Clarisse recherche en ligne des outils pour accompagner sa maman qui devient sourde. Cette femme de 50 ans, maman de quatre grands adolescents, souffre de voir sa mère se refermer sur elle-même, isolée du monde par sa surdité. La technologie a fait de grands progrès sur le sujet. Les appareils, de plus en plus performants et de plus en plus discrets, permettent de mieux en mieux d'améliorer l'audition et de préserver le vieillissement ou de ralentir le dysfonctionnement du nerf auditif. Cependant, certaines pathologies continuent d'entraîner une surdité avancée. "Maman est trop âgée pour apprendre le langage des signes ! Je ne sais pas comment communiquer avec elle, et cela me désole", confie Clarisse.
Bon nombre se rappellent sûrement ce jeu enfantin consistant à choisir entre deux catastrophes laquelle serait préférable. "Tu préférerais... être aveugle ou sourd ?" La réponse rejette souvent la cécité parce que ce handicap visible met en évidence les grandes difficultés d'autonomie. La surdité, elle, laisse libre de ses mouvements. Pourtant la solitude qu'elle implique, l'isolement profond dans lequel elle plonge la personne, porte atteinte à sa raison d'être : vivre avec ses frères. Néanmoins, ne plus entendre les voix ne signifie pas la fin complète des interactions. Cette épreuve peut faire naître une relation d'un autre ordre dans laquelle il faut apprendre à écouter le silence.
Apprendre à écouter le silence
"Le plus difficile, c’est à table. Ses appareils émettent des sifflements stridents très désagréables pour l'entourage et Mamie ne semble pas entendre beaucoup mieux", raconte Caroline, en évoquant sa grand-mère. "Lors des repas d'été, quand les conversations s'animent et que nous rions, Mamie croit souvent que nous nous moquons d'elle. La pauvre. Un regard pour évaluer si elle nous entend lui fait croire que nous parlons d'elle. Il faut une âme dévouée à ses côtés pour lui toucher le bras et lui expliquer doucement et distinctement, dans le silence revenu, quelle est la blague qui a réjoui la tablée."
Le contact physique retrouve sa place, comme il l'avait envers les tout-petits. Une caresse dans le dos pour encourager, une main dans la main pour accompagner, un simple sourire, sans parler. Articuler peut permettre à la personne de deviner l'essentiel au mouvement des lèvres. Écrire permet d'échanger l'essentiel de manière concise. "Finalement, c'est un peu comme l'oraison", confie la jeune femme avec émotion, "Dans le silence, Dieu se rend présent."
Détachement et communion
"La vieillesse est le temps du détachement, me dit ma grand-mère, ce qui n'empêche pas une communion d'âme", encourage Caroline, se remémorant toutes les vacances d'été passées chez ses grands-parents. "Ce n'est pas facile de voir une personne que l'on aime traverser une grande épreuve. La tendresse permet de traverser cette épreuve ensemble." De fait, sans pouvoir entendre, moins de mots sont partagés, mais un moment ensemble, une attention, un regard permettent de rappeler l'essentiel : Tu es là, je te vois et je t'aime. Finalement le chemin à trouver répond peut-être à la question : "Ma maman devient sourde, comment l'aimer ?"