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Gwenaële Barussaud-Robert : “Je n’écris rien que je ne puisse écrire sous le regard de Dieu”

Gwenaële Barussaud-Robert.

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Mathilde de Robien - publié le 26/07/24
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Écrivain reconnu, Gwenaële Barussaud-Robert écrit des romans historiques aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes. Mariée et mère de famille, elle raconte à Aleteia son enfance, sa prédilection pour l’histoire et la littérature, sa rencontre avec le Christ… Une femme passionnée et passionnante !

Loquace et enjouée, Gwenaële Barussaud-Robert n’hésite pas à parler d’elle. Elle dévoile avec finesse et générosité son enfance un peu coupée du monde, sa manière d’écrire, sa vie de famille mais aussi le cheminement spirituel qui l’a conduit d’une simple curiosité de petite fille à une vraie rencontre avec le Christ. Ce qui frappe chez Gwenaële Barussaud-Robert, c’est cette immense curiosité justement, aussi bien intellectuelle que spirituelle, qu’elle cultive depuis toute petite et qui nourrit sa créativité.

Mariée, mère de quatre filles, professeur de lettres, Gwenaële Barussaud-Robert s’est lancée avec succès dans l’aventure de l’écriture en 2010, d’abord avec des romans jeunesse, signés de son nom de jeune fille, Barussaud, puis des fictions pour adultes signées de son nom marital, Robert. Elle est l’auteur de la collection Les Demoiselles de l’Empire (Mame) ainsi que celle de Célestine, petit rat de l’Opéra (Albin Michel), dont le prochain tome sort le 2 septembre 2024. Ses romans pour adultes ont reçu plusieurs prix, notamment Le Dernier Bain (Robert Laffont, Prix Bretagne 2019) et Sous les feux d’artifice (Le Cherche Midi, Prix Ouest 2023). À l’occasion de la prochaine rentrée littéraire, elle publie Un jardin pour Royaume fin août aux Presses de la Cité.

Aleteia : Avez-vous toujours voulu écrire ?
Gwenaële Barussaud-Robert : Oui, je voulais être écrivain depuis toujours. Mais mes parents considéraient que ce n’était pas vraiment un métier ! Ils m’ont donc encouragée à faire des études de lettres, j’ai eu mon Capes en 1999 et j’ai exercé comme professeur de français, au lycée, pendant une vingtaine d’années. En 2015, je me suis mise en disponibilité pour me consacrer uniquement à l’écriture.

Tous vos romans ont comme toile de fond l’Histoire de France, avec une prédilection marquée pour le XIXe siècle. D’où vient cet intérêt pour cette époque ?
Mes romans se situent tous effectivement entre la Révolution française et 1900. C’est une époque qui m’est familière, dans laquelle je suis à l’aise. Peut-être parce que je l’ai découverte non pas par des études d’histoire mais à travers la littérature. J’ai une prédilection pour tous les grands auteurs du XIXe siècle : Chateaubriand, Hugo, Balzac, Stendhal… C’est vraiment à travers la littérature que j’ai découvert le XIXe. Et je n’écris que sur des périodes que je connais très bien. Je ne fais pas de recherches sur une période qui ne m’est pas familière pour écrire un roman. Cela aurait sans doute quelque chose de très artificiel. Non, il faut d’abord que je saisisse bien une période, que je m’y promène à mon aise, pour ensuite y emmener des personnages. Pour cela, je consulte des archives en ligne, je lis des témoignages d’époque, j’arpente les lieux où va se situer l’histoire… Néanmoins, je ne laisse pas la dimension historique prendre le pas sur la création littéraire. L’Histoire ne constitue pas l’œuvre elle-même. Elle est une toile sur laquelle j’inscris l’intrigue et des personnages, comme le peintre utilise la toile pour créer son œuvre.

Votre nouveau livre, Un jardin pour royaume, met en scène un lieu de votre enfance. Qu’y avez-vous cherché ?
C’est un roman qui est né de tous les précédents, et qui m’entraîne à revenir dans l’Oise, une région de mon enfance. J’y mêle l’exploration d’une femme qui revient dans cette région et l’histoire du marquis de Girardin, au château d’Ermenonville. Assez jeune, à 15 ans, lorsque j’ai quitté la maison familiale pour être pensionnaire, j’ai réalisé que j’avais vécu une enfance totalement en dehors de notre époque. Je n’appartenais pas vraiment à mon siècle. Le roman explore ce thème de la fin de l’enfance et de la fragilité des utopies familiales.

Que voulez-vous dire par "je n’appartenais pas vraiment à mon siècle" ?
Quand je suis arrivée en pension à la Légion d’Honneur, à Saint-Denis, je me suis rendu compte, par rapport à mes contemporains, qu’il me manquait beaucoup de références. Mes parents nous ont élevés à l’écart de la société de consommation, dans un village agricole de 100 habitants où il n’y avait pas de commerces, pas de publicité… J’ai grandi avec tous les livres qu’on avait à notre disposition dans une immense bibliothèque, mais sans jamais avoir lu un journal ni vu la télévision ! Je n’avais pas de rapport avec l’actualité de mon époque. J’ai eu certes un sentiment de décalage quand j’ai fait mon "entrée dans le monde", mais cela a été je pense une immense richesse ! Cela m’a permis de développer une vie intérieure très propice à la création et d’avoir une certaine lucidité sur mon époque. Car je l’ai découverte comme une curiosité.

