Être l’aîné ou le cadet, enfant unique ou au milieu d'une fratrie… Quel impact sur le caractère des enfants et comment éviter les écueils ? Le point avec Françoise Peille, psychologue clinicienne, spécialiste de l’enfance et de l’adolescence.
On dit souvent des aînés qu'ils sont les enfants rois, est-ce vrai ?
Françoise Peille : L’aîné a une place particulière. C’est lui qui transforme un simple couple en parents. Émerveillés devant leur premier enfant avec qui ils découvrent tout un monde nouveau, ils l’aiment différemment. Quand arrivent les autres, l’aîné ressent une frustration, car il doit partager ses parents alors qu’il les avait pour lui tout seul. C’est un drame pour lui.
Un écueil important concerne l’éducation des filles aînées qui se plaignent souvent d’être obligées de faire les corvées et de s’occuper des petits. Certaines sont surnommées « la petite maman », mais jamais on n’appellerait un garçon « le petit papa » ! Il faut les laisser vivre leur vie d’enfant. On en a qu’une. En règle générale, les parents risquent de faire peser sur l’aîné une mission trop importante qui semble les valoriser, mais qui risque de les décourager s’il ne se sent pas à la hauteur des attentes parentales.
Etre le second est-il une place difficile ?
Le second est souvent révolté par la place privilégiée de l’aîné. Mais s’il a une toute petite différence d’âge avec lui, de deux ans à peine, c’est l’aîné qui risque de se sentir frustré, car tous les deux auront autant besoin de câlins et d’affection. Alors que, s’il y a une grande différence d’âge, à ce moment-là l’aîné aura un rôle de grand frère et peut avoir des compensations.
La place du second dépend aussi beaucoup du sexe. Quand c’est un enfant d’un sexe différent de l’aîné, c’est une nouvelle découverte pour les parents. Ils redécouvrent certaines choses comme si c’était leur premier enfant. Le second est alors autant valorisé mais sans trop de pression, contrairement à l’aîné.
Qu'en est-il de l’enfant du milieu et l’avant-dernier ?
Quand un enfant se trouve au milieu de la fratrie, si c’est une famille nombreuse, la place a ses avantages et ses inconvénients. Ni choyé comme les petits, ni valorisé comme les grands. S’il est bien dans sa peau, il trouvera des compensations, allant avec les aînés à certains moments et avec les plus petits à d’autres.
On n’est jamais le même parent avec nos enfants, car ils arrivent à des moments différents de notre existence.
Concernant l’avant-dernier, ce n’est pas tellement le rang qui importe, mais comment l’enfant est perçu par ses parents. Il faut en effet que chacun ait un statut particulier dans la famille sans que les parents se sentent coupables de ne pas aimer de la même manière chaque enfant. Ils aiment différemment, ni plus ni moins. On n’est jamais le même parent avec nos enfants, car ils arrivent à des moments différents de notre existence. La sacro-sainte égalité, cela ne marche pas avec les enfants, car leurs besoins sont différents.
Le dernier enfant est-il le plus gâté ?
Dans toutes les fratries, on entendra toujours les aînés dire aux derniers : « C’était bien plus sévère pour moi que pour vous. » Les derniers sont souvent en effet l’objet de toutes les attentions, choyés et gâtés. Valorisés par tout le monde, ils réussissent souvent très bien. Sauf s’ils arrivent dans un contexte qui n’est pas choisi ou du moins subi. Lorsque les parents sont vieillissants, ils peuvent être moins impliqués dans l’éducation du petit dernier, être beaucoup plus souples et lui laisser plus de libertés. Ce qui explique peut-être son caractère volontiers plus fantaisiste. Mais cette souplesse ne doit pas être un non-investissement.
Des jumeaux sont-ils toujours fusionnels ?
Si les jumeaux sont seuls dans la fratrie, leur relation est souvent très fusionnelle. Être de vrais ou de faux jumeaux n’a pas tellement d’importance. Quand ils sont entourés d’autres frères et sœurs, il faut que les parents soient vigilants à garder un équilibre entre les jumeaux et le reste de la fratrie, souvent un peu jaloux de leur connivence. Attention : un jumeau est régulièrement dominant dans le duo. Les parents n’ont pas à accentuer cela. Ces derniers doivent laisser les rivalités et les conflits s’exprimer et se régler tout seuls, sauf s’ils sont trop graves. Les parents interviennent toujours mal. Très souvent les rivalités s’accompagnent de complicités très importantes qui se révèlent plus tard.
Et l’enfant unique ?
Il est souvent très valorisé. Et très ouvert sur le monde extérieur puisque, depuis tout petit, les parents l’ouvrent aux autres. Parfois, au contraire, les parents le gardent dans sa bulle et ne lui permettent pas de s’ouvrir aux autres. Généralement très sûr de lui, grâce à son monopole affectif, l'enfant unique peut aussi avoir l'impression de rater sa vie s’il n'est pas à la hauteur de ce que souhaitaient ses parents.
Propos recueillis par Clémence Barral