La question du rôle des Personnes divines – Père, Fils et Saint-Esprit – est complexe. Pour essayer d’en avoir une juste compréhension, présentons d’abord deux erreurs manifestées dans l’Histoire de l’Église. La première erreur consiste à dire qu’il n’y a aucun rôle propre ou mode propre d’action des Personnes divines : l’action trinitaire est uniquement une œuvre commune des trois Personnes divines. Autrement dit, la distinction des Personnes divines intervient dans leurs relations réciproques, mais pas dans leur action. Cette thèse défend un aspect important de l’œuvre trinitaire : les trois Personnes de la Trinité sont ensemble la source de leur action, en raison de leur commune nature divine. Cette présentation entend donc défendre l’unicité divine, au risque de perdre la richesse propre à chacune des Personnes de la Trinité.
De l’autre côté, certains ont défendu la thèse que chaque Personne divine exerce une action propre en notre faveur, une action quasi exclusive : le Saint-Esprit serait ainsi l’auteur de la grâce, comme si le Père et le Fils n’en étaient pas aussi les auteurs. On entendait ainsi défendre la distinction spécifique des Personnes divines, au risque, cette fois-ci, de perdre l’unité de la Trinité. Que dire alors pour apporter une réponse cohérente à cette question du rôle des Personnes divines ?
Il convient de rappeler clairement que le Père, le Fils et le Saint-Esprit agissent inséparablement. Chaque action divine est donc l’œuvre de toute la Trinité. Ainsi, on ne peut pas attribuer à une Personne divine, à l’exclusion des autres, une qualité ou une opération divine. Mais il convient d’ajouter immédiatement que le mode d’agir des Personnes divines se distingue en raison de la relation de chacune des Personnes avec les autres : le Père dans sa relation avec le Fils et avec l’Esprit Saint, et réciproquement. Ainsi le Père est, dans la Trinité, Celui qui aime, la source et le début de tout ; le Fils est Celui qui est aimé ; l’Esprit Saint est l’amour par lequel Ils s’aiment. Le Catéchisme de l’Église catholique précise : « Chaque Personne divine opère l’œuvre commune selon sa propriété personnelle » (258).
Pour approcher – un peu ! – ce mystère, l’Église a développé la doctrine dite « de l’appropriation ». On appelle « appropriation, le procédé théologique par lequel un aspect essentiel de la Trinité – commun aux trois Personnes – est attribué de manière spéciale à l’une des Personnes divines », explique le dominicain Gilles Emery. Par exemple, la Création est attribuée au Père, la Rédemption au Fils, la glorification ou la sanctification au Saint-Esprit ; la puissance au Père, la sagesse au Fils, et l’amour ou la bonté à l’Esprit Saint. L’appropriation est donc une manière de tirer vers une des Personnes de la Trinité ce que les trois Personnes sont ou font ensemble. Ainsi, le Père est Créateur, certes, mais Il crée par le Verbe, qui est son Fils, et en l’Amour, qui est l’Esprit.
Père Nicolas Buttet
La doctrine des appropriations est une façon de révéler ce que chacune des Personnes a réellement en propre : être Père, être Fils, procéder comme Esprit. Elle nous aide à approfondir ce grand mystère : un seul Dieu en trois Personnes.