Sacré périple que celui de saint Jean-Gabriel Perboyre. Né en 1802 dans un petit village du Lot, ce prêtre lazariste est mort bien loin de chez lui puisqu'il rencontra le martyre en Chine, à l'âge de 38 ans. Pourtant, c'est non loin de son Lot natal que ce missionnaire épris du Christ a trouvé une place, grâce à ses descendants. La famille Lemozy, en possession d'une statue de ce missionnaire depuis 1890, a décidé d'en faire don à l'église de Sauvagnas (Lot-et-Garonne), lors d'une cérémonie organisée le 2 juin, fête du Saint-Sacrement. Une date on ne peut plus symbolique puisque saint Jean-Gabriel Perboyre nourrissait une dévotion toute particulière au Saint-Sacrement : "Je ne suis jamais plus content, disait-il, que quand j'ai offert le Saint Sacrifice."
La statue du missionnaire se trouvait jusqu'ici jalousement gardée par la famille. Cette dernière a toujours mis un point d'honneur à la transmettre de génération en génération. "Mon grand-père, Alfred, est né en 1893 à six kilomètres de la maison natale de Jean-Gabriel, qui est mort en 1840. Il n'y avait pas tant d'écart que cela entre eux !", fait remarquer Gérard Lemozy. "Il ne se déplaçait jamais sans sa statue, c'était un peu son secret à lui. Il est parti pour la guerre de 1914 à 21 ans, et en est revenu avec un éclat d'obus dans la tête. Je pense que Jean-Gabriel était pour lui un soutien moral et spirituel", poursuit Gérard Lemozy.
Un exemple de foi et de courage
Installée à Sauvagnas dans les années 1940, la famille Lemozy reste en possession de la statue jusqu'en 1972, date à laquelle la statue est remise par Alfred à l'un de ses petits-enfants, Gilbert. Sans descendance, il se tourne alors, avec l'aide de Gérard, vers la paroisse Saint Benoît en Pays de Serres. "Pour nous, c'était une évidence de laisser la statue dans l'église de Sauvagnas, même si ce n'est pas là qu'a lieu la messe tous les dimanches", estime Gérard. "Nous sommes du pays, donc c'est une église qu'on connaît bien. Comme cela, la statue reste à la maison", se réjouit-il. Avec l'autorisation de la mairie, propriétaire de l'église, et sur l'avis positif du conseil paroissial, la statue de saint Jean-Gabriel Perboyre a donc rejoint son emplacement dans la belle église lumineuse de Saint-Salvy de Sauvagnas, après une procession solennelle et une messe en présence des habitants de la commune, des élus municipaux et des paroissiens.
Pour l'abbé Gilles N'Goran, curé de la paroisse, cette démarche entreprise par la famille Lemozy est avant tout "un témoignage de foi et de générosité". "Les descendants de saint Jean-Gabriel Perboyre ont préféré confier leur statue pour que cette figure du catholicisme puisse être mieux connue et plus priée. Cette initiative répond pleinement à l'universalité de l'Église", relève le prêtre. "On ne connaissait que très peu ce missionnaire, ici. J'espère que cet événement encouragera une nouvelle dévotion, mais la seule statue ne suffira pas. C'est pourquoi nous aimerions proposer de faire quelque chose tous les 2 juin autour de ce saint. L'idée serait d'en faire une date symbolique. Nous n'avons pas encore d'idée précise mais nous allons en discuter avec la famille, la paroisse et la municipalité", confie l'abbé N'Goran, pour qui saint Jean-Gabriel Perboyre doit inspirer les fidèles dans leur vie de foi.
Les martyrs nous enseignent à faire des efforts pour le Christ, pour Dieu.
Béatifié en 1889 par le pape Léon XIII et canonisé par Jean Paul II en 1992, saint Jean-Gabriel Peyrbore est le premier martyr de Chine. Ce fils d'agriculteurs, devenu lazariste au lieu de reprendre la ferme parentale, embarque pour Macao en 1835 où il s'occupe des communautés de fidèles éparses, dépourvues de prêtres. Dans une Chine impériale où les chrétiens sont perçus comme une menace, le missionnaire est dénoncé par un de ses paroissiens contre un peu d'argent. Il subit un martyr à la ressemblance troublante avec celui du Christ. Torturé, flagellé, privé de nourriture, exposé publiquement pour l'exemple, il refuse d'abjurer et est finalement exécuté après un an d'emprisonnement : suspendu à un gibet en forme de croix, Jean-Gabriel subit une lente strangulation. On le retrouve aujourd'hui dans les églises du Lot habillé de son costume traditionnel chinois, les cheveux coiffés en natte.
"Il est mort en martyr, c'est-à-dire qu'il a écrit l'histoire de l'Église avec son sang. Aujourd'hui, dans le monde dans lequel nous vivons, la souffrance est bien souvent bannie, le goût de l'effort aussi. Même aller à la messe devient compliqué pour certains !", tance l'abbé N'Goran. "Tout nous coûte. Et pourtant, il y a des catholiques qui ont bu la coupe du sacrifice jusqu'à la lie. Les martyrs nous enseignent à faire des efforts pour le Christ, pour Dieu." Un avis qu'aurait certainement partagé ce missionnaire. S'éloignant de son hameau natal du Puech, où vivaient ses parents bien-aimés, pour regagner Paris, le lazariste avait fait étape à Cahors. Alors qu'on lui montrait le chemin conduisant à la maison de son enfance qu'il chérissait, il répondit : " Ce n'est pas le chemin du ciel; pour aller au ciel, il faut faire des sacrifices."