Le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, est au Sénégal jusqu’au 12 août 2017. L’une de ses étapes : l’île de Gorée, où est née la première communauté catholique du Sénégal dès le XVe siècle.Gorée, petite île au grand charme à quatre kilomètres seulement du centre de Dakar, offre à la population locale et aux nombreux touristes une atmosphère apaisante. Mais au cœur du village, au détour de rues étroites et fleuries de bougainvilliers multicolores, se dresse un édifice jaune pâle d’aspect simple et angulaire : l’église Saint-Charles-Borromée. Rien ne laisse soupçonner l’histoire étonnante dont cette construction du début du XIXe siècle est l’héritage. Mais une simple discussion avec l’abbé Adrien Ngondeb Sarr, le curé de la paroisse, permet de la découvrir : ici, à Gorée, est née l’Église du Sénégal.
L’œuvre des maçons et menuisiers des caravelles portugaises
C’est au milieu du XVe siècle que l’île de Gorée rentre dans l’histoire des découvertes européennes. Quelques chèvres sauvages se partagent la verdure du rocher lorsque en 1444, des caravelles portugaises, conduites par Dinis Diaz, accostent sur l’île. Malgré les aumôniers présents à bord des navires, il faut attendre l’escale de maçons et de menuisiers en 1482, pour que soient empilées quelques pierres sans ciment surmontées d’un petit toit de paille. Venus pour édifier le fort d’Elmina dans l’actuel Ghana, les artisans construisent cette modeste chapelle. C’est ainsi que naît, sur ce rocher de basalte d’à peine un kilomètre sur trois cents mètres, le premier lieu de culte catholique du Sénégal.
Fondements de la communauté catholique
De la fin du XVIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle, Hollandais, Français et Anglais se disputent l’île pour la sûreté de sa rade. Les chrétiens souffrent alors des conquêtes et reconquêtes des puissances européennes.
Pendant l’occupation hollandaise, la petite chapelle est transformée en boulangerie et en forge. Il faut attendre 1745, alors que l’île est française depuis une cinquantaine d’années, pour qu’une nouvelle église, dédiée à l’Enfant-Jésus, soit bâtie. Mais très vite, avec l’arrivée des conquérants anglais, la maison de Dieu devient un simple magasin.
1763 est une année charnière pour le culte catholique à Gorée. Cette année-là, le traité de Paris met fin à sept ans de guerre entre la France et l’Angleterre. Louis XV prend lui-même en charge sa dernière possession africaine, sur le plan civil comme religieux. L’arrivée des prêtres s’intensifie, un préfet apostolique s’installe sur place. La religion catholique, apostolique et romaine doit être exercée sans souffrir l’exercice d’aucune autre religion. Un article du règlement royal interdit de “jurer et de blasphémer le Saint Nom de Dieu”. L’abbé Demanet, premier curé officiel de Gorée, compte alors 1 200 chrétiens au sein de sa paroisse.
Reconstruire, toujours reconstruire
L’histoire ne s’arrête pas là. La nuit de Noël 1799, les soldats de l’armée anglaise reconquérant l’île, réduisent l’église en cendres. Seul un registre de baptême commencé en 1777 est sauvé, aujourd’hui précieusement gardé dans les archives de l’archidiocèse de Dakar. La maison d’une signare, Anna Colas Pépin, femme issue de l’union d’un Européen en poste au Sénégal avec une Africaine, devient pendant trente ans le lieu de culte des catholiques de Gorée. Mariages et baptêmes y sont célébrés.
La persévérance est de mise pour célébrer sa religion à Gorée. L’Ordre de Malte se charge cette fois de redonner à l’île son église. En 1830, un nouvel édifice s’élève sur le rocher de basalte, pour ne plus le quitter. L’église Saint-Charles Borromée rassemble actuellement 350 paroissiens. Non loin, la mosquée accueille aussi ses fidèles, devenus largement majoritaires sur la petite île de Gorée.