Annabelle : la Création du mal, réalisé par David F. Sandberg, est un film d’épouvante américain actuellement à l’affiche. Le scénario est signé Gary Dauberman, un chrétien pour qui le surnaturel est une réalité…Le film donne suite à Annabelle réalisé par John R. Leonetti, sorti en 2014 et inspiré de l’histoire vraie d’un cas de possession dont s’est occupé le couple Warren, spécialiste en phénomènes paranormaux. Il n’avait pas eu beaucoup de succès en France, mais beaucoup plus à l’international. Le critique de cinéma français Laurent Atkin, féru de films d’horreur, l’avait même jugé “extrêmement réactionnaire, avec une morale catholique faisandée”. Quelques années après, la production choisit un autre réalisateur mais garde le même scénariste chrétien. L’histoire du film se situe avant celle du film précédent, jouant avec l’utilisation de la poupée possédée déjà connue pour augmenter l’angoisse du spectateur averti. Il s’agit du quatrième film de la franchise américaine Conjuring.
L’horreur, le surnaturel et la foi
Un fabricant de poupées et sa femme, encore très affectés par la mort de leur fille, accueillent les pensionnaires d’un orphelinat. La poupée “Annabelle”, créée par le mari, menace à nouveau car des choses étranges se manifestent, preuves d’une présence maléfique. Quand on parle de possession, les esprits ne sont jamais loin et cette superproduction américaine a souhaité lier cette réalité avec la croyance chrétienne. Quand on croit en Dieu, on croit aussi à l’existence de l’ange déchu et au caractère tangible de son action. Si les spectateurs athées recherchent l’adrénaline provoquée par la peur, en allant voir un film d’horreur classique, l’intention du scénariste est réellement de faire prendre conscience du combat spirituel qui se joue ici-bas, qu’il ne faut pas le prendre à la légère, et que cette œuvre donne à voir.
Gary Dauberman a confié au Gospel Herald “qu’il considère ce film d’horreur surnaturel comme un film religieux parce qu’il souligne la réalité de la guerre spirituelle et la bataille en cours entre le bien et le mal”. Pour lui, qui a “toujours été fasciné” par le surnaturel, “sa foi lui donne une perspective unique sur les films d’horreur qu’il écrit”. Et d’expliquer qu’”à bien des égards, ce sont des films basés sur la foi”. Dauberman ne voit pas de contradiction entre sa foi chrétienne et l’écriture de scénarios qui donnent à voir le mal, au risque de le propager : “Ces choses sont réelles, il y a de la magie dans le monde, qu’il soit sombre ou bon. Vous ne pouvez pas nier qu’il y ait quelque chose de plus élevé là-bas — il y a une puissance plus élevée et un pouvoir plus sombre. Ces choses sont réelles et il est plus facile pour moi d’écrire ces scripts.” “Je suis croyant”, a-t-il continué, “donc je crois que les entités maléfiques et démoniaques sont là-bas, mais Dieu y est aussi et donc c’est bon. Même si l’on peut obtenir des films sombres et effrayants, il y a toujours ce filet de sécurité. Si le mal est vrai, le contraire doit aussi être vrai”.
Le matériel du tournage bénit par un prêtre
Cela explique d’ailleurs la présence d’images religieuses et de thèmes spirituels dans “Annabelle”. On notera les mentions positives de Jésus, de la prière, des références bibliques et des déclarations répétées selon lesquelles l’Évangile a le pouvoir de vaincre même le mal le plus profond, comme dans les films précédents de la franchise. “Selon les notes de production, un prêtre catholique a même été amené à bénir l’ensemble des éléments du tournage et les poupées Annabelle, tout comme ils l’ont fait avant que les caméras ne tournent pour The Conjuring 2“, ce qui est relativement rassurant.
Mais un film d’horreur est-il le bon moyen pour parler ou évoquer la dimension ténébreuse du surnaturel ? Un film joue sur les émotions du spectateur et les sensations mauvaises, les images marquent un certain temps, sans que l’on puisse préjuger à l’avance de son influence, néfaste ou bénéfique.
Le film est classé “R” (Rated : interdit aux moins de 17 ans) aux États-Unis à cause de sa forte violence, en France il est interdit aux moins de 12 ans. Cela prouve sa dureté, à la hauteur de la mise en garde souhaitée, mais elle peut également être une barrière à la réflexion, notamment par ceux qui ont la foi. La peur est-elle donc le meilleur moyen ? Le scénariste pense pourtant que le film peut déclencher “une conversation essentielle” sur un sujet “largement ignoré”. “J’aime que les gens pensent que cela peut peut-être arriver”, a-t-il déclaré. “Annabelle est une vraie poupée, et il y a eu des événements réels qui l’entourent, les Warren et tout ce qu’ils ont fait. Tout est fondé sur des événements véritables. Les Warren étaient de vrais croyants et ils étaient très fervents. Je pense que si les gens peuvent sortir en pensant qu’il y a cette énergie ou quelqu’un de plus grand que nous là-bas, que nous devons rester fermes dans notre foi, j’en serais heureux “.
Récemment, à la question du silence assez courant de l’Église sur la possession, un prêtre de Paris répondait : “Effectivement, nous en parlons assez peu, les prêtres font mal leur travail. Mais il serait mauvais de trop en parler, car nous savons que le Bien est toujours supérieur au Mal”. Cette même question se pose pour le cinéma, d’autant plus que le public de ce genre de film n’est pas réputé pour être croyant et donc avisé sur la réalité du monde obscur.