« Le mariage, quand ça va, ça va. Quand ça ne va pas, tu patientes. » Cette phrase donne une vision assez réaliste du quotidien du mariage qui est effectivement l’exercice d’une vertu essentielle : la patience. Vis-à-vis du conjoint, sans doute. Vis-à-vis des enfants, certainement. Mais plus subtilement, patience envers soi-même. Et même patience vis-à-vis de Dieu.
Nous sommes des êtres remplis d’attentes, notamment dans nos relations d’amour. Nous attendons des autres, de Dieu. Il est bon d’établir la liste de nos attentes et d’examiner leur légitimité, leur réalisme. De plus, ces attentes supposent précisément d’attendre. Et voilà pourquoi un mariage sans exercices de patience n’existe pas.
Pourquoi est-ce si long que notre conjoint (ou Dieu) nous donne ce que nous attendons, nous désolons-nous, quand il l’aurait peut-être fait depuis longtemps si nous lui avions laissé l’espace ou la liberté nécessaire. Comme il est étonnant le temps que Dieu (ou notre conjoint) met pour nous exaucer, pensons-nous, alors qu’il est encore plus étonnant le temps que nous mettons à comprendre que nous serions déjà exaucés si nous avions fait telle démarche d’abandon ou de confiance, ou même que nous sommes déjà exaucés d’une manière que nous ne voyons pas.
Pourquoi est-ce si long de nous corriger de tel défaut, nous plaignons-nous, alors que nous restons dans la toute-puissance de celui qui croit connaître tous les tenants et aboutissants de sa propre personnalité et que nous oublions l’humilité nécessaire pour approcher sa propre complexité. Si souvent, nous perdons patience parce que nous regardons la situation selon un seul angle de vue ou un seul raisonnement, sans penser qu’il pourrait être vu ou pensé tout autrement. Notre conjoint est assez souvent cet « autrement » que nous n’avons pas envisagé. Et réciproquement. Et Dieu encore bien plus.
« Quand ça ne va pas, tu patientes. » Cela peut paraître une maxime fataliste manquant d’espérance. Ce serait vrai si elle parle d’une patience statique, celle de celui qui subit un retard par exemple. Mais ce n’est plus fataliste s’il s’agit de la patience dynamique de l’artiste qui reprend sa sculpture aussi longtemps qu’il faut, selon tous les angles, celle de l’éducateur qui sait qu’un homme ne se fait pas en un jour ou celle du conjoint conscient que sa patience n’est pas seulement attente, mais occasion féconde de transformation intérieure.
La patience ne consiste pas à ronger son frein, mais à ouvrir son cœur. Cela peut coûter, mais c’est le moyen d’être surpris, de découvrir l’inconnu en soi, en l’autre, en Dieu, de recevoir les changements que nous n’avions pas prévus, pas maîtrisés, et même pas tout à fait compris. Recevoir ce que nous n’attendions pas ou plus est un sommet de joie.
Sophie Lutz