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Joies et limites des groupes WhatsApp familiaux

WhatsApp Phone
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Edifa - publié le 02/05/21 - mis à jour le 19/02/23
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Si les groupes WhatsApp familiaux permettent d’échanger messages et photos instantanément, il convient d’en user en bonne intelligence.

Il existe des groupes WhatsApp pour tout : le cadeau commun pour les 50 ans de Papa, le groupe des parents d’école, l’organisation de la prochaine fête paroissiale. À croire que plus rien ne pourrait se faire sans cette fabuleuse application, symbole de la dématérialisation du lien à l’heure de l’implacable tsunami du numérique. Les clans familiaux sont eux aussi séduits par cette application. Enquête sur ses promesses et ses limites.

Daphné, 24 ans, énumère ainsi les conversations auxquelles elle participe, avec plus ou moins de constance : "Un groupe avec mes sœurs et ma mère, un avec mes sœurs et sans ma mère, un avec les parents, un avec mes beaux-frères et mes sœurs, un pour la famille élargie de chaque côté..." Plus quelques discussions réservées aux amis ou aux travaux de groupe. Au cœur de ces espaces hors du temps, les photos d’enfants croisent les annonces diverses et variées : examens obtenus, bébé à venir, mariage prochain.

Une joyeuse cacophonie, qui n’est pas sans rappeler celle des dîners de famille. À 65 ans, Betty ne tarit pas d’éloges sur ce nouveau mode de communication : "Je suis enchantée de WhatsApp, parce que c’est un accompagnement énorme pour moi d’imaginer la vie de mes enfants et de mes petits-enfants. Plus on se tient au courant, plus on s’aime. L’amour c’est ça : la continuité dans la vie des uns et des autres". 

Au-delà même du lien qui se conserve, c’est tout un esprit de famille qui se cultive et s’entretient : "Ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’humour de notre groupe. Ma journée commence par ces bulles de rire. Je suis formelle, les liens sont plus étroits que jamais grâce à cette messagerie !" Anne-Claire quant à elle se réjouit de faire écouter à ses filles une fois par semaine un épisode d’Alice au pays des merveilles raconté par leur grand-mère et envoyé sur WhatsApp depuis l’océan Indien. C’est ainsi que les familles, parfois éparpillées aux quatre coins du monde, peinant à se rassembler un week-end par an, se vivifieraient à l’ère d’internet.

Chacun (se) raconte, mais qui écoute ?

Pour Marie-Laetitia Basile, psychologue en maison de retraite, la prudence est cependant de mise : "Il y a souvent une part de narcissisme dans ce type de réseaux. Chacun raconte ce qu’il vit, sans forcément être dans la réponse à ce que vivent les autres. Il est nécessaire d’être ajusté : comment se sert-on de ce réseau ? Est-ce au service de la relation, ou pour se montrer ?" En somme, et en creusant un peu, les aficionados de l’application ne sont-ils pas eux-mêmes un peu dépassés par ces échanges si "sympas" ? "C’est vrai, admet Angeline du bout des lèvres, que sur ce type de messagerie il y a toujours ceux qui se vantent, qui ne peuvent s’empêcher d’envoyer des tonnes de photos de leur dernier voyage en Grèce, de parler de leurs enfants si brillants..."

Cette limite n’est pas la seule : outrance de messages ou à l’inverse absence remarquée de certains membres de la famille, ceux qui ne réagissent jamais, ou pas comme il faut. Pire encore, celui qui quitte le groupe sans crier gare... De fait, il n’existe aucun code de bonne conduite écrit et accepté par tous. Chacun doit faire preuve de bon sens pour communiquer en bonne intelligence. Modération, bienveillance et réciprocité pourraient être les maîtres mots de ces groupes familiaux. Sur ce point, Betty note avec soulagement que ses petits-enfants ont gardé l’habitude, avant d’écrire un message à toute la famille, de lui annoncer les grandes nouvelles par téléphone.

Rester attentif aux proches en dehors de WhatsApp 

Le téléphone, justement : on le décroche de moins en moins lorsque WhatsApp suffit à grappiller quelques nouvelles. "C’est pour cela que je déteste ces groupes, confie Natacha. Je ne prends plus le temps d’appeler les gens puisque j’en ai vaguement des nouvelles sur WhatsApp. » Jean, de son côté, concède que le groupe familial le dédouane : « Je n’ai pas besoin de téléphoner puisque je sais ce que fait chacun de mes cousins quasiment en temps réel. C’est un vrai gain de temps !"

Pour Marie-Laetitia Basile, les choses sont claires : "Les réseaux sont utiles mais ils ne sauraient être suffisants. D’autant plus que sur ces groupes, on dit souvent ce qui va bien, pas ce que l’on a au plus profond de soi, et c’est pourtant de cela que se nourrit une relation." Comment savoir quelles sont les peines de cette cousine qui abreuve le groupe des photos de ses enfants, autrement qu’en entendant sa voix ? "Ne soyons pas esclaves de cette application, qui n’est qu’un moyen parmi d’autres au service du lien. Et cela d’autant plus que notre jalousie est exacerbée par les réseaux, qui donnent l’impression que tout va toujours bien chez les autres. Ce qui chatouille notre sensibilité, voire notre susceptibilité !"

Rien ne vaut mieux qu’un simple coût de téléphone de temps en temps ou une visite quand cela est possible.

Betty, elle, est attentive à ce détail. Lorsqu’un de ses petits-enfants réagit moins que les autres à la discussion, elle n’hésite pas à l’inviter à dîner pour discuter vraiment avec lui. "Je tisse un lien autrement, je comprends parfaitement que ce ne soit pas simple pour tout le monde de raconter sa vie sur ces groupes." De fait, que racontent ceux qui n’ont pas d’enfants ? Qui ne font pas de voyages ? Qui ne réussissent pas leurs examens ? Parmi les "exclus" de WhatsApp, auxquels il conviendrait d’être particulièrement attentif, Marie-Laetitia évoque également les personnes âgées incapables de rattraper le train des nouvelles technologies. Rien ne vaut donc mieux qu’un simple coût de téléphone de temps en temps ou une visite quand cela est possible. 

Ariane Lecointre-Cloix

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