Faut-il gronder ou sanctionner ses enfants, petits ou adolescents ? C’est la question que se posent de nombreux parents alors que l’éducation bienveillante a le vent en poupe. Dans la vie, une des choses les plus difficiles à accepter, surtout quand on est jeune, c’est qu’il y ait des sanctions. Personne n’aime être grondé, réprimandé ou puni. Il y a quelque chose de révoltant de se voir sanctionné pour ce qu’on a fait. On estime toujours avoir des circonstances atténuantes. On voudrait bénéficier d’un droit à l’erreur. On souhaite s’en tirer au meilleur compte. À mesure qu’on avance dans la vie, on prend conscience que la route est parsemée de sanctions. Il y a bien quelques récompenses, mais on rencontre surtout beaucoup de blâmes et de punitions.
La conscience morale
On se heurte d’abord aux inévitables conséquences de ses actes. On sait que conduire en état d’ivresse ou en faisant les imbéciles au volant peut être sanctionné par un accident et entraîner les pires catastrophes. La sanction ne vient pas des hommes, mais de la réalité elle-même. Rêver d’un monde où l’on pourrait faire n’importe quoi sans que cela porte à conséquence relève de cette illusion qu’entretiennent toutes les formes de fiction qui font prendre le rêve pour de la réalité. Au-delà de la réalité qui impose sa dure loi, on se heurte ensuite aux impératifs de la vie en commun. C’est parce qu’on n’est pas seul sur terre qu’il faut des codes de « bonne conduite ». Le Code de la route par exemple permet à un grand nombre de personnes de circuler ensemble. Ne pas le respecter expose à deux genres de sanctions : l’accident et le procès-verbal. Toutes les lois sont faites pour permettre de vivre en société. Ne pas les respecter entraîne des sanctions. Mais il y a un autre domaine dans lequel les sanctions ont du mal à être acceptées : celui de la conscience morale.
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Certains diront qu’ils ne voient pas pourquoi ils devraient accepter des règles morales ou s’imposer à eux-mêmes des obligations qui viennent à l’encontre de ce qu’ils ont envie de faire. Ils ne voient pas pourquoi ils ne devraient pas satisfaire leurs besoins, leurs passions, voire leurs pulsions. N’est-ce pas le grand problème de l’éducation ? Faut-il que les parents sanctionnent leurs enfants quand ils ne font pas ce qu’ils doivent faire (travailler à l’école, respecter les autres) ou quand ils font ce qu’il ne faut pas (mentir, voler). D’où la question : l’éducation doit-elle comporter des sanctions ?
Les punitions : qu’en dit la Bible ?
On connaît le proverbe : « Qui aime bien châtie bien ». Il laisse entendre que c’est par amour que les parents punissent leurs enfants. Et à l’inverse, on comprend que celui qui ne châtie pas n’aime pas vraiment. Il démissionne de ses obligations. Dans la Bible on trouve plusieurs sentences qui rappellent aux parents que s’ils aiment vraiment leurs enfants, ils doivent les punir tant qu’il est temps. Pour la Bible, punir son enfant s’il le mérite, c’est vraiment l’élever. Mais attention aux punitions corporelles auxquelles on doit éviter de recourir.
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Un enfant bien « élevé » est la joie de ses parents. Et qu’on entende bien ce qui est dit : élever son enfant, c’est le faire grandir, le rendre libre, lui faire produire le meilleur de lui-même. Élever son enfant, ce n’est pas le flatter pour qu’il « se monte la tête » ni lui laisser la bride sur le cou pour qu’il s’égare. Il s’agit, au contraire, d’avoir assez confiance en lui pour exiger de lui qu’il s’élève lui-même au-dessus de sa médiocrité naturelle. S’il fait bien, il faut le récompenser (ce qui est autre chose que de le flatter) et s’il fait mal, il faut le punir (ce qui est autre chose que de l’humilier).
Si supporter une juste punition n’est pas facile, il faut que les enfants sachent qu’il n’est pas si simple de punir. Il y faut du courage et de la détermination. Il y faut un grand sens de la justice et un véritable amour. Punir sans haïr, sanctionner tout en pardonnant, tenir ferme quand on aurait envie de passer l’éponge demande plus d’amour et d’oubli de soi qu’on ne pense quand on est enfant. Dans bien des cas, les adultes seraient tellement tentés de fermer les yeux, de laisser filer et de ne rien dire. Sur le moment, tout le monde serait content. Mais de cette démission, les premières victimes seraient les enfants eux-mêmes.
Une société sans sanctions ?
Certains jeunes se rendent bien compte que sans une certaine résistance en face d’eux, ils font n’importe quoi au détriment de leur santé et de leur avenir. S’il n’y avait pas d’examens, pas de défis à relever, d’épreuves à passer, ils ne progresseraient pas. À condition qu’elles soient justes, les sanctions ont un sens pour eux et sont admises tant bien que mal. Mais d’autres demandent qu’on les laisse vivre leur vie et faire ce qu’ils veulent, jusqu’à ce qu’ils prennent d’eux-mêmes conscience de ce qui leur convient ou ne leur convient pas. Ceux-là ne supportent pas l’idée de sanction. Ils prennent toute entrave à leur action pour une atteinte à leur liberté. Ils s’estiment capables de se contrôler eux-mêmes. Cette opinion est souvent partagée par des adultes.
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Une société sans sanction apparaît à beaucoup comme une société idéale. Mais si on examine cette question de près, on ne pourra pas passer sous silence cette sentence de l’Apocalypse : « Chacun sera jugé selon ses œuvres » (Ap 20, 12-13). On ne pourra cacher que la vie comme la Révélation rappelle que chacun récoltera ce qu’il a semé. Les adultes qui veulent le bien de leurs enfant auront à cœur de les aider à réussir leur vie. Ce qui n’est pas possible sans contraintes. Et les enfants, devenus adultes et parents, rendront grâce à leurs aînés de les avoir aidés à être maîtres d’eux-mêmes et finalement de les avoir rendus à leur tour… libres.
Alain Quilici