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La diplomatie du Vatican et la liberté des catholiques

Paul Richard Gallagher

Mgr Gallagher.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 23/05/24
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Comment s’articulent la diplomatie du Saint-Siège et la liberté d’opinion et d’action des catholiques dans les affaires du monde ? Auteur de "Géopolitique du Vatican" (PUF), Jean-Baptiste Noé explique pourquoi le réseau diplomatique du Vatican peut parfois aider des ONG, mais que celles-ci agissent toujours en leur nom propre et de façon autonome.

Le Saint-Siège est un État qui dispose d’un gouvernement et d’une diplomatie. Le Pape est son chef. Comme tous les États, il est soumis à des règles contingentes : respect du droit international et des règlements des associations internationales dont il est membre, tout en ayant comme objectif la diffusion de l’Évangile. Le souci évangélique et le réalisme politique sont parfois difficiles à mener de front. Mais cette action diplomatique ne relève pas du magistère de l’Église. Elle s’étudie, comme pour tous les États, et elle ne lie pas les catholiques entre eux. Un élément qui est souvent mal compris dans le monde par ceux qui pensent que tous les catholiques sont soumis au Saint-Siège et à sa politique, les faisant passer parfois pour des ennemis de l’intérieur. 

Autonomie des décisions

C’était toute la difficulté de l’Église durant la Guerre froide, avec l’Église du silence qui souffrait en Europe de l’Est. Difficultés aussi durant la Première Guerre mondiale, où Benoît XV fut accusé par les uns et les autres d’être pro-allemand et pro-français, chaque camp voulant tirer le Pape à lui. C’est la difficulté aujourd'hui sur le dossier de la guerre en Ukraine. Les catholiques ukrainiens, comme les autres, peuvent être en désaccord avec les propos tenus par le Pape, quand ceux-ci sont des propos d’ordre politique. On a vu notamment l’embarras des gréco-catholiques quand François a appelé à des négociations entre la Russie et l’Ukraine, négociations exclues par le président Zelensky. 

La fidélité des catholiques ukrainiens à la défense de leur pays et à la politique de leur gouvernement pouvait alors être remise en cause par les Ukrainiens non catholiques. Cette guerre a notamment donné lieu à une scission entre l’Église orthodoxe de Kiev et celle de Moscou, la plupart des Ukrainiens se rattachant désormais au patriarcat de Kiev, montrant ainsi leur détachement de la Russie. Le même problème se pose aujourd'hui pour les catholiques en Chine et pour tous ceux qui habitent dans des pays où les relations avec le Saint-Siège sont froides ou tendues. Ce rattachement à deux fidélités, la nation et l’Église, est parfois cause de tourments de conscience. 

Liberté d’opinion et d’action

La politique étant le domaine de l’opinion et de la liberté de choix, les catholiques sont libres d’agir dans ce domaine. Le rôle de l’Église est d’éclairer leur conscience, de les former, comme une mère et un maître, en les laissant ensuite à la liberté de leur action et d’assumer les conséquences de leurs actes. 

La "rencontre", thème essentiel de la diplomatie de François, est l’axe essentiel de la diplomatie.

La diplomatie n’est pas qu’affaire de relations entre États, mais aussi question de personnes, d’échanges, de rencontres. Ce ne sont pas dans les assemblées et les salles de conférences que se prennent les décisions et que se décident les votes sur les textes, mais dans les couloirs, les restaurants, tous ces lieux où les diplomates peuvent parler plus librement, échanger en privé avec des personnes qui représentent des pays ou des associations parfois publiquement adversaires. La "rencontre", thème essentiel de la diplomatie de François, est l’axe essentiel de la diplomatie. Le Saint-Siège est passé maître dans l’art de la diplomatie réticulaire, celle des réseaux et des relations.  

Diplomatie de la relation

À cet égard, l’un des rôles du Saint-Siège est de faire se rencontrer les personnes, de mettre en relation, de permettre à des acteurs parfois violemment opposés de se voir et d’échanger à l’abri des regards publics. Les nombreuses ONG et associations dirigées par des catholiques, qui se revendiquent officiellement ou non comme tel, qui interviennent dans les instances internationales, sont indépendantes du Saint-Siège. Elles ne sont pas la main élargie du Vatican, comme le pensait les caricaturistes anticléricaux qui dessinaient des catholiques en marionnettes manipulées entre les mains des jésuites ou de Pie X. Cela n’empêche pas ces catholiques de rencontrer les nonces des pays où ils interviennent, voire de travailler avec eux sur certains projets humanitaires qui nécessitent une aide particulière. Mais à chaque fois, ils agissent en leur nom propre et sûrement pas comme hommes de paille du Pape. Il y a même pu y avoir dans le passé des frictions entre les actions menées par certaines ONG et le Saint-Siège, les deux n’ayant pas toujours la même vision de la situation ni les mêmes objectifs. 

Cette autonomie découle de deux principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église : la liberté des personnes dans les actions du monde et la subsidiarité. Diplomatie vaticane et travail associatif sont donc deux réalités différentes, qui permettent aux catholiques de prendre pleinement part à l’amélioration des conditions sociales dans le monde. Si les deux peuvent se compléter, ils ne se confondent pas. 

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