Les disciples de Jésus sont moins nombreux que par le passé. D’où leur réflexe compréhensible de se serrer les coudes. À cette attitude centripète s’ajoute souvent la déclaration de leur fierté d’être chrétiens. Non seulement les jeunes ont moins de réticences que leurs aînés à revendiquer leur foi, mais ils n’hésitent pas à proclamer leur fierté d’être les disciples du Christ.
Aucun mérite à être disciples du Christ
Cependant, devant une telle attitude "décomplexée", la question se pose : ce contentement de figurer parmi ceux qui suivent Jésus est-il… chrétien ? Le Christ ne prône-t-il pas l’humilité du publicain devant la satisfaction du pharisien ? Saint Paul ne nous invite-t-il pas à considérer les autres comme supérieurs à nous ? Dans ces conditions, peut-on continuer à étaler notre fierté d’être chrétien ? N’est-ce pas contradictoire ?
Cela le serait si cette fierté résultait des mérites que les chrétiens auraient accumulés pour accéder par eux-mêmes à la dignité de disciples du Fils de Dieu. Or telle n’est pas la condition spirituelle des chrétiens. Nous sommes disciples de Jésus par pure grâce de Dieu qui nous a appelés à venir à son Fils par miséricorde : nous n’y avons aucun mérite (Jn 6, 44). Nous n’avons aucune créance à faire valoir sur Dieu — créance qui nous rendrait "fier" d’être comptés parmi ses élus parce que ce statut découlerait d’une justice, d’un dû à notre endroit. Or, la condition du chrétien est à l’opposé d’une telle superbe. Il est un pécheur pardonné.
La grandeur de la vocation chrétienne
Est-ce à dire que toute fierté est à proscrire pour le chrétien ? Cela dépend de l’objet sur lequel elle porte. Si notre fierté concerne l’état de service que nous pouvons faire valoir, alors elle est nulle et non avenue. Le Christ ne dit-il pas que nous sommes "des serviteurs inutiles" (Lc 17,10) ? En revanche, si notre fierté porte sur la grandeur de notre vocation, sur la sublimité de la destinée que Dieu nous réserve dans l’éternité (et qu’Il nous octroie en partie dès maintenant), alors oui, cette fierté est légitime. Car aucune religion n’a jamais promis à ses adeptes une dignité pareille à celle que la foi chrétienne réserve aux disciples de Jésus. Il ne s’agit rien moins que de devenir fils de Dieu ! De partager la vie de la Trinité, d’entrer dans la communion d’amour des Trois Personnes divines, d’être admis à leur table ! Vertigineuse vocation ! Dieu nous rend semblables à Lui, nous admet en sa compagnie en nous appelant à ne faire plus qu’un avec Lui, et cela sans nous dissoudre en Lui mais nous conservant notre personnalité. A-t-on jamais rien vu quelque chose d’aussi grandiose ?
Envisagée sur ce plan, la condition chrétienne peut légitimement être l’objet de fierté. En n’omettant pas d’ajouter que tout le monde peut y accéder, qu’il n’y a pas d’exclusive liée au statut social ou ethnique, au genre, à la capacité intellectuelle. Tous sans exception y sont admis. L’œuvre divine dépasse ce que l’homme peut concevoir et imaginer. Aussi, ressentir de la fierté à ce que Dieu fasse de telles œuvres en notre faveur ne représente pas une marque d’orgueil. Un tel dessein de la part de Dieu nous révèle que l’homme est décidemment un être incommensurable pour être l’objet d’une telle bonté, d’une telle munificence de la part du Très-Haut. "Le Puissant fit pour moi des merveilles" s’écrie la Vierge Marie (Lc 1, 40). Il ne s’agit pas de se vanter mais de reconnaître simplement que l’homme est une créature grandiose pour être appelé à une telle destinée : être divinisé en devant fils du Très-Haut.