Il est rare que des objets exceptionnels restent exposés dans de petites églises. Des pièces de cette qualité ne sont habituellement visibles que dans des musées ou les trésors de cathédrales. Et pourtant cette châsse-reliquaire émaillée reste, aujourd’hui encore, dans l’église pour laquelle elle a été prévue, il y a huit cents ans. Elle a été conçue pour recevoir les reliques de saint Viance, un saint dévoué aux plus pauvres, né au VIIe siècle en Anjou, et mort en Bas-Limousin. Le saint homme a suffisamment marqué la région pour que le village qui abrite ce trésor porte son nom. La commande a probablement été passée par les religieux bénédictins implantés dans le village de Saint-Viance (Corrèze).
Un beau témoignage de la technique des émaux champlevés
La réalisation a été confiée à un atelier de Limoges au milieu du XIIIe siècle, selon la technique des émaux champlevés. La région s’en est fait la spécialité. Cette châsse émaillée est vraiment exceptionnelle, d’abord par la nature et la qualité de ses motifs décoratifs et ensuite par ses dimensions. C’est la plus longue connue (85 cm). L’importance de cette châsse devait correspondre à l’ampleur des pèlerinages en l’honneur de saint Viance, patron des palefreniers et protecteur des chevaux.
La structure en bois, "l’âme" de la chasse, est recouverte de fines plaques de cuivre façonnées, dorées et émaillées. Si quelques motifs ont disparu, restent un Christ en majesté, les symboles des quatre évangélistes, une Vierge à l’Enfant entourée d’anges et neuf apôtres. La vie de saint Viance apparaît dans quelques scènes.
La châsse a échappé aux vols ou destructions de la Révolution grâce au sacristain de la paroisse, qui l’a caché dans un tonneau rempli de seigle. Elle est à nouveau retirée de sa niche aux périodes troublées de 1830 et 1848. Vers 1860, la châsse a failli être vendue à un antiquaire. La population se mobilisa et, dit-on, accueillit le marchand en lui lançant des pierres.
Choisie pour être présentée à l’exposition universelle de 1889
Un signe de sa valeur artistique ? La châsse avait été choisie pour être présentée à l’exposition universelle de 1889, mais le conseil municipal et le conseil de fabrique rejetèrent la demande. La châsse est donc restée à sa place. Jusqu’à ce qu’elle soit volée en 1908. L’objet est retrouvé en morceaux quelques années plus tard. Le musée de Cluny, consacré au Moyen Âge, propose de l’acquérir. Nouveau refus de la commune de s’en séparer, mais installe la châsse derrière une vitre blindée protégée par une alarme. Il aura fallu attendre 1930 et une restauration complète pour que ce trésor retrouve sa place.
Tous les 15 août, la châsse, ainsi que les reliques qu’elle contient, continue d’être portée en procession dans les rues du village. Après tant de vicissitudes au cours de l’histoire, le saint et son précieux reliquaire ont bien mérité cet honneur. Au moins aussi important que celui d’avoir été exposé au Vatican et au Metropolitan Museum de New York.