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Guider son enfant à travers les joies et les peines des premières amitiés

BROTHERS, SMILE, HAPPY
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Edifa - publié le 14/01/21
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« C’est ma meilleure amie », « Je ne t’aime plus » : autant de phrases qui reviennent sans cesse dans les cours de récréation. Changeantes ou conflictuelles, les amitiés apprennent doucement à l’enfant à aimer. Vous rappelez-vous votre premier ami ? À cette question, un visage un peu flou se dessine immédiatement dans la mémoire : on l’a rarement oublié. Caroline, Agnès, Marc ou Jacques : des prénoms qu’on laisse résonner volontiers, habités de souvenirs de jeux, de secrets partagés, de fous rires… À notre tour d’aider nos enfants à bien vivre cette expérience essentielle de l’amitié enfantine, « une des grandes joies de la vie », comme dit Françoise Sand, conseillère conjugale et familiale. C’est la première fois que l’enfant est choisi et aimé par quelqu’un d’extérieur à la famille, et qui plus est, reconnu par quelqu’un de son âge. Une expérience enthousiasmante !

Le premier apprentissage de la relation humaine

« Éloi, il me trouve rigolo », s’étonne Arnaud. À travers le regard de son ami, l’enfant se voit, se découvre, apprend à connaître ses talents, comme ses travers… car l’âge n’est pas tendre ! « L’ami apaise, donne confiance à l’autre en lui faisant découvrir des qualités dont il n’a pas conscience ; il l’aide à se construire », confirme Françoise Sand.

FRIENDSHIP

Di sirtravelalot – Shutterstock

Se faire des amis, c’est pour l’enfant la première ouverture sur la société. « J’allais chez Sophie le jeudi après-midi, se souvient Christine, 62 ans. J’avais 8 ans à l’époque. C’était ma première grande amie, à la vie à la mort. J’étais frappée par l’ambiance détendue de sa famille, par la gentillesse de ses frères, et j’ai réalisé qu’on pouvait être différents. » À travers ces relations amicales, l’enfant saisit qu’il existe des règles pour être admis dans cette société : il devra faire des concessions, tenir compte de l’avis de l’autre, attendre son tour.

L’ami, qu’il soit camarade de classe, voisin ou cousin, occupe une place de choix dans le cœur des enfants. Avec lui se fait le premier apprentissage de la relation humaine, de l’amour donc, avec toutes ses composantes : attirance et rupture, trahison et tendresse… Et cela quel que soit le niveau et le nombre de liens créés. Pour le pédopsychiatre Catherine Jousselme, ce n’est en effet pas grave si l’enfant a peu d’amis : l’essentiel est qu’il vive au moins une amitié. L’absence d’amis, en revanche, est inquiétante. Elle nécessite une consultation.

Montrer le bon exemple et initier à la générosité

Alors, comment aider nos enfants ? Par notre attitude, d’abord. « Très tôt, ils peuvent accéder à des relations de qualité avec leurs amis s’ils grandissent dans un climat d’ouverture aux autres : la confiance en autrui est semée dans la famille », assure le pédopsychiatre Stéphane Clerget. Voilà sans doute une bonne raison de cultiver nos propres amitiés. Les moyens ? Déjà en étant bienveillant quand on parle de nos amis en famille : évitons de les descendre en flammes à peine sont-ils partis de chez nous !

Les enfants observent la façon d’agir de leurs parents. Passer un coup de fil pour un anniversaire, donner régulièrement des nouvelles, mais aussi savoir se confier, être à l’écoute, porter nos amis dans la prière, ou encore être une maison accueillante pour autrui… toutes choses que les enfants imiteront s’ils l’ont vu faire chez eux. « J’ai toujours détesté l’imprévu : quand quelqu’un débarquait chez nous à la dernière minute, pour moi, c’était une intrusion. À cause de cela, mes enfants ont reçu peu d’amis à la maison », regrette Benoît.

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La famille est également le lieu idéal pour former l’enfant à l’oblativité. C’est-à-dire lui apprendre à donner sans rien attendre en retour. Ce qui n’est pas évident, à un âge où il est plutôt centré sur ses propres besoins… Les invitations entre enfants sont une occasion très concrète d’affiner la générosité et la délicatesse de cœur en amitié. « Pierre avait invité son ami Louis, raconte Hélène, sa mère. Au bout d’un certain temps, intriguée par le silence persistant, je découvre Pierre plongé dans une BD pendant que Louis dansait d’un pied sur l’autre sans savoir que faire. J’ai dû faire une petite mise au point… ». L’heure du goûter, surtout chez les plus petits, est aussi un moment clé pour s’initier au partage et à l’attention : proposer, se servir après les autres et, pour l’invité, prendre ce qu’on lui offre sans réclamer son menu favori, sous peine de blesser son ami. Les parents peuvent y veiller.

Aider à rencontrer de nouveaux amis

D’autres petits coups de pouce ne seront pas de trop de la part des parents : trajets en voiture, invitations, rencontres diverses. Notamment après un déménagement ou un changement d’école. « Lorsque nous avons déménagé dans une autre ville, ma fille de 8 ans a quitté sa meilleure amie, et cela a été très difficile pour elle, confie Béatrice. Depuis, nous essayons de l’inviter pendant les vacances, même si cela ne nous arrange pas toujours ! » Et le pédopsychiatre Stéphane Clerget de conseiller : « Proposez à votre enfant d’écrire à ses amis, cela développe l’amitié ».

