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Guillaume Pinchon, le premier Breton porté sur les autels

Tombeau de Saint-Guillaume Pinchon, évêque de Saint-Brieuc, en la cathédrale Saint-Étienne de Saint-Brieuc (22).

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Anne Bernet - publié le 28/07/24
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De tous les saints de Bretagne, c’est le premier dûment estampillé. Évêque de Saint-Brieuc au XIIIe siècle, Guillaume Pinchon avait la charité inépuisable, et n’hésita pas à s’opposer au duc de Bretagne pour défendre les droits de l’Église. Il est fêté le 29 juillet.

7.777. Tel est le nombre parfait de saints et saintes que la Bretagne revendique pour siens. Certes, il s’en rencontre dans la masse que des esprits chagrins s’aviseraient peut-être de ne pas trouver très catholiques et qui auraient même d’authentiques relents de paganisme plus ou moins christianisé, mais l’immense majorité mérite le culte qui lui est rendu depuis que des évangélisateurs ont traversé la Manche sur des navires de pierre pour donner l’Armorique au Christ.

Jusqu’à la fin du XIIe siècle, l’accord de Rome n’était pas nécessaire pour canoniser et la réputation de sainteté, doublée d’une enquête diocésaine sur la vie et les miracles du serviteur ou de la servante de Dieu suffisait. Puis, l’Église imposa d’en référer à la papauté en dernier recours afin d’avaliser les dévotions locales. Les évêques bretons, peut-être en raison de tensions exacerbées entre eux et le pouvoir ducal, et dans l’intention d’avoir l’appui du pape en ces querelles, ont été des premiers à se plier à la nouvelle législation en envoyant à Rome le dossier de l’évêque de Saint-Brieuc, Guillaume Pinchon, décédé en sa ville épiscopale le 29 juillet 1234. Rien ne manquant à la cause, ni l’héroïcité des vertus ni les miracles posés tels le sceau divin sur cette vie exemplaire, le prélat a été inscrit au calendrier catholique en 1247, ce qui fait de lui le premier saint breton dûment estampillé par la papauté. Mais qui est-il donc ?

De rudes tentations

Guillaume Pinchon, mais les auteurs anciens le nomment plus volontiers Pichon, forme du patronyme fréquente en Bretagne, est né en 1184 à Saint-Alban, une paroisse des actuelles Côtes d’Armor. Ses parents, Olivier et Jeanne, possédant une honnête aisance, ont les moyens de lui offrir de bonnes études au scriptorium, l’école épiscopale de Saint-Brieuc où l’évêque repère cet adolescent pieux, charitable, intelligent qu’il se voit volontiers conduire aux plus hautes charges du diocèse. Ordonné prêtre à 23 ans, joli garçon, semble-t-il, Guillaume va être, malgré son caractère sacerdotal, soumis à de rudes tentations par quelques jeunes femmes de tous milieux qui entendent user de leurs charmes, soit pour le plaisir de faire tomber un prêtre, soit pour l’amener à embrasser leurs intérêts dans des affaires juridiques les opposant à l’Église. Mal leur en prend. 

Quand, un soir qu’il dort à l’auberge au cours d’une tournée d’inspection des paroisses, l’abbé Pinchon est agressé dans son lit par une servante délurée, il a à peu près la même réaction que saint Bernard, victime des avances osées de son hôtesse : il crie au vol ! mais n’essaie-t-on pas, en effet, dans les deux cas, de leur ravir un bien irremplaçable : leur virginité ? La seconde fois, c’est une riche plaideuse qui entreprend de se dévêtir devant le jeune canoniste et lui promet de se donner à lui si elle gagne sa cause. Guillaume, imperturbable, lui montre la porte en hurlant : « Tison d’enfer, va-t-en et sors de céans avec tes procès ! » Dès lors, nulle ne s’en prendra plus à sa chasteté.

Les droits de l’Église

En 1220, ce prêtre qui jouit déjà d’une quasi réputation de sainteté est élevé au siège épiscopal briochin. Son premier souci est de se dépouiller de tous ses biens afin de mieux secourir les pauvres. Sa générosité est si large qu’un soir, pendant une tournée épiscopale, il s’aperçoit qu’il n’a plus un sou, ayant tout donné aux miséreux et n’a plus de quoi payer sa chambre à l’hôtellerie. Par chance, il est proche de son village natal, de sorte qu’un ami d’enfance lui avance de quoi payer sa nuitée, sans que l’incident l’incite à la prudence. Il continue de donner de plus belle, installant une soupe populaire dans la cour du palais épiscopal.

Paradoxalement, cet évêque a la charité inépuisable, soucieux des difficultés des petits et des humbles va se dresser contre la politique du nouveau duc, Pierre de Dreux, prince capétien qui a épousé Alix, l’héritière de Bretagne, politique pourtant sociale, utile au soulagement du peuple, qui veut supprimer certaines taxes abusives perçues sur les héritages et les épousailles. C’est que ces taxes, scandaleuses, en effet, vont à l’Église et que Guillaume estime impossible de cautionner des décisions qui en diminueraient les droits… Il est d’ailleurs suivi dans sa grogne par tous les évêques bretons, mais, preuve qu’il en est le meneur, c’est lui qui, en 1226, doit quitter le duché sous la menace des représailles du duc Pierre, désormais surnommé Mauclerc pour avoir osé s’opposer au clergé. Au demeurant, il faut du courage pour affronter ainsi un souverain et le souvenir de Thomas Becket, assassiné à l’autel en 1170 pour s’être opposé au roi d’Angleterre est encore dans toutes les mémoires. L’exil de Guillaume relève donc de la prudence. Réfugié à Poitiers, il y passe quatre ans, regagne Saint-Brieuc en 1230 quand Mauclerc, en difficulté avec la Couronne de France, se réconcilie avec l’épiscopat breton dont l’appui lui est devenu nécessaire.

Une résurrection

Sitôt de retour, Guillaume s’attaque à la tâche qui lui tient le plus à cœur : achever sa cathédrale. Il n’en verra pas le bout, l’enrichissant seulement de la chapelle Saint-Mathurin, car il meurt quatre ans après son retour. Inhumé dans sa cathédrale, son corps y est retrouvé incorrompu, à l’ouverture de son tombeau, dix ans après son décès, répandant un parfum délicieux.

Ses diocésains n’ont pas attendu ce jour pour vanter les miracles opérés sur sa tombe, guérisons et même résurrection d’un enfant noyé. C’est ce dernier fait, parfaitement attesté, et crédible si l’on considère que des miracles équivalents, médicalement documentés, ont été retenus par Rome pour des canonisations contemporaines, qui entraîne l’envoi de sa cause de béatification au pape Innocent IV. À l’évidence, Mgr Pinchon n’a pas volé son auréole.

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