Où puisez-vous votre inspiration ?
C’est très mystérieux ! Pour ma première série Les Demoiselles de l’Empire, l’inspiration est directement liée à une expérience sensible des lieux. Je me suis souvenue de ces grands dortoirs de la Légion d’Honneur. Je me demandais à l’époque ce que pouvaient être les pensées, les rêves, la vie des jeunes filles qui avaient occupé ces lieux avant moi. Pour les romans jeunesse, l’inspiration est souvent venue grâce à mes filles. Je sentais quelque chose chez elles et je le transposais dans des personnages. Pour les romans adultes, c’est différent. Ça prend du temps. L’embryon peut sembler anecdotique mais au bout d’un moment, un an, deux ans, il finit par s’imposer. Quand une idée revient régulièrement, prend de la place dans mon imaginaire, je me dis que cela mérite que j’y consacre peut-être un roman. À l’image du chercheur d’or, la mémoire, l’imagination effectue un tri et fait ressortir des pépites après un long moment de maturation.

Vous avez quatre filles, que cherchez-vous à leur transmettre ?
J’ai quatre filles qui ont aujourd’hui entre 15 et 23 ans. J’ai toujours eu le souci de développer chez elles un imaginaire très grand. La création est une composante de notre vie familiale. On dessine, on crée des spectacles, on écrit beaucoup, on invente beaucoup, l’ambiance est joyeuse ! D’ailleurs elles se dirigent toutes les quatre vers des métiers artistiques. Ce que je cherche à leur transmettre n’est pas très différent de ce que je veux transmettre à travers mes romans jeunesse : le goût de la langue française, l’amour de la France, et quelques valeurs comme le courage, l’amitié, l’entraide… J’espère aussi leur avoir transmis une certaine liberté, une indépendance d’esprit. Une chose qui me semble importante aujourd’hui face au conformisme intellectuel et moral de notre époque. Il s’agit parfois de savoir s’extraire de cette époque pour avoir une vie intérieure.

Votre mari est-il aussi créatif et littéraire que vous et vos filles ?
Pas du tout, Dieu merci ! Il en faut un qui ait les pieds sur terre ! Il est très pragmatique, il travaille dans l’informatique. J’ai un mari raisonnable et un peu plus ancré que moi dans les réalités du monde, c’est un très bon équilibre ! Nous sommes mariés depuis 25 ans.

Aleteia est un média catholique. Partagez-vous cette vision chrétienne du monde ?
Oui tout à fait. Quand j’évoque ma vie intérieure, elle est intimement liée à ma vie de prière. Il m’est impossible d’envisager la création littéraire sans cela. Pour moi, c’est une sorte de collaboration divine. Quand je me mets à ma table de travail, la première chose que je fais, c’est prier. Une prière à l’Esprit saint qui est sur mon bureau : "Viens Esprit Créateur…". C’est le point de départ de mon écriture. Mes romans ne sont pas religieux mais tout ce que j’écris se fait sous le regard de Dieu. Rien ne se fait en dehors de cette pensée-là, même si ce n’est pas toujours conscient. Je n’écris rien que je ne puisse écrire sous son regard. Le travail de l’esprit est lié à la vie de prière, à la contemplation. C’est la raison pour laquelle j’écris souvent en abbaye ! Quand je sens qu’il faut donner une bonne impulsion, en début de roman, ou que c’est bientôt la fin, je pars quatre, cinq jours dans une abbaye, je sais que là-bas, avec les offices qui rythment la journée, je vais très bien travailler.

Est-ce que ce sont vos parents qui vous ont transmis la foi ?
Pas du tout ! Rien ne me menait vers le Christ ! C’est lui qui est venu à moi alors que mes parents n’avaient pas tracé ce chemin-là. J’ai été baptisée enfant mais j’ai grandi dans une famille pas du tout pratiquante. Mes parents ont pris leur distance avec l’Église et n’avaient pas le souci de nous transmettre la foi. Mais vers 8-10 ans, j’étais attirée par les églises et la foi catholique. Cela m’est arrivé d’aller à la messe pour voir ce que c’était ! Mais je ne connaissais pas de catholiques. C’est à mon entrée en pension que j’ai rencontré beaucoup d’amies pratiquantes. Elles m’ont emmenée à la messe et m’ont aidée à découvrir le Christ. Ma foi est donc le fruit d’un chemin personnel entrepris entre mes 16 ans et ma confirmation à 21 ans. Après, j’ai suivi des cours à l’école Cathédrale pour rattraper mon catéchisme ! J’étais un terrain en friche et je demandais à être nourrie depuis toujours. La rencontre avec le Christ est la rencontre la plus importante de ma vie. Je n’ai pas eu une illumination subite à la Claudel mais le Christ m’a travaillée comme le pied de vigne qu’on sarcle pour que ça donne du fruit.

À paraître :

Un jardin pour Royaume, Gwenaële Robert, Presses de la Cité, 22 août 2024, 20 euros.
Célestine, Bienvenue à l'Opéra Royal de Londres, Gwenaële Barussaud, Albin Michel, 28 août 2024, 7,90 euros.
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