Elles sont involontaires. Et pourtant, certaines phrases des parents sur Jésus peuvent pousser l’enfant à s’éloigner petit à petit de Dieu. Agnès, 5 ans, voudrait bien que ses parents, qui s’apprêtent à aller dîner chez des amis, l’emmènent avec eux. Ses diverses tentatives de séduction ayant été inopérantes, elle s’applique à découper des étoiles tout en ruminant sa déception. D’un air détaché, elle demande : « Maman, la nuit, on dort ? C’est fait pour dormir, la nuit ? » réponse distraite de la mère : “Mais oui, bien sûr, la nuit c’est fait pour dormir”. Après quelques secondes de réflexion, Agnès observe : “Pourtant, toi, tu ne dors pas puisque tu vas chez des amis” ; et, du ton attristé et moralisateur d’une mère de famille devant les frasques d’un adolescent, elle ajoute : “Et Jésus, Il n’est pas content”. Inutile de dire que “l’argument Jésus” n’a pas eu l’effet escompté. Dans le même genre, une petite fille de six ans s’efforçait de contraindre son frère jumeau à l’obéissance en menaçant : “Si tu ne fais pas ça, tu iras en Enfer !”.
Plus amusés qu’irrités par ce genre de déclarations, nous sentons bien néanmoins qu’il est important de faire découvrir à l’enfant que Dieu n’est pas l’argument suprême dont nous pourrions user et abuser à notre guise pour mettre sa Toute-Puissance au service de notre impuissance. Et pourtant ne nous arrive-t-il pas d’utiliser exactement le même genre d’arguments, en particulier dans le domaine de l’éducation ? “Tu fais de la peine au petit Jésus ; Dieu t’a puni ; Jésus ne t’aime pas quand tu fais ça ; Jésus est fâché ; C’est Dieu qui l’a voulu !”. Et même si nous ne nous reconnaissons pas dans l’une ou l’autre de ces formules, il reste vrai qu’il est fréquent que nous enfermions Dieu dans les limites de ce que nous croyons savoir de Lui ou que nous “utilisions”.
Comme le dit la petite Anna dans le livre de Fynn, Anna et Mister God, nous mettons Dieu dans des petites boîtes “parce que nous ne l’aimons pas vraiment”. Nous présentons trop souvent aux enfants un Dieu “utile”, qu’il soit distributeur de récompenses, faiseur de miracles, explication passe-partout ou super Père Fouettard. C’est un risque qui nous guette tous d’autant plus que bien des petites phrases qui reviennent comme des adages ont résonné à nos oreilles d’enfants ; nous les prononçons sans vraiment réfléchir à tout ce qu’elles impliquent. Quelques exemples de phrases à bannir.
Éviter de désigner Jésus de « petit » de manière courante
Parler du “petit Jésus” n’est pas faux puisque Jésus s’est fait homme et donc, d’abord, petit enfant. Mais il n’est pas souhaitable de Le désigner ainsi de manière courante car pour l’enfant, Jésus ne sera que le “petit Jésus”, l’Enfant-Jésus de la crèche ou de la maison de Nazareth. Il restera un “petit Jésus pour enfants” qu’ils risquent de laisser de côté en grandissant, au musée des enfantillages et des souvenirs d’enfance. “Nous ne devons rien apprendre durant l’enfance que nous soyons obligés d’oublier plus tard”.
Cette formule à proscrire absolument car elle est entièrement fausse. Jésus aime infiniment chacun de nous, fût-il le pire des pécheurs. Un enfant qui entend dire cela grandira avec la crainte de perdre l’amour de Dieu et sera persuadé que cet amour se mérite, que Dieu n’aime pas le pécheur. Ce qui est dit par les parents pendant les premières années possède un tel impact que l’enfant, devenu adulte, restera marqué par cette image d’un Dieu qui ne nous aime que lorsque notre conduite est satisfaisante.
La manière dont nous aimons nos enfants, dont nous leur signifions notre amour, les aide à percevoir et à vivre l’amour de Dieu.
Dans le même ordre d’idées, nous ne devrions jamais dire : “Je n’aime pas les petites filles menteuses (ou les petits garçons coléreux)”, formule raccourcie pour signifier que nous n’aimons pas que les petites filles mentent. Mais l’enfant entend ce que nous disons, à savoir que nous ne l’aimons pas lorsqu’il ment. Cela peut paraître un point de détail, et ça l’est d’une certaine manière, mais l’éducation est faite de petites choses et, en l’occurrence, il faut se rappeler que la manière dont nous aimons nos enfants, dont nous leur signifions notre amour, les aide à percevoir et à vivre l’amour de Dieu.
S’il est vrai que la souffrance est la conséquence du péché, il est faux et dangereux de présenter une souffrance ou un échec comme la sanction directe d’un péché précis. Rappelons-nous la réponse de Jésus à ses disciples qui Lui demandaient, à propos d’un aveugle : “Ses disciples l’interrogèrent : “Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?” Jésus répondit : ”Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui””. (Jn 9, 2-3). Si lorsqu’il se fait mal à l’occasion d’une désobéissance, l’enfant entend dire qu’il s’agit d’une punition de Dieu, il pensera que la souffrance est toujours « méritée » et, à l’inverse, que le bonheur ou l’idée qu’il s’en fait (la santé, la chance, l’absence de souffrance, le plaisir) est toujours le signe d’une conduite qui plaît à Dieu.
Jésus n’est pas content, tu Lui as fait de la peine.
Affirmation ambiguë : vraie et fausse à la fois. Claire, avec la jugeote de ses dix ans, remarque : “Jésus ne peut pas être triste puisqu’il est heureux pour toujours au Ciel !”. Logique. On peut faire remarquer à Claire, néanmoins, que ce sont aussi ses péchés à elle, ses péchés d’aujourd’hui, qui ont crucifié Jésus. Jésus a souffert par avance pour tous les péchés de tous les hommes passés, présents et à venir. Même s’il n’y avait eu que ses péchés à elle, Claire, Jésus aurait donné sa vie. Dire que notre péché fait souffrir Jésus n’est donc pas faux. Mais il convient d’être vigilant : ce qui compte n’est pas ce que nous avons l’intention de dire, mais ce que l’enfant perçoit et comprend. L’enfant risque de penser que le bonheur de Jésus dépend de lui, de sa bonne ou mauvaise conduite, ce qui est faux. En réalité, ce n’est pas le bonheur de Jésus qui est détruit par le péché mais le bonheur du pécheur. De même, la qualité de l’amour de Jésus pour nous ne dépend pas de notre réponse : Dieu nous aime gratuitement, totalement et inconditionnellement. C’est cet amour-là qu’il nous faut dire et redire sans cesse à nos enfants.
Christine Ponsard
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