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Laurène Sindicic : “Il y a une véritable méconnaissance des femmes vis-à-vis de leur corps”

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Morgane Afif - publié le 19/07/24
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Aleteia a rencontré Laurène Sindicic, fondatrice du site Émancipées dédié à la fertilité féminine et aux méthodes naturelles de régulation des naissances. Avec passion et authenticité, elle se livre sur son parcours professionnel hors du commun.

Laurène Sindicic, c’est le soleil dans la voix et le sourire vissé à la bouche. D’un cabinet d’avocats à la fondation d'Émancipées, site dédié à la fertilité féminine, cette jeune mère de famille a tout de la citadine branchée. Avec fraîcheur et un humour décomplexé, elle vulgarise les méthodes naturelles de régulation des naissances pour les rendre accessible aux femmes grâce, notamment, aux réseaux sociaux. Laurène, c’est une énergie folle et rayonnante. C’est un émerveillement constant face au chef-d'œuvre qu’est le corps féminin, c’est un peu de paillettes et d’élégance dans les sous-vêtements.

Aleteia : Qui êtes-vous, Laurène Sindicic ? 
Laurène Sindicic : J’ai 38 ans, je suis mariée et maman de deux enfants, un garçon et une fille, qui ont 4 et 6 ans. Je suis la fondatrice d'Émancipées, une plateforme dédiée principalement aux femmes, mais aussi un peu aux couples, centrée sur le cycle menstruel et la fertilité. Je parle de fertilité au sens large : aussi bien la fertilité quand on veut un bébé que quand on veut éviter une grossesse. Je suis formée à plusieurs méthodes d’observations du cycle : j’ai un diplôme universitaire en restauration de la fertilité et un certificat en naturopathie.

Comment est né Émancipées ?
Émancipées est né en même temps que mon fils, il y a quatre ans. J’étais avocate jusqu’alors et après avoir travaillé une dizaine d’années en cabinet d’avocats en direction juridique et direction des affaires publiques après avoir fait SciencesPo Paris. Rien ne me destinait a priori à prendre cette voie-là ! J’ai toujours été passionnée par le cycle des femmes, après avoir arrêté très tôt la pilule pour gérer moi-même ma propre fertilité grâce à l’observation de mon cycle. Dans mon groupe d’amies, d’ailleurs, j’étais presque la seule à savoir comment ma fertilité fonctionnait et j’avais en tête qu’il y avait une véritable méconnaissance des femmes vis-à-vis de leur corps, en même temps qu’un besoin de reconnexion. C’était le moment où on commençait à entendre parler des scandales autour de la pilule et de ses effets secondaires. Les femmes avaient besoin d’être plus à l’écoute de leur corps, de manger bio et d’utiliser des cosmétiques moins nocifs pour leur corps. Cette dissonance avec leur approche de la fertilité, notamment pour éviter une naissance, m’a interpellée. 

C’est donc d’un constat personnel qu’est né votre projet ? 
C’est plus la régulation des naissances que la fertilité à proprement parler qui m’a intéressée au début, dans ma vie de femme, parce que je n’ai pas rencontré de difficulté à concevoir mes deux premiers enfants. J’en ai rencontré après, mais pas à l’époque. J’ai finalement quitté le cabinet d’avocats dans lequel je travaillais pour me former un moment avant de me lancer pour me sentir légitime. Le site Émancipées est né tout début 2020 et la page instagram, qui lui a donné de la visibilité, a été créée deux semaines avant mon accouchement. Ce qui ressemblait plus à un petit blog pour parler des règles et du cycle est devenu une entreprise dans laquelle nous travaillons aujourd'hui en équipe avec six salariés en interne, dont mon mari qui est devenu mon associé. C’est lui qui a permis de fonder la structure de l’entreprise grâce à son expérience dans l'entreprenariat et le marketing.  

Vous aviez en tête de lancer une structure de cette envergure dès le début ?
Non pas du tout ! Ce qui me passionne, c’est la pédagogie. C’est d’ailleurs ce que j’adorais dans mon métier, quand j’étais avocate d’affaires, pour aider les clients à comprendre les enjeux juridiques et les textes de loi. J’ai l’impression de faire le même métier, simplement sur des sujets beaucoup plus intéressants. Je voulais surtout rendre accessibles ces informations aux femmes pour qu’elles comprennent mieux leur corps, leurs règles, leurs pertes, etc. Les premières qui sont venues vers moi sont en fait des femmes confrontées au désir de grossesse qui n’arrivaient pas à décrypter leur corps au moment le plus vulnérable de leur vie. 

Ce sont donc les femmes en désir d’enfant qui se sont manifestées à vous les premières ?
Complètement ! C’est quand ça ne marche pas que ce désir devient violent : quand elle n’arrive pas à avoir d’enfant, une femme se prend de plein fouet sa propre méconnaissance de son corps alors même qu’on lui a répété toute son adolescence que c’était très facile de faire un enfant. Toutes ces femmes avaient l’impression d’être le vilain petit canard de leur groupe de copines, comme si elles étaient les seules pour qui ça ne marchait pas alors que toutes les autres avaient l’air de tomber enceinte en un claquement de doigts. Il y a un vrai tabou autour de l’infertilité et du corps de la femme : une femme enceinte, tout le monde la remarque alors qu’une femme en désir d’enfant vit cette épreuve dans une grande solitude puisque ce n’est pas écrit sur son front. On parle d’un couple sur quatre en 2024 qui rencontre des difficultés à avoir un bébé, c’est énorme ! On en connaît tous au moins un, c’est statistique. C’est le grand fléau du siècle.

