La fête de Pâques est une fête mobile : sa date varie d'une année à l'autre. Il est vrai que c'est assez désagréable au plan pratique. Mais c'est aussi une bonne occasion de nous souvenir de l'enracinement de la tradition chrétienne dans la tradition juive.
Avant d'être une fête chrétienne, Pessah est une fête biblique. C'est même, à l'origine, une célébration de la nature. Dans la culture nomade, l'année commence au printemps ; on célèbre l'agnelage, qui assure l'avenir du troupeau et la prospérité du clan. Dans la culture sédentaire et rurale, l'année commence à l'automne, début du cycle des travaux des champs. Mais on fête au printemps les premières gerbes d'orge : c'est la fête des Azymes qui, initialement, était distincte de la fête de Pâques.
Sur cette toile de fond, le Livre de l'Exode dessine la grande épopée de la sortie d'Égypte et de la traversée de la mer. Le 14 du mois de Nisan (« le premier mois ») devient ainsi une sorte de fête nationale. Or le calendrier d'Israël est un calendrier lunisolaire : les douze mois correspondent au cycle lunaire (vingt-neuf ou trente jours), et périodiquement un mois supplémentaire permet de recaler l'année sur le cycle du soleil.
Les chrétiens suivront, eux, le calendrier julien. Sous Jules César, en effet, Rome a fait le passage d'une année de dix mois et trois cent cinquante-cinq jours, commençant au mois de mars, à notre année de douze mois et trois cent soixante-cinq jours, commençant le 1er janvier. La Pâque chrétienne ne coïncidera donc plus avec la Pâque juive, d'autant moins qu'on voudra honorer non pas la date exacte de la Résurrection, mais le dimanche le plus proche de cette date. Ce qui n'était que le premier jour de la semaine est, en effet, devenu le dimanche : dies dominicalis (jour du Seigneur).
Il faut ajouter à cela une complication supplémentaire : la date de Pâques ne coïncide pas dans toutes les Églises chrétiennes. L'année du calendrier julien durait onze minutes de trop. À la Renaissance, le décalage cumulé n'est plus supportable. Le pape Grégoire XIII va supprimer dix jours - c'est ainsi que sainte Thérèse d'Avila est morte dans la nuit du 4 au... 15 octobre 1582 ! Il va également supprimer certaines années bissextiles de début de siècle.
Mais le monde orthodoxe ne s'aligne pas sur le calendrier grégorien. De part et d'autre, on observe la même règle, édictée au concile de Nicée : Pâques est le dimanche qui suit le quatorzième jour de la lune de l'équinoxe de printemps. Mais selon que le comput est julien ou grégorien, la fête peut être célébrée le même jour (comme en 2007, 2011 ou en 2014), ou jusqu'à quatre à cinq semaines plus tard (comme en 2002).
Père Alain Bandelier