Le corps d'Estelle Faguette repose depuis 1929 dans le cimetière de la rue à qui elle donné son nom, à quelques pas de l'église de Pellevoisin. C'est là qu'elle a vécu et là qu'elle s'est éteinte, au soir d'une longue vie dévouée à porter au monde le message que la Vierge déposa à son chevet : "courage, calme et confiance", trois grâces qui balisent le chemin qui mène au Ciel. À quelques mètres de sa tombe, un illustre voisin attend lui aussi la résurrection. C'est là, en effet, dans le caveau de la famille Bernanos, que Georges a été enterré en 1948, vingt ans après la voyante du sanctuaire.
Estelle et Georges eux-mêmes se croisent autour d'une troisième âme qui n'est pas citée sans eux : la comtesse de La Rochefoucauld. Estelle est à son service, domestique au château familial, près de Pellevoisin. Bernanos, lui, lui doit le hasard arrangé de la rencontre de ses parents. En effet, le village de Pellevoisin est le berceau de sa famille maternelle. C'est là, aussi, que réside la comtesse Arthur de La Rochefoucauld, née Marie Luce de Montbel. Emile Bernanos, père de l'auteur, y épouse Hermance Moreau en 1879, alors que le village berrichon vit une profonde crise religieuse au lendemain des apparitions. Les Bernanos et les La Rochefoucauld partagent bien plus qu'un village : Hermance elle-même, ainsi que d'autres membres de sa famille, sont interrogés lors de l'enquête canonique : tous connaissaient Estelle, dans un petit village où tout le monde se salue.
La comtesse Arthur de La Rochefoucauld fut aussi la protectrice d'Emile Bernanos, tapissier-décorateur apprécié des salons parisiens, fils d'une famille de bouchers et d'ouvriers. C'est à lui qu'elle confie l'aménagement de son appartement rue de Bourgogne, à Paris, puis de son éblouissant château à Pellevoisin. Volontairement ou non, nul ne le sait, c'est par son concours que l'artisan rencontre Marie-Clémence Moreau, dite Hermance, lors d'un déplacement professionnel dans les appartements de la comtesse. Si Georges Bernanos n'en traita jamais, ni dans ses romans, ni dans ses essais, Pellevoisin demeure infiniment lié à son histoire familiale : qui sait s'il puisa dans celle-ci les motifs et les images qui habitent son œuvre ? Dans le petit cimetière de Pellevoisin, Georges et Estelle reposent aujourd'hui ensemble en attendant l'avènement de la promesse, celle de la résurrection qui attend ceux qui se sont endormis avant que ne se lève le jour nouveau. Sur la tombe de l'auteur, on lit encore cette épitaphe aux lettres érodées : "Quand je serai mort, dites au doux royaume de la terre que je l'aimais plus que je n'ai jamais osé dire."