La sœur clarisse Rani Maria Vattalil a été assassinée le 25 février 1995 d’une cinquantaine de coups de couteau par un hindou qui s’est repenti après avoir été « pardonné et adopté » par toute sa famille. Jusqu’au dernier coup infligé par son meurtrier, un extrémiste hindou, qui lui a couru après alors qu’elle essayait de s’enfuir, Rani Maria ne cessa de crier le nom de Jésus. En mars dernier, le Vatican a reconnu son martyre, et le 4 novembre, elle sera béatifiée par le cardinal Angelo Amato, préfet de la congrégation pour les causes des saints, à Indore où sont prévues également des veillées spéciales en la cathédrale Saint-François d’Assise. Le lendemain, dimanche, une messe d’action de grâce, présidée par le nonce apostolique Mgr Giambattista Diquattro, aura lieu en l’église du Sacré-Cœur à Udainagar (60km d’Indore) où vivait sœur Rani Maria, en présence des milliers de fidèles attendus de tout le pays pour l’occasion.
Née le 29 janvier 1954 à Pulluvazhy, un petit village près de Kochi, la capitale commerciale du Kerala, Rani Maria est entrée au couvent des clarisses franciscaines à Kidangoor, en 1972 et prononça ses premiers vœux deux ans plus tard. Transférée dans le diocèse d’Indore en 1992, elle se consacra aux travailleurs agricoles sans terre, se battant pour leurs droits et contre l’oppression des propriétaires terriens et exploitants sociaux au prix de sa vie.
Du pardon à la repentance
Le meurtrier de sœur Rani, Samundhar Singh, avoua très vite avoir été employé comme tueur à gages par les propriétaires terriens hostiles au programme de la religieuse qui était également très impliquée dans l’éducation des enfants. Mais contre toute attente, il fut pardonné par la famille de la religieuse qui vint le voir en prison et stupéfia l’opinion publique en décidant de le “prendre en charge et de le placer sous sa protection” comme un frère. “Le meurtrier de ma sœur m’a appris la vraie signification du pardon (…) ma famille et moi, à travers la mort de Rani, avons expérimenté l’inconditionnelle miséricorde de Dieu”, a expliqué à AsiaNews Selmy Paul, la jeune sœur de Rani Maria, elle aussi missionnaire franciscaine clarisse en Inde.
Au début, face à un acte d’une telle cruauté, cela leur fut difficile car leurs coeurs étaient plein de douleur et de ressentiment, mais peu à peu, a-t-elle poursuivi, “j’ai commencé à sentir en moi la grâce de Dieu et j’ai pu lui pardonner”. Le déclic ? Le souvenir des paroles de Rani Maria : “Je n’ai pas peur de mourir pour les pauvres pour le bien de Jésus”. Son désir – mourir pour les pauvres – s’était réalisé. Le regard tourné vers le crucifix, Selmy a compris qu’elle était un “instrument dans les mains de Dieu” et que Rani avait été récompensé pour son service en faveur des pauvres ». Cette attitude bouleversa au plus haut point le meurtrier, Samundhar, qui s’est alors repenti sincèrement de son geste et mène aujourd’hui une vie exemplaire dans son village.
Une béatification source d’inspiration
Le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay et vice-président de la Conférence des évêques catholiques d’Inde (BCBI), a décrit la religieuse indienne comme l”exemple héroïque d’une personne qui s’est mise du côté des pauvres et des défavorisés”, rapporte La Croix. Un exemple salué comme “l’événement le plus glorieux de l’histoire d’Udainagar et de la Province d’Amala” par la congrégation de sœur Rani. Son martyre, affirme ses consœurs, a aidé à semer “la graine de l’amour et de la justice et la fraternité dans de nombreux cœurs”. Tous en conviennent, pour tous les chrétiens victimes aujourd’hui de persécutions cette béatification sera une grande source d’inspiration. “Nous sommes convaincus que la puissante intercession de sœur Rani qui a travaillé et qui est morte pour les pauvres et à leur service, ne rendra que plus efficace notre service pour le bien de toutes les personnes”, a entre autre déclaré à AsiaNews l’évêque d’Indore, Mgr Chacko Thottumarickal.
Dans l’État du Madhya Pradesh, les chrétiens ne représentent que 0,3 % des 73 millions d’habitants, à 90% hindous. Les violences antichrétiennes y sont fréquentes. Cette béatification est donc très attendue. Durant la célébration sera exposée une relique de la religieuse, une de ses cotes portant les traces de coups de couteau qui lui ont été infligées. A savoir qu’un musée honore la vie de sœur Rani à Ernakulam (Kerala), et qu’un documentaire – The Heart of a Murderer (Le cœur d’un meurtrier) – consacré au crime et à la repentance de son assassin – a remporté le prix du festival du film World Interfaith Harmony en 2013.