Observez bien les photos des podiums olympiques. Évidemment, le médaillé d’or arbore un visage euphorique. En revanche, le plus souvent, le médaillé de bronze a l’air beaucoup plus heureux que le médaillé d’argent qui, lui, affiche un sourire un peu figé, contraint. Étonnant ! L’argent a réalisé de meilleures performances et pourtant il est moins content de lui. On le comprend aisément. Ils jugent de leur valeur propre en se comparant. Mais l’argent se compare à celui qui a été meilleur que lui. La première place lui a échappé. Il n’est que deuxième. En revanche, le bronze se compare à tous ceux qui n’ont pas la joie, la chance d’être sur le podium.
Tout ceci nous amène à réfléchir à nos réflexes éducatifs. Et à l’environnement de nos jeunes. Bien souvent, on entend enfants ou élèves soupirer : « Chuis nul », puis plus grand : « J’vais pas y arriver. » D’ailleurs, même les étudiants préparant des concours doivent lutter vaillamment contre ces messages intérieurs si démobilisants. On peut y voir les effets conjugués de l’esprit de compétition démesuré et de la tension comparative qui imprègnent notre environnement.
Il y a donc un malentendu sur la place que nous accordons à la compétition. À trop la considérer comme une saine énergie facteur de progrès ou de dépassement, nous oublions son moteur fondamental : la comparaison. Car il s’agit davantage de dépasser les autres que de se dépasser soi-même. Mais en se comparant perpétuellement aux autres, on finit par poser sans cesse sur soi-même un regard qui juge. « Je te jauge, je me juge ». Et quel sera notre critère de jugement ?
Les performances des autres, ou leur statut social, ou leur apparence physique, la liste est sans fin. Le critère ultime étant le modèle idéal proposé par les images retouchées et irréelles qui polluent littéralement notre univers quotidien. Rien de tel pour réduire en miettes la confiance en soi. Loin d’engendrer une solide confiance en soi, la comparaison la fragilise : le critère de ma valeur supposée sera toujours extérieur, évolutif, et souvent impossible à égaler.
La compétition n’est saine que si elle fait droit à la gratitude envers les autres.
Alors, que dire à ceux qui nous sont confiés, à celui qui s’applique à réussir ce qu’il a entrepris ? La compétition n’est saine que si elle évacue la comparaison toxique et fait droit à la gratitude envers les autres. Avoir à l’esprit tout ce que je dois aux autres, être conscient que je peux compter sur eux, leur en être reconnaissant : ce regard renforce la confiance en soi, vivifie l’espoir de réussite, évite la glorification du succès, et adoucit les effets de l’échec.
Au fond, personne ne veut être aimé pour ses performances. Plaçons alors notre jeune sous le regard de Dieu, qui dans le secret de la prière lui redira sans cesse à quel point il est incomparable, absolument unique, précieux et formidable. Tel qu’il est.
Jeanne Larghero