La Chine, et ses plusieurs millions de catholiques, figure très haut sur sa liste des pays que le pape François souhaite visiter un jour. Comme l'a affirmé récemment le chef de la diplomatie pontificale, le cardinal secrétaire d'État Pietro Parolin, s'il y avait une "ouverture" du gouvernement chinois, le Pape s'y rendrait "immédiatement". Mais pour l'heure, et malgré un rapprochement sensible opéré entre Pékin et Rome en 2018 avec la signature d'un accord sur la nomination des évêques, un tel déplacement semble prématuré.
Pour autant, si François - ou un de ses successeurs - parvenait un jour à franchir la grande muraille idéologique et diplomatique qui bloque toute visite papale dans l'Empire du milieu, il ne serait pas le premier pontife à se rendre en terre chinoise. En effet, le pionnier en Chine fut le pape Paul VI, qui, le 4 décembre 1970, effectua une escale d'un peu plus de trois heures dans la ville de Hong Kong.
Certes, le "port parfumé" était alors une colonie placée sous la protection de la couronne de la reine Elisabeth II, et le restera jusqu’à sa rétrocession le 1er juillet 1997. Le Royaume-Uni occupait l'île stratégique de Hong Kong qu'il avait arraché à la dynastie Qing au terme de la très déshonorante Première guerre de l'opium (1839-1842). Et c'est bien par les autorités locales, notamment le secrétaire colonial de Hong Kong Sir Hugh Norman-Walker, que le pontife est accueilli. Cependant, le déroulé de la visite montre que c'est bien le peuple chinois qu'il est venu rencontrer.
Une messe sur un champ de course
L'avion papal, qui est déjà passé par l'Iran, le Pakistan, les Philippines, les Samoa, l'Australie, l'Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour le plus long et dernier voyage internationale de Paul VI, effectue le délicat atterrissage sur l'ancien aéroport de Kai Tak en milieu d'après-midi. Le pontife embarque ensuite à bord d'un hélicoptère, qui atterrit en plein milieu du stade de Happy Valley, après quoi il défile à bord d'une jeep, accompagné par Mgr Francis Hsu, premier évêque chinois de Hong Kong que Paul VI a nommé un an plus tôt.
Lors de la messe qui rassemble près de 40.000 personnes dans ce célèbre champ de course, le pontife exprime très clairement le sens de sa visite. "Il nous plaît de profiter de notre voyage apostolique […] pour rendre une brève visite au plus grand diocèse chinois du monde". L'homélie qu'il prononce insiste ensuite sur le rôle de l'Église dont "aimer est sa mission", puis poursuit ainsi : "Au moment où nous prononçons ces mots, nous avons autour de nous, nous le sentons presque, tout le peuple chinois, où qu'il soit."
Enfin il conclut en assurant que si un pape "vient pour la première fois dans l'histoire […] sur cette terre de l'Extrême-Orient", c'est parce que "le Christ est un Maître, un Berger, un Rédempteur aimant aussi pour la Chine".
À peine la messe célébrée, le Pape reprend la route de l'aéroport pour rejoindre le Sri Lanka, ultime étape de son voyage. Sur le tarmac de Kai Tak, il prononce un très bref discours dans lequel il assure que Hong Kong est "si éloignée dans l'espace, si proche dans l'esprit". Se disant "heureux comme un rayon de soleil", il cite un adage tiré de la sagesse chinoise : "Tous les hommes sont frères" - et, rétrospectivement, vient anticiper l'encyclique Fratelli tutti (2020) du pape François. Puis promeut, pour les Chinois, un développement basé sur la justice, la prospérité et la paix.
Tout le contraire que semblent connaître, à quelques kilomètres de là, les habitants de la République populaire de Chine. Le pays est en effet, depuis 1966, en pleine "révolution culturelle", cette reprise en main idéologique du régime par Mao Zedong qui se solde par des millions de morts. Paul VI ne citera jamais directement le régime, mais le South China Morning Post rapporte avec émotion les mots prononcés en cantonais par le pontife pour terminer son discours : "T'in Chue Po Yau". Ce qui signifie : "Que Dieu vous bénisse tous !".