Ils sont les vestiges silencieux de la présence des prêtres dans les campagnes. En ville, les presbytères se dressent au croisement d’une rue ou se cachent au fond d’une cour bien gardée. L’étymologie du terme dévoile le sens antique de ce mot que saint Paul utilise en grec dans sa première lettre à Timothée (1 Tim, 5-17). Du latin presbyterium, lui-même emprunté au grec πρεσβύτερος, presbuteros, “ancien” et πρέσβυς, presbus, “vieux”, le presbytère est devenu, par métonymie, le lieu où réside celui qui est à la tête de la communauté ; ici, le curé d’une paroisse. De ce terme dérive d’ailleurs le presbytre d’où vient le substantif “prêtre”.
Une situation à apprécier au cas par cas
Quant à savoir à qui ces édifices appartiennent, la question est moins anodine qu’elle n’en a l’air. Si certains reviennent aux diocèses, d’autres sont propriété des communes, depuis la loi de 1905 dite de séparation des Églises et de l'État et il convient donc d’apprécier la situation au cas par cas. "La plupart des édifices du culte construits avant 1905, dont l'immense majorité relève du culte catholique, sont la propriété des communes et appartiennent à leur domaine public. Les édifices du culte acquis ou construits après 1905 sont la propriété de personnes privées, généralement des associations cultuelles ou des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association", relève à ce titre un rapport d'information du sénateur Hervé Maurey (Union centriste) concernant les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte. "La charge de leur entretien et, le cas échéant, de leur restauration, repose donc sur les maires, souligne le rapport du Sénat consacré à l'état du patrimoine religieux de juillet 2022. Ceux-ci éprouvent de plus en plus de difficultés à assumer ces dépenses, compte tenu de la raréfaction des ressources publiques et de la moindre fréquentation des édifices."
"En fonction des titres de propriété ils sont gérés soit directement par les diocèses, soit par les communes", explique Marie-Élisabeth de Beauchaîne, chargée de la gestion du patrimoine immobilier du diocèse d’Angers. "Quand ils sont un bien propres de la commune et qu’un prêtre y loge, un loyer est versé à la commune selon une convention d’occupation signée avec l’association diocésaine." Dans ce cas, si l’État demeure propriétaire, l’Église en est l’affectataire.
Plusieurs écueils dans la gestion des presbytères
Ce système donne lieu à plusieurs problèmes. Le regroupement des clochers autour d’un seul curé a rendu obsolète la propriété de tant de presbytères par les diocèses. Lorsqu’ils sont inhabités, ceux-ci peuvent donc être vendus par les diocèses. Pourtant, "lorsqu’il a fait l’objet d’un don ou d’un leg d’une famille dans un but cultuel, la destination du bâtiment ne peut être modifié sous peine d’une remise en cause du legs par des proches", souligne Marie-Élisabeth de Beauchaîne.
Il faut alors se référer aux conditions d’acceptation du legs à l’origine avant d’envisager une potentielle cession d’un presbytère. Le regroupement des clochers n’est pas la seule cause de désaffectation des presbytères : de plus en plus de prêtres, que ce soit en ville ou en campagne, préfèrent vivre en communauté et se regrouper en un seul hébergement. Le presbytère peut alors être divisé en plusieurs logements individuels qui laissent place à des espaces communs propres à la vie fraternelle et communautaire : oratoire, salon, cuisine et salle à manger. Quand elles en sont les propriétaires, certaines communes travaillent de concert avec les diocèses qui leur versent un loyer préférentiel en assumant les lourdes charges qui incombent à l’entretien des édifices anciens. D’autres, au contraire, ont fait des presbytères un terrain politique où germe un anticléricalisme latent.
Des charges lourdes que les communes peinent à assumer
Pourtant, estime Marie-Elisabeth de Beauchaîne, "les budgets des communes, surtout en cas de regroupement de communes, ont de plus en plus de mal à supporter ces charges". Ainsi, de nombreuses communes se rapprochent des diocèses pour envisager leur rachat des presbytères. Le dossier est alors transmis à l’évêque, entouré de l’Association Diocésaine ou de l’éventuelle SCI (société civile immobilière), propriétaire sur le plan civil. "L’évêque reçoit alors les conseils du vicaire général, de l’économe du diocèse ainsi que du CDAE (conseil diocésaine des affaires économiques) avant d’envisager toute cession ou achat", poursuit Marie-Élisabeth de Beauchaîne. "En fonction de l’importance de la transaction sur le plan financier, l’avis de la Conférence des évêques de France voire du Vatican peut s’avérer nécessaire pour ne pas déposséder l'Église d’un bien pouvant trouver une autre destination à vocation évangélique."
Ainsi, "si les locaux paroissiaux peuvent être considérés comme des annexes du culte et, à ce titre, mis gracieusement à la disposition de l'exercice de ce culte, il n'en est malheureusement pas de même pour les presbytères. Ceux-ci sont en effet considérés comme des logements appartenant au domaine communal et soumis à bail à titre onéreux", expliquait Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur dans le Journal officiel du 12 mai 1999. La loi du 9 décembre 1905 interdit toute subvention, directe ou indirecte aux cultes.
Une question politique
La location des presbytères, lorsqu’ils sont propriété de la commune, à des ministres du culte catholique ne peut, en théorie, se faire à un loyer inférieur à celui du marché local. C’est du moins l’argument avancé par ceux qui s’insurgent de voir les loyers préférentiels accordés aux paroisses, qui sont souvent dus à l’absence de réévaluation. Pourtant, si la loi vise à limiter les plafonds, elle ne vise pas les seuils inférieurs qui sont laissés à l’appréciation des propriétaires. "Plusieurs communes ont résolu le problème en réservant des logements communaux à caractère social aux ministres du culte qui, compte tenu du montant vraisemblablement modique - généralement modique, pourrais-je dire - de leurs ressources, pourraient régulièrement y prétendre", poursuivait alors le ministre de l’Intérieur. Celui-ci proposait ainsi qu’à défaut de loyer modéré dans leur propre presbytère, les prêtres soient relogés dans des HLM, alors même que certains presbytères ont précisément été transformés en logements sociaux. Ce fut le cas à Pontonx-sur-l’Adour (Landes), Andrésy et Sailly (Yvelines) ou Saint-Quentin-sur-le-Homme (Manche).
Le sujet réapparaît régulièrement dans la presse quotidienne régionale. À Ressons-sur-Matz, dans l’Oise, le loyer du presbytère de la paroisse est passé, en 2022, de 590 euros annuels à 480 euros par mois, soit près de dix fois plus son loyer initial détaille Oise Hebdo. Un compromis a, depuis, été trouvé entre la mairie et la paroisse : si le loyer a tout de même été multiplié par six, le curé en est resté le locataire. Même année, même cas de figure pour cette paroisse de Limogne, dans le Lot, dont le loyer mensuel du presbytère est passé de 90 euros à 3.000 euros, comme l’explique La Dépêche. Ne pouvant assumer les frais, les deux curés y ont vu une invitation à quitter les lieux. Lorsqu’un presbytère n’est plus habité, ce qui est monnaie courante à la campagne, l’enjeu est alors d'obtenir l'autorisation des mairies de continuer à occuper le presbytère pour des activités pastorales et ne pas perdre davantage la présence de l'Église dans des régions bien souvent déchristianisées.