Les parents peuvent aussi les aider à rencontrer de nouveaux amis. « Favorisez les activités de groupe, les amitiés naissent souvent de ce que l’on fait ensemble », rappelle Jacques de Singly, sociologue de la famille. Sports collectifs, chorale, scoutisme… autant d’activités qui, au-delà des différences de tempérament ou d’éducation, rassemblent les enfants autour d’un point commun. Et qui les conduisent plus vite à des relations enrichissantes : « Guillaume a commencé le foot en traînant les pieds car il ne connaissait qu’un seul garçon de l’école qu’il trouvait vraiment “nul”, raconte Xavier, son père. Le sport aidant, ils sont devenus très amis ! »


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Mais attention : aider ne signifie pas forcer. « Sous prétexte que la meilleure amie de Maman avait une fille de mon âge, il fallait à tout prix que je m’entende avec elle, se souvient Pascale. Nous n’avions aucun goût en commun et j’ai un souvenir horrible de ces après-midi interminables passés avec elle. » Et quand un petit garçon est ami avec une petite fille ? Ne collez pas l’étiquette « amour » sur une amitié entre deux enfants de sexe opposé. Combien de parents transposent leur propre expérience sur une simple relation amicale enfantine… « On les met à tort à une place qui n’est pas la leur, » regrette le Dr Catherine Jousselme.

Des chagrins à prendre au sérieux

L’amitié chez les petits n’a jamais été un long fleuve tranquille, on le sait. Disputes, gros chagrins, réconciliations… chaque année connaît son lot de péripéties. Et il arrive que ce soit douloureux : pour les plus timides, qui ont du mal à se faire des amis ; pour ceux qui n’arrivent pas à les garder (on pense au camarade trop autoritaire ou manipulateur, exclusif ou étouffant qui finit tôt ou tard par lasser, et « qui se retrouve souvent seul », remarque Sybille, institutrice) ; ou pour les grands sensibles qui, toujours un peu moroses, en viennent à décourager leurs camarades.

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Alors, que faire en cas de chagrin ? Déjà, prenez-le très au sérieux, car « ces peines sont souvent réelles et douloureuses », assure la psychanalyste Danièle Brun. Ensuite, Françoise Sand conseille simplement de manifester notre compassion : « Je comprends que tu souffres, je suis là et je t’aime ». Amélie a été confrontée à cette situation. Sa fille de 11 ans a été « abandonnée » par son amie de toujours. Elle lui a alors raconté avoir vécu une expérience similaire quand elle avait son âge : « Du coup, elle a compris qu’elle n’était pas la seule ».

Pour certains petits qui ont déjà une intimité avec Dieu, pourquoi ne pas les inviter à se confier à lui ? Cela peut se faire en famille. Par exemple : « Ce soir, nous prions pour Marie et son amie Cécile », sans rien ajouter de plus.

À un âge où l’amitié est versatile, il est également bon de faire réfléchir les enfants sur la fidélité. « Marion, 10 ans, a un peu tendance à laisser tomber ses amies, remarque Sabine, sa mère. Je ne peux pas la forcer à les aimer, mais j’essaie de lui montrer la peine qu’elle occasionne avec ses élans impulsifs, sans lendemain. Je lui conseille d’être plus prudente dans ses emballements, pour ne pas décevoir ensuite. » Lisez-leur des histoires d’amitié, les petits adorent. À chaque parent de trouver celle qui aura le plus d’écho chez son enfant : contes, BD, anecdotes de famille ou vies de saints qui ont vécu une amitié forte (Côme et Damien par exemple, ou Claire et François d’Assise).

Savoir s’excuser mais aussi accepter le pardon

Si les amitiés enfantines sont si mouvementées, c’est sans doute une affaire de personnalité. Mais pas seulement. L’amitié d’enfance est captive. Même profonde, elle est d’abord recherchée pour soi-même. Il ne faut pas oublier qu’un petit enfant est par nature égocentrique. D’où des relations amicales qui peuvent parfois tourner au vinaigre. Les parents ont là aussi un rôle à jouer pour aider leur enfant à trouver sa place dans une amitié.

L’enfant doit « savoir dire non, s’imposer, dire ce qu’il pense à un ami autoritaire », encourage Françoise Sand. Avec des mots simples, parfois naïfs et très directs, les enfants parviennent à se tirer mutuellement vers le haut. Comme Maëlle, 9 ans, qui lance à son cousin, après un jeu : « Je ne jouerai plus avec toi, tu es trop mauvais joueur », ou Clément, 7 ans, qui explique à Raphaël qu’il ne veut plus être son ami car il passe son temps à se battre en récréation. D’où l’importance de la franchise dans la relation d’amitié.


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Après la chamaillerie vient le temps du pardon. S’excuser, ou à l’inverse accepter le pardon, est souvent ce qu’il y a de plus difficile pour eux. Un aspect de l’amitié souvent oublié mais sur lequel les parents auraient tort de ne pas insister. Car le pardon exprime la volonté d’aimer l’autre.

Et si la relation à Dieu donnait une autre dimension à ces amitiés d’enfance ? « Ma fille de 8 ans est rentrée un soir, toute triste : “Manon m’a demandé ce que représentait ma médaille et je n’ai pas osé lui répondre, car je crois qu’elle ne connaît pas Jésus”, raconte un papa, attendri. Je l’ai rassurée : “Tu as le droit de lui en parler, tu sais !” Le lendemain, elle est revenue ravie : “On a discuté de Dieu et elle m’a dit qu’elle était déjà allée à un baptême.”» Ces relations enfantines peuvent être édifiantes, comme le relate Odile : « Avant de faire sa première communion, ma fille aînée avait demandé à ses amies de prier pour elle ». On découvre alors que nos enfants vivent une amitié profonde, parfois spirituelle.

Alexandra Ronssin et Florence Brière-Loth

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