Si l’année scolaire 2023 a été ponctuée par de grandes résolutions, du "choc des savoirs" de Gabriel Attal à la volonté d’Emmanuel Macron de faire de l’école "la mère des batailles", quelques mois après, l’heure est au statu quo. Si le futur gouvernement devrait ratifier certains textes, il peut aussi rétropédaler. Jamais l’incertitude n’aura donc été aussi grande pour les élèves, les familles et les établissements, qu’en ce début d’année marqué par l’absence de gouvernement et l’instabilité politique.
1Le Brevet, sésame obligatoire pour le lycée ou pas ?
Le nouveau décret sur le brevet, annoncé en décembre dernier par Gabriel Attal pour renforcer l'exigence de l’examen de fin de 3e, n’a pas encore été publié. "Le nouveau brevet se dessine", a pourtant assuré la ministre de l’Éducation démissionnaire Nicole Belloubet lors de la traditionnelle conférence de presse de rentrée le 27 août. "Les nouvelles modalités d’évaluation de la session 2025 ont été prévues" et les textes devraient être publiés "dès la fin de la période des affaires courantes". Les nouvelles modalités concernent le passage de 50/50 à 40/60 entre contrôle continu et examen final, afin de donner plus de poids aux épreuves de fin d’année, ainsi que la prise en compte de toutes les disciplines de 3e (contre les huit actuelles) dans le contrôle continu. En revanche, alors que le gouvernement de Gabriel Attal voulait rendre obligatoire l'obtention du brevet pour entrer au lycée, "le décret prévu à cette fin est aujourd’hui gelé", a annoncé Nicole Belloubet.
2Les nouveaux programmes de primaire repoussés d’un an
Les programmes de l’école primaire en français et en mathématiques ont été renforcés et réécrits, afin de consolider les bases fondamentales des connaissances. En français, une attention particulière est portée à l’acquisition des compétences de lecture et d’écriture dès les premières années de l’école primaire. En mathématiques, l’accent est mis sur la manipulation d’objets concrets, avec l’application notamment de la méthode de Singapour. L’objectif de ces nouveaux programmes était aussi de gagner en compréhension sur ce que les élèves doivent savoir à la fin de l’année. Là encore, ils devraient être publiés dès la formation d’un nouveau gouvernement pour entrer en vigueur à la rentrée 2025. "Une chance", selon la ministre, qui voit dans cette année de retard l'opportunité, pour les enseignants, de s'approprier les nouveaux programmes.
3Les groupes de besoin en roue libre
Gabriel Attal avait évoqué des groupes "de niveau". Nicole Belloubet préfère parler de groupes "de besoin". Au-delà du jeu sur les mots, il s'agit de groupes à faibles effectifs organisés en fonction du niveau des élèves pour permettre, selon Gabriel Attal, de "sortir du collège uniforme", qui "condamne certains à stagner et empêche d’autres de s’envoler", expliquait-il en décembre. Une mesure critiquée par certains syndicats redoutant un "tri social". Nicole Belloubet laisse finalement les coudées franches aux établissements en les invitant à faire preuve de "pragmatisme et souplesse" et à réduire "ponctuellement l’hétérogénéité, sans la supprimer"... Ces groupes devraient être mis en place en français et mathématiques pour les élèves de 6e et 5e et être étendus aux classes de 4e et 3e en 2025.
4L’éducation à la sexualité en cours de finalisation
Le Conseil supérieur des programmes avait publié le 5 mars un projet de programme d’éducation à la vie affective et à la sexualité, de la maternelle à la terminale, en vue de la rentrée 2024. Il comporte quelques points positifs comme l'apprentissage de l’intimité, de la pudeur, ainsi que la volonté de lutter contre l’exposition des enfants à la pornographie. Néanmoins, le rythme de ces apprentissages, imposé selon les tranches d’âges, ne convient pas nécessairement à tous. Sans compter que les parents sont les grands absents de ce vaste programme. A ce sujet, Nicole Belloubet a précisé que les programmes "étaient en cours de finalisation et seront dès que possible présentés au Conseil Supérieur d’Education et publiés". Les trois séances annuelles pouvant être réalisées à n’importe quel moment dans l’année, le nouveau programme pourra donc être appliqué dès l’instant où il entre en vigueur au cours de l’année scolaire 2024-2025.
5La réforme du lycée professionnel bien avancée
Si une réforme entre bien en vigueur à la rentrée, c’est celle de l'année de terminale du lycée professionnel. Emmanuel Macron avait fait de la réforme du lycée professionnel une "cause nationale" en mai 2023. L’objectif est de rapprocher radicalement les lycées professionnels du monde de l’entreprise afin de faciliter la poursuite des études et améliorer l’insertion professionnelle des quelques 600.000 lycéens accueillis chaque année. Depuis la rentrée 2024, les élèves de terminale devront dorénavant choisir entre deux formules : l’une avec davantage de stages, l’autre avec des cours en plus pour préparer les études supérieures. Un autre chantier demeure toujours en cours : la transformation des offres de formation. Emmanuel Macron voulait diminuer voire supprimer les filières avec peu de débouchés au profit des cursus menant vers des métiers où il manque des candidats. Ainsi, "35 diplômes rénovés, créés ou abrogés dans des secteurs économiques variés, comme l’industrie, le BTP, l’alimentation", devraient prochainement voir le jour.
6La pause numérique, une nouvelle expérience
Bien que le contexte soit incertain et l’horizon très court, Nicole Belloubet n’a pas hésité à lancer une nouvelle expérimentation pour cette rentrée, celle de la "pause numérique". Une expérience déployée dans 200 collèges pilotes, avant d’être – peut-être ! - "généralisée dès janvier 2025". Il s’agit du projet, louable, d’installer des casiers dans les collèges, dans lesquels les élèves devront déposer leur portable.
7La mixité sociale et scolaire sous contrôle
Nicole Belloubet s’est également exprimée sur la nécessité de "travailler sur la mixité scolaire et sociale", précisant que pour cela, "le travail avec l’enseignement privé sous contrat [était] essentiel". Au lieu de collaboration, il semble que le "travail" ressemble davantage à un contrôle. La ministre démissionnaire a en effet souligné que le contrôle des écoles privées allait être accru cette année, tant du point de vue pédagogique qu’administratif et financier. Elle a également tenu à rappeler, Code de l’Éducation à l’appui, que les établissements publics et privés étaient tenus d’améliorer la mixité sociale. Elle a enfin assuré que les résultats du protocole signé sous Pap Ndiaye avec l’enseignement catholique seront "évalués" dès septembre 2024.
8La réforme de la formation des enseignants suspendue
Il a essuyé les critiques et finalement, le projet de loi concernant la formation des enseignants ne sera pas mis en œuvre pour cette rentrée 2024. Annoncé par Emmanuel Macron en avril dernier, le projet de loi était destiné à transformer le processus de recrutement des enseignants, en avançant le concours du professorat des écoles de bac+5 à bac+3. Cette mesure visait à répondre à la pénurie d’enseignants, en permettant aux candidats diplômés d’une licence de postuler. Cette réforme a suscité un débat intense sur la qualité de la formation des enseignants et sur les critères de sélection. Là encore, c’est le futur gouvernement qui héritera du sujet.