Dans les livres d'histoire, François restera comme le premier pontife issu du continent américain, ce pape venu "du bout du monde". Sous son règne, le Vatican a non seulement pris des accents plus latinos, mais a surtout accéléré une forme de "désitalianisation" de la Curie et du collège des cardinaux, dans une perspective plus volontiers tournée vers les périphéries que vers le centre. Cette vaste entreprise n'a pas fait que des amis au pontife, notamment au sein de l'Église en Italie. Alors que le pape François effectue ce dimanche 7 juillet son quatrième déplacement en Italie, à Trieste, retour sur la relation complexe et essentielle qui unit François avec l'Italie et l'Église de ce pays.
Entre le clergé italien et le Pape, les choses avaient mal commencé dès 2013, lorsque la conférence épiscopale italienne avait publié par inadvertance un communiqué saluant l'élection… du cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan et favori des médias transalpins. Cette bourde anecdotique révèle néanmoins un véritable hiatus entre le pontife et certains évêques de la Botte. Le Pape, en tant que primat d'Italie, veut rompre avec l'image d'une Église au sein de laquelle le cardinal Camillo Ruini, proche de Silvio Berlusconi et président de la CEI de 1991 à 2007, a pu être considéré par certains observateurs comme l'homme politique le plus important de son pays.
Un pape très populaire
Agacé par cette "petite Italie confortable et satisfaite", pour reprendre l'expression du vaticaniste Iacopo Scaramuzzi dans son essai Tango Vaticano (Edizioni dell'Asino, 2015), il lui demande de se réformer en 2015 lors d'une grande rencontre avec l'épiscopat italien à Florence, notamment en lançant un synode national qui n'arrivera jamais. Il insiste aussi, en vain, sur une réforme des séminaires, estimant que la sélection des futurs prêtres de la Botte est faite avec trop de légèreté. Les réunions avec la CEI à laquelle il assiste tiennent parfois du remontage de bretelles, comme quand en 2021, pensant parler à huis clos, il tance vertement les prélats italiens sur l'hôtel luxueux choisi pour leur réunion : "En entrant ici, j’ai eu une mauvaise pensée, excusez-moi : sommes-nous à une assemblée d’évêques ou à un concours pour élire le plus bel évêque ?"
Pour autant, le Pape bénéficie aussi en Italie d'un réel soutien, comme en témoigne un sondage paru en 2023 qui en fait la personnalité de référence pour les Italiens devant ses hommes politiques. Il est d'ailleurs le chouchou des télévisions italiennes, qui ne manquent jamais de relayer ses messages publics chaque mercredi et chaque dimanche. "Les grands médias italiens restent un 'safe space' pour le Vatican", commente le journaliste du New York Times Jason Horowitz sur X après un énième passage du pontife dans une émission populaire de la télévision italienne, y voyant un signe que l'Italie occupe toujours une place privilégiée dans l'Église de François.
De nombreux alliés dans l'épiscopat italien
D'un point de vue personnel, François est profondément lié à la terre de ses ancêtres, lui le descendant de migrants du Piémont et de la Ligurie. En témoigne l’unique déplacement personnel de son pontificat à Asti, terre d'origine de son père, lors duquel il a semblé très heureux d'employer le patois piémontais qu'il avait probablement appris dans sa jeunesse auprès de sa très chère grand-mère, "Nonna Rosa". Il ne cesse de rappeler que c'est de cette dernière, qui faisait vivre la langue de Dante dans son foyer familial, qu'il a reçu la "première annonce" qui fera naître sa foi chrétienne.
En Italie, le pontife peut enfin bénéficier d'un réel soutien sur le plan international, le pays s'étant beaucoup investi dans les médiations de paix et le multilatéralisme depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un positionnement relayé dans la société civile par de nombreux et influents réseaux paradiplomatiques tels que la communauté Sant'Egidio, devenu pour certains une diplomatie parallèle à celle du Vatican. Le pontife s’est beaucoup appuyé sur les membres de cette organisation très engagée au niveau international dans le dialogue entre les religions et la défense de la paix, notamment le cardinal Matteo Zuppi, l’archevêque de Bologne, qui a pris la tête de la CEI en 2022. Et, à l’image de ce dernier, François compte de nombreux alliés au sein de l’épiscopat italien aujourd’hui - notamment ceux qu’il a nommés.
Enfin, “Francesco” se retrouve en particulier dans un certain "esprit d'Assise", lui qui a placé tout son pontificat sous la figure du Poverello. La ville d'origine de ce dernier est d'ailleurs la ville dans laquelle il s'est le plus rendu – à six reprises – hors de Rome pendant son pontificat. Un message pour l’Église locale aussi, puisque saint François d'Assise est le saint patron de l'Italie.