Emménager avec son conjoint est à l’évidence la source de grands changements ! Fini le « chacun chez soi », désormais c’est le « chez nous » qui prime. Pourtant, si on ne pose pas les bonnes bases dès le début de la vie commune, le rêve d’un foyer où chacun se sent bien et à sa place peut se transformer en véritable cauchemar…Au début de la vie commune, un des conjoints peut avoir l’impression de ne pas pouvoir trouver réellement sa place dans la vie du couple. Il se lamente : « Je me demande quelle place je tiens dans la vie de notre famille ! Que je parle ou que je me taise, c’est pareil… Chez nous, je ne me sens pas vraiment chez moi ». Une souffrance qui peut être liée à une ou plusieurs erreurs commises lors de l’emménagement ensemble.
Un « SDF » au sein du couple
Si un des conjoints est venu habiter dans la maison de l’autre… dans les meubles choisis par l’autre, quand ce n’est pas dans les meubles des beaux-parents si généreusement laissés au jeune couple, il peut se sentir un peu comme un « SDF ». Il est particulièrement désagréable, pour celui qui a rêvé d’organiser son intérieur comme il le souhaite, de se retrouver dans un univers qui ne correspond pas vraiment à ses goûts.
Cette situation peut poser quelques problèmes, même si le conjoint à qui appartient l’appartement ou la maison dit toujours avec une grande sincérité : « Sache bien que tu es ici chez toi… Tu peux changer les meubles de place… Mettre d’autres tableaux… Sauf peut-être celui que Maman nous a offert ».
Et mes affaires personnelles ?
Cette impression de ne pas avoir trouvé sa place peut également se vivre au sens strict. Matériel. Par exemple, un des conjoints qui cherche vainement où il pourrait poser ses dossiers dans une maison magnifiquement organisée par l’autre qui ne manque pas de le faire remarquer : « Je t’en prie, range tes papiers, ils n’ont rien à faire dans le salon ». Et le premier doit battre en retraite dans un coin, refuge encombré de tout son matériel.
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Il peut alors se désoler : « Il (elle) a un bureau bien à lui (elle), mais comme cela ne lui suffit pas, il (elle) finit par squatter la salle de séjour, où nous retrouvons, pêle-mêle, classeurs, sacoches, ordinateur, documents en tout genre. Je n’ai même pas une table pour mes affaires personnelles ! »
Est-ce que je compte ?
Cette impression pénible de ne pas avoir d’endroit pour soi a parfois une explication plus psychologique que matérielle. « Je n’ai pas de place chez nous » ne signifie-t-il pas plutôt : « Ici, je ne compte pas vraiment » ? S’il est difficile de vivre dans la maison familiale, n’est-ce pas avant tout à cause de ce qui est ressenti ? « Je passe après ! » Mais pourquoi est-il si pénible de voir son salon envahi par les dossiers de son épouse ou de son époux ? N’est-ce pas parce que cela donne l’impression que le travail du conjoint passe avant la famille et la vie du couple ? Le sentiment de ne pas compter se décline dans tous les autres aspects de la vie du couple.
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Des plus mineurs aux plus graves : « Tu as acheté ce téléphone portable parce qu’il te plaisait… mais il est cher, était-ce bien le moment ? — Mais, c’était une affaire à ne pas manquer, je t’assure ! — Mais, tu le fais sans m’en parler ? Une fois de plus, je ne compte pas ! ».
Il importe donc que chaque couple qui rencontre cette difficulté s’interroge sur son comportement. Cette petite phrase : « Je ne compte pas » n’est pas anodine et peut traduire une réelle souffrance. Chaque conjoint a-t-il assez le souci de prendre soin que l’autre soit valorisé(e) ?
La naissance du « nous »
Une bonne question à se poser : est-ce que mon conjoint, parce qu’il m’a épousé(e), devient avec moi, par moi, grâce à moi, ce type réussi d’homme ou de femme qu’il (qu’elle) est appelé(e) à devenir ? Dès lors, oui ou non, chaque membre du couple se sent-il pleinement chez lui, pleinement reconnu dans son droit d’avoir ses opinions, et d’être partie prenante dans les décisions du couple ? La communauté conjugale est l’émergence d’une structure unique : le « nous ».
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Elle n’est pas l’addition d’un « je » et d’un « tu », a fortiori l’absorption d’un « je » par un « tu », mais le surgissement d’une cellule nouvelle et originale constituée par l’acceptation et l’interpénétration des richesses de chacun. Une cellule qui doit prendre absolument le large, loin des souches parentales, pour trouver sa propre route de croisière. Une cellule qui ne saurait sombrer ni dans la fusion, ni dans la phagocytose de l’un par l’autre. Une cellule où chacun doit avoir le sentiment qu’il est prioritaire dans la pensée de l’autre, qu’il existe pleinement dans son regard, de la même façon qu’il existe pleinement dans le regard de ce Dieu qui dit à chacun : « Tu as du prix à mes yeux » !
Denis Sonet