Si nous étions des anges, nous n’aurions jamais besoin de nous détendre. Un ange n’est jamais tendu ni détendu. Mais nous ne sommes pas des anges et il nous faut apprendre à nous détendre afin de ne pas craquer et d’être plus disponibles à l’Esprit saint.Nous avons tous nos obstacles à l’action libre du Saint-Esprit. Tendus par des soucis, agités par nos activités, dérangés par la présence de telle personne ou par son attitude, nous sommes souvent un peu « hors service » pour l’Esprit saint. Bien sûr, tout cela est psychologique et Dieu peut bien faire ce qu’il veut avec nous, même quand nous sommes en colère. Mais il peut cependant être bon de se détendre en vue de faciliter la venue de l’Esprit saint en nous.
Il y a détente et détente
On envisage rarement la détente de ce point de vue-là. La plupart du temps, on pense qu’il faut se détendre afin de ne pas craquer. Et ce n’est pas faux, bien sûr, mais insuffisant. Pour le chrétien, la détente devrait être mise en relation avec la vie dans l’Esprit. Si, comme dit saint Séraphin de Sarov (1759-1833), le but de la vie chrétienne est d’être rempli du Saint-Esprit, le but de la détente est de nous rendre moins indisponibles, autant que faire se peut, à son action en nous.
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De là un critère de discernement : une bonne détente dispose à l’action de l’Esprit, et une mauvaise détente, par certains côtés, le « contriste ». Cela peut paraître abstrait, car il est difficile de savoir ce qui « contriste » ou non l’Esprit saint, mais on reconnaît quand même un arbre à ses fruits. Si vous avez dansé toute la nuit et que, pendant trois jours, vous marchez au radar et que vos oreilles bourdonnent, ce n’était peut-être pas la détente la plus adaptée.
N’insistons pas. Aussi ce n’est pas seulement parce qu’une détente nous empêche de craquer psychologiquement qu’elle est une détente appropriée. Elle ne l’est que si elle ne contriste pas l’Esprit saint, ou mieux, si elle nous dispose favorablement à son action.
Les bons conseils de saint Thomas
Saint Thomas d’Aquin, le grand théologien du Moyen Âge, a écrit un merveilleux traité sur la détente. Il ne l’appelle pas comme ça, certes, mais c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque, dans la Somme théologique, il se demande quels sont les remèdes à la douleur et à la tristesse.
Le principe de son raisonnement est assez simple : « De même que la fatigue du corps disparaît avec le repos du corps, de même, il faut que la fatigue de l’âme disparaisse avec le repos de l’âme. Or, le repos de l’âme, c’est le plaisir. Et les paroles et actions où l’on ne recherche que le plaisir de l’âme s’appellent divertissement ou récréation. Il est donc nécessaire d’en user de temps en temps, comme moyen de donner à l’âme un certain repos ».
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Le fait d’être tendu étant fondamentalement relatif au corps, on peut d’abord regarder les choses de ce côté. Saint Thomas se demande avec sagacité pourquoi les larmes, le bain ou le sommeil adoucissent la tristesse. Il dit des larmes qu’elles atténuent la tristesse parce qu’elles permettent à la personne qui souffre de s’extérioriser, et d’être par le fait même moins concentrée sur sa tristesse. Principe à retenir : la détente va avec la distraction et l’extériorisation. Il explique que bains et sommeil sont des remèdes à la tristesse dans la mesure où ils relaxent, et s’opposent ainsi à la contraction physique engendrée par la douleur.
L’amitié et la contemplation, bienfaits pour l’âme
Cela dit, qu’en est-il de l’âme ? Quels sont les plaisirs qui détendent le plus du point de vue spirituel ? Ce sont ceux, évidemment, qui touchent le plus au bonheur : l’amitié et la contemplation. Quoi de plus plaisant et profondément reposant que la conscience d’être aimés de nos amis, et que leur présence à nos côtés ? Et qu’est-ce qui détend davantage que la contemplation, pour autant qu’on aime la sagesse et que la joie spirituelle de la contemplation rejaillisse sur notre sensibilité ?
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La contemplation est un simple regard de l’esprit sur ce qui est, une pure joie de connaître ce qui est, quand son objet est digne d’être admiré (Dieu, une personne, une œuvre d’art, un paysage…). Il y a cependant, avant cela, une détente plus aisée à trouver : celle du divertissement et de l’humour. Le philosophe Aristote en faisait même une vertu (l’eutrapélie).
Assaisonner son existence
Relaxation, sport, bains, etc., diminuent donc la tension physique, tandis que l’extériorisation, le jeu, la pratique d’un art ou d’un hobby, diminuent la tension qui provient davantage de l’imagination et des soucis. Et pour ce qui est de la détente affective et intellectuelle, rien ne vaut la présence d’amis et la contemplation (de la contemplation artistique à la contemplation chrétienne). À chacun de faire sa vinaigrette avec ces ingrédients.
Cependant, n’exagérons pas l’importance de la détente. Il y a des grands pécheurs qui savent très bien se détendre, et il y a des saints qui l’ignorent. Cela prouve qu’on aurait tort de faire de la détente un absolu, car elle est en vue de l’activité et non l’inverse. Comme le suggère saint Thomas, elle est de l’ordre de l’assaisonnement et non pas du plat principal : un peu suffit.
Thomas Joachim