C’est un moment qui est passé presque inaperçu lors du traditionnel Pèlerinage militaire international (PMI) qui s’est tenu à Lourdes fin mai 2024. Le Service de santé des Armées s’est avancé en procession vers la Vierge afin de déposer des cierges en hommage à son personnel, aux patients et aux familles. Et, dans les prières qui se sont élevées, avec ferveur, la figure d’Alban Gervaise, leur confrère médecin-en-chef tué lors d’une brutale attaque au couteau, était bien présente. Les faits remontent au 10 mai 2022. À Marseille, Alban Gervaise, alors qu’il va chercher ses deux petits garçons à l’école catholique, avec sa petite fille dans sa voiture, se fait poignarder aux cris d’Allah par un jeune de 23 ans qu’il ne connaît pas, "un type à la peau mate, vêtu d’un jean et d’un tee-shirt noir", qui l’attaque par derrière. Après avoir réussi à prendre le dessus, l’assaillant s’acharne sur lui au sol, avant d’être désarmé par des passants horrifiés devant cette mare de sang. Entaillé au cou, au cœur et au ventre, Alban Gervaise est si gravement atteint qu’il ne se réveillera pas.
Mon mari était vraiment quelqu’un d’extraordinairement gentil, de très discret, de très humble.
Durant seize jours, en réanimation, des protocoles très lourds sont mis en place dans l’espoir de sauver le brillant médecin-militaire. Malgré de multiples opérations, il finit par succomber à ses blessures. Pendant toute la période où il est entre la vie et la mort, son histoire s’ébruite dans des cercles militaires malgré la médiatisation minime de l’affaire, et des chaînes de prières sont organisées pour lui jusqu’en Pologne. La messe de ses funérailles réunira une foule émue de personnes l’ayant connu ou non.
Les témoignages d’estime si nombreux entendus après sa mort, comme ce radiologue de Metz impressionné par le professionnalisme innovant et enthousiaste de son jeune collègue, cette étudiante qui admire la bienveillance du docteur Gervaise se démarquant parmi les radiologues de l’hôpital, ou encore son étudiant plein de reconnaissance pour sa mansuétude vis à vis de ses lenteurs en thèse, démontrent que l’éloge qu’en tisse sa femme n’a rien d’hyperbolique : "Mon mari était vraiment quelqu’un d’extraordinairement gentil, de très discret, de très humble". "Il avait consacré sa vie aux autres", résume l’aumônier militaire Christian Venard.
L’espoir d’un procès et les fruits pour les autres
Mohamed L. a déjà été aperçu en train de rôder devant l’école des enfants Gervaise. Et un peu plus tôt, il a tenté une agression devant une école voisine. Pourquoi alors choisir de s’en prendre ce 10 mai à Alban Gervaise, qui n’est pas au moment des faits en uniforme ? "Il était probablement au mauvais endroit au mauvais moment", estime sa femme à ce stade de l’enquête. Mais les témoignages fluctuants de l’accusé, qui plaide amnésie et coup de folie, masquent les raisons réelles de son ciblage et mettent en péril la tenue d’un procès. Or un procès aurait pour bénéfice d’éclairer ses motivations. "Si le sauvage assassinat de mon confrère d’armes, en tant que personne, est le fruit du hasard, je reste persuadé que le choix de cibler une école catholique pour y trouver une victime n’est certainement pas dû, lui, au hasard", déclarait ainsi à Marianne en septembre 2022 un médecin en retraite de l’hôpital Laveran. "Il y a manifestement eu volonté, de punir, de tuer, de sacrifier un chrétien ! Cela a la même valeur que dans une église ou devant une école d’une autre confession !".
En attendant, cette mort si injuste semble porter du fruit. La femme d'Alban, elle-même médecin, a lancé l’Association Alban Gervaise "AGir pour la recherche et pour les autres". "Elle a pour but de continuer à faire vivre la gentillesse d’Alban", déclare-t-elle. Le site officiel précise : "À travers cette association, nous souhaitons continuer à faire vivre les valeurs qui étaient chères à Alban : solidarité, dépassement de soi, entraide, bienveillance…" notamment en aidant des familles endeuillées avec des enfants à charge, pour d’autres personnes ayant subi ce qu’elle vit. Afin qu’au nom de ce Français chrétien qui soignait, qui faisait le bien autour de lui, continue à être prodigué du bien à ceux qui souffrent. Une fécondité digne de l’enseignement du Christ.