Ils sont nombreux à traverser cette épreuve en silence, sous le regard suspicieux de leurs proches dont ils esquivent par habitude les remarques maladroites. L’infertilité secondaire se vit sans bruit pour ceux qui ont déjà la chance d’avoir un, ou deux, ou plusieurs enfants. Comme l’infertilité primaire, elle concerne les couples qui ne parviennent pas à concevoir un enfant naturellement après douze mois de tentatives. Comme l’infertilité primaire, aussi, "cette définition englobe des situations de stérilité totale, sans espoir de conception naturelle, et une majorité de cas d’hypofertilité, c’est-à-dire de couples ayant des chances réduites – mais non nulles – d’obtenir une grossesse", explique l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Si la femme est souvent stigmatisée, les causes, variées, ne sont qu’à 30 % d’origine féminine. 30 % sont d’origine masculine, 30 % sont d’origine féminine et masculine lorsque l’infertilité touche les deux conjoints et 10 % seulement des cas demeurent inexpliqués. Caroline et Marie ont toutes les deux été confrontées à cette épreuve, elles témoignent pour Aleteia.
Une longue attente
Aujourd'hui Caroline est mère de quatre enfants, de 19, 13, 11 et 9 ans. "Nous avons été confrontés à l'infertilité après la naissance de notre premier, qui est né en 2005. Aucune grossesse n'est intervenue depuis, alors même que nous avons eu notre premier très naturellement et sans inquiétude, après seulement quatre petits mois d’attente". La famille s’est agrandie autrement, "par la fenêtre", avec l’adoption de trois enfants. Quand leur aîné avait six ans, le couple a eu le bonheur d’accueillir "Isaure, qui est arrivée à l'âge de 4 mois en 2012, puis Domitille, qui avait alors 18 mois en 2015 et enfin Louis, adopté à l'âge de 3 ans et demi en 2018".
Marie, elle, a été confrontée à l'infertilité secondaire après la naissance de son aînée, qui "rétrospectivement, n'est pas arrivée si facilement que ça". Mariés depuis deux ans, le couple vit alors au bout du monde et la jeune femme n’est pas familière des méthodes d’observation du cycle qui permettent de repérer une ovulation et avec elle, le moment propice à une conception. "Quand notre fille a eu un peu plus d'un an, nous avons envisagé d'agrandir la famille. Je suis tombée enceinte assez rapidement mais j'ai fait une fausse couche à la fin du premier trimestre". Malgré le chagrin et le deuil de ce petit enfant, son gynécologue la rassure et la jeune femme ne s’inquiète pas outre mesure. Elle attend pourtant un an avant de retomber enceinte, avant de subir un nouvel arrêt spontané de grossesse. "Là, je me suis vraiment dit que quelque chose clochait, même si mon médecin ne voulait rien faire avant une troisième fausse couche, que j'ai faite 18 mois après la deuxième". Le couple perd alors confiance dans la médecine classique et se tourne vers la NaProTechnologie, avant d’accueillir enfin un deuxième enfant, après cinq ans d’une longue attente.
Un chemin semé d'embûches
"Ne pas comprendre ce qui ne marchait pas alors que le premier était venu sans difficulté était très éprouvant dans un premier temps", estime Caroline. Depuis, des examens médicaux ont mis au jour un problème de qualité du sperme chez son mari, sans que le couple ne sache si cette défaillance datait déjà de la conception de leur premier enfant. Marie, elle, s’est sentie "trahie" par ce corps qui ne parvenait pas à porter la vie de nouveau. Déchirée par un sentiment de culpabilité de donner la mort suite à ses fausses couches répétées, la jeune femme vit très mal cette infertilité qui vient d’un dysfonctionnement de son côté. "Beaucoup ne comprennent pas que cette infertilité secondaire est tout aussi difficile à vivre qu'une infertilité primaire, souligne Caroline, comme si notre douleur n’était pas légitime puisque nous avions déjà un enfant".
"Beaucoup ne comprennent pas que cette infertilité secondaire est tout aussi difficile à vivre qu'une infertilité primaire, comme si notre douleur n’était pas légitime."
Marie, elle, subit les injonctions de son milieu : "Nous n’avons pas trouvé beaucoup de soutien dans la communauté chrétienne car il y a un double discours. On vous exhorte à avoir d'autres enfants, et en même temps, quand vous confiez votre peine, on vous dit de vous réjouir d'avoir la chance d'en avoir déjà un". En paroisse, d’ailleurs, "la majorité des propositions pour les couples en espérance d'enfant sont réservées aux couples qui n'en ont pas du tout", constate la jeune mère. La difficulté se vit aussi en couple, puisque le désir d’enfant, qui devient inévitablement une obsession avec les années qui passent, prend facilement le dessus sur la spontanéité de la sexualité conjugale : "l'intimité du couple est mise à mal, reconnaît Marie, puisque les unions sont très vite orientées seulement vers la procréation".
Les mots qui blessent et ceux qui consolent
C’est aussi tout le paradoxe des couples qui font face à l’infertilité secondaire, trop chanceux d’être déjà parents pour savoir leur douleur légitime et écoutée. L’entourage, souvent, ne comprend pas la peine infligée par cette longue attente d’un enfant qui parfois, ne finit jamais par arriver. Caroline se souvient des annonces de grossesse qui se multipliaient autour d’elle et de ces remarques qui l’ont blessée : "alors ce petit deuxième c'est pour quand ?" ; "vous avez perdu le mode d'emploi ?" ; "un enfant unique, c'est vraiment dommage". Marie, elle, se souvient de tous ceux qui, sous couvert de bonne intention, les ont "abreuvés de conseils que nous ne pouvions plus entendre, les 1000 suggestions de neuvaines ou de pèlerinages miraculeux, comme si c'était magique ! Au bout d'un moment, on a juste l'impression que ça fonctionne pour tout le monde sauf pour soi…" D’autres ont la délicatesse d’offrir avec pudeur une oreille attentive quand le sujet est abordé, un vrai réconfort pour le couple infertile.
"Pour mon mari, les fausses couches restaient plus abstraites que pour moi : il faisait le deuil de l'idée d'avoir un enfant, plus que de l'enfant lui-même, contrairement à moi."
L’épreuve, elle, se vit en couple, mais pas de la même manière. "Les hauts et les bas de chacun n'étaient pas forcément au même moment, donc on se relevait l'un l'autre", se souvient Caroline, dont le mari a été profondément affecté quand il a su que le problème venait de lui. "Pour moi, au contraire, savoir qu'il y avait bien une explication médicale était un soulagement". C’est à ce moment, une fois des raisons posées, que le couple s’est senti prêt à avancer vers l’adoption, bien que Caroline se souvienne encore avoir été longtemps meurtrie par ses cycles menstruels qui la renvoyaient chaque mois à cet enfant dont elle faisait le deuil. Le deuil a aussi longtemps habité le couple que forment Marie et son époux : "Pour mon mari, les fausses couches restaient plus abstraites que pour moi : il faisait le deuil de l'idée d'avoir un enfant, plus que de l'enfant lui-même, contrairement à moi". Le tempo, dès lors, bat deux mesures : "Quand l'un tombe, l’autre le relève pour parvenir, ensemble, à remonter la pente et avancer vers de nouveaux projets".