Pour tenir pendant des centaines d’années sous la persécution, les catholiques japonais ont développé un véritable manuel de survie spirituelle. Et celui-ci a permis à leurs descendants de reconnaître les prêtres catholiques à leur retour sur l’archipel, après 300 ans. En moins de 40 ans, de leur arrivée en 1549 à leur expulsion en 1587, les missionnaires jésuites catholiques ont baptisé plus de 220 000 Japonais. Par la suite, malgré les persécutions, la foi de ces chrétiens cachés est restée vivante pendant trois siècles, sans contact avec le reste du monde. Un mystère… ou un “miracle de l’Orient”, élucidé récemment à Rome par le jésuite japonais Shinzo Kawamura, à l’occasion des 75 ans des relations entre son pays et le Saint-Siège.
Ce miracle, en réalité, a aussi des explications naturelles. Trois pour être précis. La première est les jésuites, grands organisateurs devant l’Éternel, qui avaient eu l’idée géniale d’organiser les communautés catholiques en confréries. En Occident, celles-ci ont peu ou prou disparues, mais on en trouve encore dans certaines régions de France, comme en Normandie ou en Corse. Pour épauler les missionnaires, et ensuite en leur absence, des laïcs japonais s’occupaient de la gestion, baptisaient — ce qui est possible dans les cas exceptionnels — et enseignaient la Parole de Dieu. Ce simple dispositif a ainsi permis de maintenir des communautés structurées – dans le plus grand secret — après l’expulsion des occidentaux.
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Le second élément, et peut-être le plus émouvant, est la prophétie du catéchiste Sébastien. Emprisonné après l’expulsion des missionnaires, celui-ci a prédit que des prêtres reviendraient sur l’île, plusieurs centaines d’années après. Pour les reconnaître, le même Sébastien a donné aux catholiques de l’archipel trois clefs : l’obéissance au Pape, la dévotion à la Sainte Vierge, et le célibat. Ainsi, lorsqu’au XIXe siècle des chrétiens cachés ont été reçus par la femme d’un pasteur protestant, ils ont su qu’il ne s’agissait pas exactement de leur foi initialement reçue des jésuites !
La troisième catégorie d’aide est d’ordre spirituel : ces fidèles étaient particulièrement attristés de ne pouvoir se confesser au moins une fois par an, comme le demande l’Église depuis le Concile de Trente, règle adoptée quelques années plus tôt. En cas d’impossibilité de se confesser, ce même Concile avait cependant reconnu la valeur du repentir par la “contrition parfaite” — regret des péchés — en attendant la possibilité de rencontrer un prêtre. Ainsi les catholiques nippons ont-ils patienté plus de 320 ans en récitant chaque jour une prière de pénitence, appelée Orasho, et enseignée par les pères jésuites.