Après des déceptions politiques répétées, la tentation est grande de renoncer à sa responsabilité politique, et de s’enfermer dans la surenchère idéologique et le radicalisme partisan. Hors de moi et de mon parti, point de salut, peut-on être tenté de penser. Cet orgueil désespéré confond le service du bien commun et la conquête du pouvoir, ce ne peut être une attitude chrétienne, expliquait le cardinal Bergoglio. La véritable politique commence par accepter le réel tel qu’il est : "Chargeons-nous de la réalité qui nous incombe, commençons par en-bas, faisons-le meilleur bien possible."
Ne pas désespérer de la politique
Lors de la messe du Te Deum du 25 mai 2003, à Buenos Aires, le cardinal Jorge Bergoglio s’adressait aux Argentins pour leur demander de ne pas désespérer de la politique. Un nouveau président venait d’être élu avec une très faible majorité après cinq présidents démissionnaires en quatre ans, le pays était en état de faillite, l’industrie à l’agonie, le chômage à 25%... "Nous ne devons pas tout attendre de ceux qui nous gouvernent : cela serait infantile", lance le cardinal. Quand la violence idéologique s’empare du débat et paraît s’imposer comme la mesure des choix politiques qui s’offrent aux électeurs, la bonne attitude est de rester centré sur le bien commun : "Quand les violents se marginalisent d’eux-mêmes, quand les diffuseurs de confusion et de mensonges, ceux qui nourrissent une ambition strictement individuelle, continuent à envisager l’action politique pour ses seuls jeux de pouvoirs, nous, nous nous mettons au service du meilleur possible pour tous."
Une chose à la fois
Vouloir faire le bien autour de soi est une chose, mais comment transformer cette volonté en choix politique ? L’essentiel est de conserver les pieds sur terre, de s’extraire des discours idéologiques ou faussement techniques qui exacerbent les divisions et réduisent les choix à d’obscurs enjeux partisans : "Commencer d’en-bas et par une chose à la fois, se battre pour les questions les plus concrètes et locales, jusqu’au dernier recoin de la patrie, avec le même soin que le Bon Samaritain eut pour chaque plaie de son blessé. Méfions-nous des discours rabâchés et des rapports d’experts. Chargeons-nous de la réalité qui nous incombe, sans avoir peur de la souffrance […]."
L’occasion de grandir
Pour le cardinal, "les difficultés qui semblent gigantesques sont l’occasion de grandir et non un motif de tristesse et d’abattement, qui favorisent la soumission". Le bon positionnement passe par le refus de la division. La réduction de l’engagement politique à la poursuite de "valeurs" érigées en mythes justifiés par l’élimination de l’adversaire diabolisé à outrance, ne conduit qu’à cliver la société et à figer les esprits dans la dénonciation permanente. Pour en sortir, il faut cesser d’avoir peur et oser se remettre en cause : "Renonçons aux mesquineries stériles et aux ressentiments, ainsi qu’aux affrontements sans fin. Cessons de nous voiler la face sur nos échecs et assumons nos fautes, nos laisser-aller et nos mensonges, car seule la réconciliation réparatrice nous relèvera et nous fera abandonner nos propres peurs."
Agir et penser politiquement ne va pas sans idéal, assurait le primat d’Argentine, sans se bercer d’illusion dans de fausses valeurs : "Il n’est pas question de prêcher une pseudo-éthique, mais d’affronter les réalités dans une perspective éthique, qui s’enracine toujours dans le réel. "