Le succès rencontré par l’extrémisme politique en France tient en grande partie à l’écroulement des digues que le catholicisme avait su bâtir contre le flot des radicalités idéologiques jusqu’au-boutistes qui singent les vertus chrétiennes. L’effacement progressif de celles-ci ont laissé la voie libre à leurs contrefaçons politiques.
Le poids sous-estimé du catholicisme
Dans l’esprit de bon nombre d’hommes politiques français, subsiste encore le préjugé selon lequel le sentiment religieux n’a aucune consistance autre que subjective. Pour eux, la foi est une affaire purement privée qui n’a aucune incidence sur la vie collective. Les marxistes vont plus loin en affirmant que la religion est une superstructure destinée à occulter les véritables rapports de force qui travaillent la société. Dans ces conditions, comment s’étonner du peu d’intérêt des politologues pour l’influence de la religion dans la conscience politique des Français ? La majorité d’entre eux raisonnent comme si notre pays avait le même héritage dans cette matière que les autres pays de la planète. Ce biais cognitif est accentué par l’obsession du mantra laïciste qui fait se hérisser nos hommes politiques à la moindre évocation de la religion dans les problématiques touchant la vie publique.
Comment expliquer le fanatisme idéologique français ?
Or si nos compatriotes ont été jusqu’ici si respectueux des institutions et des personnes qui les incarnaient, cela tient en partie au "légitimisme" inculqué dans les mentalités par leur religion historique, le catholicisme. Si les corps intermédiaires (syndicats, partis, etc.) ont jusqu’à présent joué un rôle modérateur dans les colères endémiques qui secouent la société, cela découle de la considération à l’égard du pouvoir politique légitime dans lequel le catholicisme, et le christianisme en général, a éduqué les Français. Aussi, le recul de son influence n’est-il pas sans conséquence sur celui de l’affaiblissement de l’autorité et la montée de l’anomie (désagrégation des normes sociales), de la violence "d’atmosphère" perceptible, par exemple, dans l’agression de nombreux élus.
Le christianisme qui a structuré notre pays et la civilisation européenne, est devenu l’angle mort de l’analyse politique en France. Notre pays peut-il se reconnaître dans les bouffées de fanatisme idéologique qui irriguent la vie politique, avec une extrême-gauche qui réunit près d’un quart du vote des Français ? Comment notre pays pourrait-il se comprendre quand il fait l’impasse sur la matrice catholique qui a fait de la France ce qu’elle est ?
Un héritage à redécouvrir
De même, dans une tribune donnée au Figaro le 1er juillet dernier, l’historien et essayiste Pierre Vermeren constate que le recul du catholicisme en Bretagne explique la montée du vote Rassemblement national : "L’homogénéisation du vote nationaliste résulte de la déchristianisation poussée par la sphère médiatique depuis les années 1980. Comment aspirer à la fin de l’Église et en déplorer les effets politiques ?" s’interroge-t-il.
En résumé, on ne peut pas avoir le beurre de l’abandon du catholicisme et l’argent du beurre du respect des autorités et du recul des fanatismes — ces fanatismes dont ce même catholicisme nous avait préservés jusqu’à maintenant. Tant que nos politologues n’auront pas intégré dans leur logiciel de pensée la place qu’a occupée la religion dans l’expérience du "vivre français", il est à craindre qu’aux mauvais diagnostics ne succèdent les mauvais remèdes et les médications inopérantes. Le Français se veut rationnel et cohérent. Il ne pourra le redevenir qu’à condition de ne plus se mentir sur ses racines spirituelles.