S'il y a un visage qu'Alain Mimoun devait avoir hâte de voir, outre celui de son Créateur, c'est bien celui de la petite Thérèse de Lisieux. Décédé le 27 juin 2013 à l'âge de 92 ans, cette légende française de l'athlétisme entretenait une dévotion toute particulière à l'égard de la jeune carmélite. La raison ? Alain Mimoun lui attribuait sa victoire au marathon des Jeux Olympiques de Melbourne, en 1956.
Ali Mimoun Ould Kacha, qui deviendra plus tard Alain Mimoun, est né en 1921 en Algérie française, à Oran, dans une famille musulmane dont les parents étaient agriculteurs. Promis à une carrière d'instituteur, il est tout juste âgé de 18 ans lorsqu'il s'engage comme simple soldat dans le 6e régiment de tirailleurs algériens, alors que débute la Seconde Guerre mondiale. Il enchaîne les grandes batailles : El Guettar, mont Cassin, débarquement de Provence... Blessé au pied au point de frôler l'amputation, il est sauvé in extremis et garde ses deux jambes, qui lui feront atteindre ses exploits sportifs en course à pied. Après son sang, il offre aussi sa sueur à la France : Jeux Olympiques de Londres, d'Helsinki, championnats de France et d'Europe : Alain Mimoun rafle tous les titres, remportant systématiquement l'or ou l'argent.
Converti devant les reliques
Mais son heure de gloire sonne en 1956, lors des Jeux Olympiques de Melbourne. Un an auparavant, emmené par un ami à Lisieux, le champion est submergé par l'émotion quand il entre dans la basilique de Lisieux. "J'étais seul dans la basilique et le silence qui y régnait était fantastique. J'ai voulu prier mais impossible, rien ne sortait. Et puis d'un coup, je ne pouvais plus me contrôler. Les larmes coulaient sur mon visage", racontait-il lors du tournage d'un film sur sa vie le 1er octobre 2009. Alors qu'il tente de se remettre d'une sciatique coriace, le voilà soudainement guéri. "J'avais 35 ans, J'avais gagné un certain nombre de courses d'endurance, mais je m'étais blessé." "Je souffrais beaucoup et j'avais perdu toute confiance en moi. Je suis allé à la chapelle. J'ai mis mon cierge et j'étais au milieu des marches quand un homme m'a interpellé. J'ai pensé qu'il voulait un autographe, mais pas du tout. Il m'a donné une photo de sainte Thérèse en me disant : 'Tu n'es pas fini, Alain !' Et après il m'a emmené au restaurant."
Alors que la presse le condamne à l'échec sportif tant il a dû réduire ses entraînements, Alain Mimoun se remet en selle. Son acharnement paiera : le Jour J, alors que Melbourne fond sous un soleil de plomb, il devance magistralement ses 44 concurrents, parmi lesquels son adversaire et ami Emil Zátopek, tchécoslovaque, tombé malade la veille. Après trois médailles d'argent aux Jeux Olympiques, il décroche l'or pour la première fois. Toute sa vie, Alain Mimoun attribuera sa victoire à l'intercession bienveillante de Thérèse, sainte de tous les exploits.