Peut-être les fidèles avertis auront-ils remarqué que la messe du Jeudi saint ne finit pas vraiment. L’Église y fait mémoire de la Cène, dernier repas du Christ avec ses apôtres et préfiguration du sacrifice de la Croix actualisé dans le sacrement de l’eucharistie. Mais après avoir communié et prié la dernière oraison, l’assemblée tout entière suit en procession le prêtre portant un ciboire rempli d’hosties consacrées qui n’est autre que le Christ que les apôtres accompagnent à Gethsémani pour veiller, prier, ne pas entrer en tentation.
La messe qui inaugure toutes les autres n’est donc pas close par les habituels bénédiction et envoi : "Allez dans la paix du Christ". N’est-ce pas tout simplement parce que la liturgie eucharistique n’a pas de fin ? Rituellement, la chose est entendue, elle débute et finit par des formules codifiées. Spirituellement, elle est l’ordinaire de la vie du disciple de Jésus qui désire faire de sa vie une "éternelle offrande", un don total qui réponde à celui du Christ sur la Croix.
"Allez dans la paix du Christ"
C’est bien le sens de la dernière formule de l’eucharistie, "allez dans la paix du Christ". Mais la formule latine est plus explicite encore : "Ite, missa est". Le diacre qui prononce cette formule dit en réalité littéralement : « Allez, vous êtes envoyés ». En lecteurs des évangiles, les fidèles entendant là ce que Jésus dit aux disciples alors qu’il monte au ciel le jour de l’Ascension : "Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création." (Mc 16, 15). La messe finie, il s’agit donc pour chacun de repartir joyeux et missionnaire. De sorte que ce sacrement soit vraiment la « source dont découle toute la vertu » de l’existence (cf. Sacrosanctum concilium, §10).
Plus encore, la messe est le « sacrement de la charité » (titre d’une belle exhortation de Benoît XVI publiée en 2007, Sacramentum caritatis). La lecture, le Jeudi saint, du lavement des pieds en est l’illustration. Jésus lui-même montre comment tout acte d’amour est le reflet de l’eucharistie. Un sacrement, en effet, est un acte visible qui manifeste une réalité invisible. Tout acte de charité envers son prochain est donc à la fois l’émanation et la révélation du mystère d’amour du Christ qui donne sa vie. En servant ses frères et sœurs, le fidèle continue ainsi l’œuvre de rédemption, il fait en quelque sorte durer la messe.