Nous connaissons peu de choses de Luc. Paul l’appelle "le médecin bien-aimé" (Col 4, 14). Irénée de Lyon écrit dans son livre Contre les hérésies que "Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Évangile que prêchait celui-ci. La tradition chrétienne le considère comme l’auteur des Actes des Apôtres qui constitue en quelque sorte la seconde partie d’un même ouvrage commencé avec l’Évangile".
Les deux écrits sont adressés à un certain Théophile, nom qui signifie en grec, "aimé de Dieu". Cet homme, peut-être un converti comme Luc, nous reste inconnu, mais il peut désigner tout lecteur chrétien : "Cher Théophile, dans mon premier livre, j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir, par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis" (Ac 1, 1).
Le compagnon de Paul
Luc est un homme cultivé qui maîtrise très bien le grec. Selon la recherche actuelle, il serait d’Antioche et aurait été converti au judaïsme puis au christianisme, probablement par Paul. Il appartient à la deuxième génération de croyants. Fidèle compagnon et disciple de Paul, ils se rencontrèrent à Troas vers l’an 50. Ils voyagèrent ensemble en Macédoine, en Grèce et à Rome.
Paul considère Luc parmi ses collaborateurs dans sa lettre à Philémon : "Épaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus, te salue, ainsi que Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs". (Phm 1, 23-24). Il parle également de Luc à Timothée : "Luc est seul avec moi. Amène Marc avec toi, il m’est très utile pour le ministère". (2 Tm 4, 11).
Il y a plusieurs passages dans les Actes des Apôtres où Luc rapportent des souvenirs personnels en utilisant le pronom personnel "nous". Un exemple parmi tant d’autres : "Quant à nous, après la Pâque, nous avons embarqué à Philippes ; et, au bout de cinq jours, nous les avons rejoints à Troas, où nous avons passé sept jours. Le premier jour de la semaine, nous étions rassemblés pour rompre le pain, et Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec ceux qui étaient là" (Ac 20, 6-7).
Luc n’a pas vu Jésus de son vivant, mais il a été en rapport avec plusieurs de ses disciples : Jacques le Mineur, Philippe, Jean, Marc, Barnabé. Il a probablement rencontré Pierre à Rome en 61 ou 62, mais peut-être pas Marie, figure centrale des deux premiers chapitres de son Évangile. Nous ne le savons pas. On a dit qu’il aurait peint son portrait. Est-ce une légende qui remonte au VIIe siècle ? Plusieurs icônes de la Vierge sont considérées comme ayant été peintes par lui, dont la Czarna Madonna à Częstochowa en Pologne.
L’Évangile de Luc
Cet Évangile, écrit vers les années 80-90 à des chrétiens d’origine païenne, est une sorte de biographie classique dans laquelle Luc montre l’universalité du salut en Jésus Christ, comme le souligne le vieillard Syméon au temple : "Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël" (Lc 2, 30-32).
Écrivain dans l’âme, le médecin Luc écrit avec finesse dans un grec superbe, le plus beau du Nouveau Testament, selon les spécialistes. Il évoque, dans son prologue, ce que la Tradition peut apporter à une écriture inspirée par l’Esprit. "Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus" (Lc 1, 1-4).
S’inspirant de l’Évangile de Marc et de la première version de l’Évangile de Matthieu, il y insère d’autres sources qui lui permettent d’écrire aux deux premiers chapitres les récits de l’enfance de Jésus, ainsi que l’épisode des disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-35). Luc construit son Évangile en trois parties qui donne une nouvelle perspective au kérygme primitif : les débuts et la Galilée, le voyage ou la montée vers Jérusalem, la place unique de Jérusalem.
On a dit de Luc qu’il avait écrit l’évangile de la miséricorde. Il manifeste un grand souci de la compassion et de la bonté dans le choix des paroles de Jésus et des textes qui lui sont propres : l’enfant prodigue, le bon Samaritain, Zachée, la pécheresse, le bon larron… En même temps, il insiste sur le renoncement pour suivre Jésus, les dangers de l’argent, l’accueil fait aux femmes, l’importance de la prière. Que de fois n’évoque-t-il pas le retrait de Jésus dans la solitude pour prier son Père, que ce soit lors de son baptême, au désert, avant de choisir les Douze, au moment de la transfiguration.
Évangile de la miséricorde et de la prière, c’est aussi l’Évangile de l’Esprit saint et de la joie qui débouche sur la mission d’annoncer le royaume de Dieu à tous. Ce que Luc montrera dans les Actes des Apôtres, récit des débuts de l’Église qui s'achève brusquement par la détention de Paul à Rome. Selon certaines sources, Luc serait revenu évangéliser en Macédoine après la mort de Paul. Il aurait connu le martyre à l’âge de 84 ans. Au IVe siècle, sa dépouille aurait été transférée à l'église des Apôtres de Constantinople. Il est symbolisé par le taureau, animal de sacrifice et d’endurance, peut-être parce que son Évangile commence par l'évocation de Zacharie, père de Jean Baptiste, prêtre sacrificateur qui travaille au temple de Jérusalem.
Article publié sur le blog de Jacques Gauthier le 17/10/2016