On parle beaucoup des femmes, mais les hommes sont-ils aussi concernés ?
Bien sûr ! La fertilité masculine a été divisée par deux en 40 ans : nos maris sont aujourd’hui deux fois moins fertiles que leur père. La réponse n’est pas uniquement médicale : beaucoup de facteurs dépendent notamment de l’hygiène de vie et du stress, sur lesquels on peut travailler. Un couple hypofertile a plein d’outils à sa disposition avant de se lancer dans un parcours PMA, il y a un entre-deux entre le tout naturel sans rien faire et le tout médical, et c’est cet entre-deux, qui est très riche, que j’essaye d’explorer avec les femmes et les couples que j’accompagne.

Quand avez-vous commencé à vous intéresser à ce qu’il se passait dans votre propre corps pour mieux comprendre vos cycles ?
J’ai toujours été à l’aise avec ces sujets et je n’ai jamais eu de problème à en parler. Pour l’anecdote, au mariage de mon frère aîné, sa femme a fait un discours en disant : “Je voudrais remercier Laurène, parce que je n’ai jamais connu un homme avec qui je pouvais autant parler de mes règles !”. J’ai pris la pilule tôt, ce qui a éteint mes cycles pendant longtemps, jusqu’à deux déclics. Le premier lorsqu’on m’a détecté une thyroïdite d'Hashimoto quand j’avais 27 ans. On m’a prescrit un traitement à prendre à vie et je me suis insurgée en me disant que je n’allais pas prendre des hormones tous les jours ! Puis j’ai réalisé que c’était exactement ce que je faisais avec la pilule. Ça a été un véritable déclic ! C’est à ce moment-là que j’ai lu Taking charge of your fertility, qui est la bible des méthodes naturelles et de la symptothermie. C’est là que j’ai découvert le pouvoir incroyable de la glaire cervicale, que je n’avais jamais remarquée jusqu’à présent et que j’ai commencé à me former. 

Vous avez dépoussiéré les méthodes naturelles qui n’avaient pas très bonne presse, quel accueil avez-vous reçu ?
Avec tout le respect que je veux mettre dans ces mots, quand j’ai découvert les méthodes naturelles, j’ai eu le sentiment qu’elles n’étaient pas enseignées avec le bon ton, mais avec une approche très traditionnelle, si ce n’est traditionnaliste. Je n’étais pas à l’aise pour poser toutes mes questions, d’autant que mon formateur était un homme, avec qui je m’entends très bien au demeurant, mais qui, tout en étant formidable, était aussi retraité et donc assez loin de ce que je vivais dans ma vie de femme de 27 ans. Je cherchais une approche plus objective du sujet et qui en parle avec un ton un peu plus impertinent et décomplexé tout en valorisant la fiabilité et de la rigueur de ces méthodes. Les méthodes naturelles ne sont pas des méthodes de grand-mère ! En quatre ans, l’opinion a d’ailleurs beaucoup évolué et les gens sont aujourd’hui beaucoup plus ouverts sur le sujet, notamment quand ils prennent le temps d’écouter et de comprendre.

Pourquoi la médecine ne s’intéresse-t-elle pas encore assez aux méthodes naturelles et aux alternatives à la contraception hormonale et mécanique ?
Il y a quand même de plus en plus de jeunes gynécologues et médecins qui s’y intéressent, mais aujourd’hui elles ne sont pas enseignées en fac de médecine. Cela s’explique probablement parce que tout repose sur la femme et pas sur le médecin et qu’une consultation est trop courte pour mettre en place un suivi. C’est beaucoup plus simple et rapide de prescrire la pilule ou le stérilet. Il faudrait encore sensibiliser les médecins sur la fiabilité des méthodes naturelles et parvenir à faire les bons ponts entre médecins et spécialistes qui, eux, ont le temps d’accompagner les femmes plusieurs heures, sur plusieurs cycles. 

Comment parler à des enfants du fonctionnement du corps de la femme pour qu’une fois arrivés à l’adolescence et à l’âge adulte, ils aient toutes les clefs pour comprendre le fonctionnement de la fertilité ?
Avec mes enfants, j’en fais un non-sujet. Mes enfants savent ce que sont les règles par exemple. Je ne veux surtout pas que ma fille vive ce que moi, j’ai vécu face à mes premières règles : d’abord l’incompréhension, puis le cours magistral. Bien sûr, c’est un événement dans la vie d’une jeune fille, mais je voudrais vraiment que ma fille y soit préparée et que mon fils soit du genre à avoir des tampons dans son sac pour ses copines au collège ! Pour les bébés, en revanche, ils ont encore des théories à deux balles : mon fils m’a parlé de graines de tournesols l’autre jour, je ne sais pas où il est allé chercher ça… On en parle, avec des mots adaptés à leur âge bien sûr, mais ils savent déjà que c’est une graine du papa et une graine de la maman et que si ça se passe dans le ventre de la maman, ça implique aussi le zizi du papa. Je ne rentre pas dans des détails de sexualité qui ne sont pas du tout de leur âge mais, comme pour les règles, je ne veux pas qu’un jour ils découvrent que ce n’est pas une colombe qui a déposé la graine dans le ventre de maman !

Pour aller plus loin

Manuel pour une fertilité émancipée, Laurène Sindicic et Jean-Pierre Andine, Hachette, mars 2022
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