Tirer les rois renvoie à une tradition pré-chrétienne. Dans la Rome antique, infusée de paganisme, la fête des Saturnales voyait l’ordre social inversé. Domestiques, esclaves ou condamnés à mort pouvaient, s’ils étaient désignés par le hasard, devenir maîtres et rois d’un jour. Chamboulement éphémère qui devint, à l’époque médiévale, la fête des fous. Dès l’Antiquité païenne, le tirage au sort était réalisé à l’aide d’une fève cachée dans un gâteau de forme ronde, figurant le soleil.
Didier Philippe, dans son Petit Lexique des fêtes religieuses et laïques confirme qu’il était d’usage "que le plus jeune se place sous la table et nomme le bénéficiaire de la part qui était désignée par la personne chargée du service". Ainsi, c’était à l’enfant de la tablée, incarnant l’innocence, qu’il revenait de distribuer les rôles de cette fête si particulière.
Une tradition devenue chrétienne ?
Le tirage des rois, qui se perpétua dans la tradition chrétienne le jour de l’Épiphanie, ne fut pas sans susciter la désapprobation d’une partie du clergé. Il fut notamment dénoncé par de nombreux penseurs protestants comme signe de superstition. Sans cesser de se diffuser dans la population… Un bel usage voulait que la galette soit partagée en autant de parts que de convives, auxquelles on ajoutait une dernière part pour le premier pauvre qui pousserait la porte de la maisonnée.
Cette "part du pauvre" ou "part du bon Dieu" rappelait l’esprit de charité de cette fête. L’utilisation de la fève pour désigner le roi remonte également aux Saturnales et a pu être combattu ici et là par l’Église en tant que persistance païenne. Une figurine représentant l’Enfant-Jésus a permis, dans de nombreuses régions, de marquer l’enracinement chrétien de cette coutume.
Et aujourd’hui ?
La galette des Rois est encore consommée par plus de 80% des Français aujourd’hui. Si elle n’est plus reçue par tous dans son sens chrétien, elle demeure un précieux moment de convivialité familiale. Déclinée dans de nombreuses boulangeries, la galette trouve également sa place sur les tables des grands restaurants.
À l’Élysée, une galette géante est en général confectionnée pour le président de la République et ses invités. Spécificité : on n’y place pas de fève car "on ne saurait désigner un roi au sein de la présidence de la République". De cette fête sécularisée, il appartient à chaque chrétien de redonner la plénitude de son sens et d’en faire un acte d’amour et de vénération envers l’Enfant-Jésus. Ce Dieu qui s’est fait tout petit homme pour nous racheter. Une belle occasion d’évangélisation, à portée de main.