devient la réalité personnelle. Si vous vous concentrez uniquement sur ce qui ne va pas, cela devient votre réalité. » Et alors, vous vivez dans un trou noir.
Abandonner le langage plaintif
Oublions le langage plaintif, tel que « Je ne peux rien y faire », pour adopter un langage constructif : « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour… » Soyons proactifs. Les personnes proactives se concentrent sur leur capacité à faire, résoudre, construire, et non sur leur impuissance. Elles posent des questions productives. Les personnes qui se plaignent, au contraire, se concentrent sur leur impuissance, en omettant leur pouvoir de faire changer les choses. Elles se sentent victimes des événements et rejettent la faute sur les autres. Elles cherchent des excuses, des responsables, et posent des questions improductives.
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« Si quelque chose ne va pas, trouvons refuge dans le Seigneur »
Au cours de la messe en la maison Sainte-Marthe, le mercredi 3 avril 2013, le pape François s’appuie sur l’histoire des deux disciples d’Emmaüs qui quittent Jérusalem après la mort de Jésus, pour nous mettre en garde contre la plainte. Après avoir tant espéré (« Nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël », Luc 24-21), les disciples se plaignent, se referment sur eux-mêmes, ont l’impression de se retrouver face à un mur. Pourtant, le Seigneur s’approche d’eux à ce moment-là, mais ils ne le reconnaissent pas. De la même manière, lorsque nous récriminons, le Seigneur marche avec nous, mais nous ne le voyons pas, tellement nous sommes focalisés sur les raisons qui nous poussent à nous plaindre.
Voilà pourquoi le Pape affirme que la plainte est un mal : « La plainte est un mal, pas seulement celle dirigée contre les autres, mais aussi celle contre nous-mêmes, quand tout semble amer. Elle est mauvaise parce qu’elle mine notre espérance. »
Que faire ? Le Pape donne la solution : « Si quelque chose ne va pas, trouvons refuge dans le Seigneur, confions-nous à Lui. Le Seigneur est patient et sait comment nous faire sortir de cette situation. Ayons confiance dans le Seigneur, qui nous accompagne toujours durant notre marche. Même durant les heures les plus sombres, soyons sûrs que le Seigneur ne nous abandonne jamais. Et ne cherchons pas refuge dans les plaintes : elles nous font mal. Elles nous font mal au cœur. »