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Le client-roi a-t-il toujours raison ?

Pierre d’Elbée - publié le 20/06/24
Le client "premier servi " est une exigence de bon sens pour le professionnel, mais le "client-roi" peut aussi ignorer son véritable besoin et devenir capricieux. Pour le consultant en entreprise Pierre d’Elbée, la satisfaction du client doit respecter l’éthique du bien commun.

Un médecin vous sauve d’une maladie grave, un avocat vous défend contre un escroc, un plombier répare la fuite de votre douche, un restaurateur vous offre un café, une aide-soignante s’occupe bien de votre parent vieillissant, votre maire se montre attentif à votre requête, votre assureur vous propose des garanties correctes… En répondant à des besoins, les métiers sont toujours dirigés vers des bénéficiaires — appelés clients dans les entreprises — qui représentent le terme du service professionnel, privé ou public.

Attentes exprimées et besoins réels

Cette évidence peut se transformer en stratégie plus volontariste : satisfaire le client pour garantir son acte d’achat, sa fidélité, et assurer une croissance maximale de son business. Certains développent cette philosophie de façon radicale : lors d’un entretien qui date déjà de 25 ans, Jeff Bezos, patron emblématique d’Amazon, disait que ses employés sont "les plus travailleurs, les plus talentueux, les plus passionnés et les plus orientés vers le client". Ils doivent "se réveiller terrifiés tous les matins, les draps trempés de sueur" non par peur de la concurrence, mais par peur "de nos clients, car c’est avec eux que nous entretenons des relations. Ce sont eux qui nous rémunèrent". La satisfaction du client n’est plus simplement une priorité, elle devient la valeur quasi exclusive de l’activité professionnelle.

Le critère du bien commun au consommateur et au travailleur n’est pas négociable, même si l’on peut comprendre que le sens du service exige des efforts généreux de la part des travailleurs.

N’est-ce pas aller un peu loin ? Une perspective "orientée client" se comprend aisément, mais n’y a-t-il pas un excès dans ce "dévouement sans condition" ? Faut-il se mettre au garde-à-vous et répondre sans discernement à n’importe laquelle de ses demandes ? Steve Jobs l’avait bien compris, lui qui citait Henri Ford : "Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils attendaient, ils auraient répondu 'un cheval plus rapide', et non une voiture." Comme quoi, les attentes du client n’expriment pas forcément ce qu’il désire vraiment. Cette remarque nous met sur la voie pour distinguer l’attente exprimée à laquelle il ne faut pas répondre systématiquement et son besoin réel.

Gare à l’enfant gâté !

En outre, le client peut se révéler un consommateur qui en veut toujours plus, toujours mieux, et toujours moins cher. Un « enfant gâté » encouragé par les nouvelles technologies qui lui permettent en temps réel de trouver sur l’Internet les meilleurs plans rapport qualité-prix. "Ce client aime, en plus, pousser le paradoxe à son extrême, note le site MC Factory, magazine en ligne des professionnels du marketing. Il veut acheter sur Internet, mais plébiscite le “face to face” et la proximité. Il veut des marques qui osent, mais est incapable de pardonner la moindre erreur. Il veut une relation de l’instant, mais sans intrusion dans son quotidien. Il veut de la personnalisation à outrance, mais s’offusque si les marques glanent trop de datas à son sujet. Il veut être fidélisé, mais lui-même zappe d’un canal à l’autre sans autre forme de procès." Entrer dans ce jeu sans limites n’entraîne-t-il pas une servilité abusive ? 

L’éthique du bien commun

La satisfaction du client ne peut pas être le seul critère de l’activité professionnelle pour au moins trois raisons. D’abord, on ne peut pas accepter de satisfaire un client en faisant subir un préjudice grave au travailleur, comme nous l’ont appris les différentes révoltes ouvrières du XIXe siècle. Le critère du bien commun au consommateur et au travailleur n’est pas négociable, même si l’on peut comprendre que le sens du service exige des efforts généreux de la part des travailleurs. Ensuite, le client peut trouver satisfaisante une prestation en réalité nocive pour lui et pour la société : la vente de drogue pour prendre un exemple extrême. Le critère de la justice et du bien commun devient prioritaire ici. Il nous éclaire sur la différence entre le besoin légitime et même nécessaire du client et l’envie versatile d’un consommateur déraisonnable. Enfin le respect de l’environnement est devenu un critère essentiel dans cet échange avec le client. La finitude de notre planète et de ses ressources nous oblige à intégrer cette dimension : servir le client tout en garantissant le respect de la planète.

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