Une idée reçue voudrait que l’attachement à la Vierge soit un signe d’immaturité spirituelle, voire de mièvrerie sentimentale. Il n’en est rien. Au contraire, la dévotion envers la Mère du Christ est une cause de fortification de la foi mais aussi de la vertu de force. Pourquoi ? Les réponses à cette question sont variées. On peut s’appuyer sur la théologie en montrant que l’attachement à Marie est un facteur de croissance de l’amour que nous portons à son Fils. Mais regardons simplement la personnalité de la femme singulière que fut la mère du Messie.
Un modèle parfait mais imitable
Bien sûr, il n’est pas question de dissocier Marie du Christ. Seulement, la Vierge est, comme chacun de nous, une personne libre et responsable. On ne peut la peindre comme une femme comme les autres sans dresser d’elle un portrait qui fasse apparaître ce fond de liberté et de singularité que tous les membres de l’espèce humaine ont en commun. Or, à ce niveau, Marie est bien l’une de nous : elle fut et reste libre et autonome dans ses prises de décision. Elle n’est pas un Ovni. Ce qui signifie que chacun peut s’identifier à elle. Voilà pour le côté de la ressemblance.
La Vierge nous rend plus forts parce qu’elle fut la première à emprunter ce chemin, à vivre dans sa chair ce qu’impliquait la suite du Christ : rejet, moqueries, contradictions.
Mais il est un autre côté par lequel la singularité de la Vierge se manifeste : il s’agit de sa pureté et de sa sainteté. Sur ce plan, la Vierge est bien plus sainte que nous ! En elle coexistent deux faces bien distinctes : l’une par laquelle elle nous ressemble, l’autre par laquelle elle est différente. C’est précisément la prise en compte de ces deux faces de la Vierge qui éclaire le rôle qui est le sien dans l’acquisition de sa vertu de force par les chrétiens qui lui sont attachés. Parce que la Vierge est l’une de nous, nous sommes en mesure de nous identifier à elle. Elle est un modèle à notre portée. Ses privilèges, loin de l’éloigner de nous, sont au contraire une invitation à monter plus haut, à nous surpasser sans déroger à notre humanité et en restant humbles et confiants. L’imitation de la Vierge n’est pas hors de notre portée.
Assumer notre singularité baptismale
Mais parce que la Vierge est une personne singulière en vertu de son Immaculée Conception et de la mission qui fut la sienne en tant que Mère du Fils de Dieu, elle représente aussi un phare, une boussole et surtout un tremplin pour assumer notre condition baptismale de fils de Dieu. En effet, en tant que cohéritiers du Dieu transcendant, nous sommes tenus d’aller à contre-courant de la mentalité du monde. Le chrétien, comme son maître le Christ, est un signe de contradiction (Lc 2, 34). Or, il n’est pas toujours facile d’assumer cette condition, d’en prendre sur soi les conséquences et les implications pratiques et spirituelles. La persécution est inhérente à la condition baptismale. Sur ce plan, l’exemple, mais aussi la prévenance maternelle de la Vierge, nous sont une aide précieuse pour imiter son Fils, pour emprunter le chemin de la suite de Jésus en portant nos croix. La Vierge nous rend plus forts parce qu’elle fut la première à emprunter ce chemin, à vivre dans sa chair ce qu’impliquait la suite du Christ : rejet, moqueries, contradictions.
Avec Marie, la force est synonyme de fidélité à Jésus.
Mais il y a plus : qu’on réfléchisse un instant à ce que fut la condition terrestre de Mère du Messie. Qui était dans la confidence d’un tel état ? Peu de monde. Marie a dû porter la singularité de son état avec peu de soutien, hormis ceux de Joseph et de sa foi. Elle fut vraiment la femme forte : la singularité de sa mission ne fut pas toujours facile à vivre. Aussi sait-elle d’expérience ce que représentent l’hostilité sourde de l’incrédulité, la mise à l’écart, le combat induit par la foi en ce Dieu si déconcertant. Et que dire de l’épreuve de la Croix !
La force mariale est synonyme de fidélité au Christ
Pour toutes ces raisons, Marie est en mesure d’enseigner la vertu de force parce qu’elle la pratiqua elle-même à un degré parfait durant sa vie terrestre. Le disciple qui prend Marie pour mère ne tarde pas à constater que les qualités de la Vierge descendent sur lui. À son contact, il ne craint plus de marcher à contre-courant, de braver le conformisme de notre époque oublieuse de Dieu. Car être fort, ce n’est pas écraser les autres mais rester fidèle à la vérité quand il est de bon ton de ricaner d’elle, de hocher la tête à la simple évocation du mot "vérité".
Très jeune, la Vierge a su qu’elle était différente. Toutefois, loin de comprendre cette singularité comme un complexe invalidant, elle accepta cette différence pour vivre plus intensément en compagnie de Dieu et des autres. À son école, le chrétien ne se décourage pas de se trouver souvent isolé à cause de sa foi. Avec Marie, la force est synonyme de fidélité à Jésus. On est loin de la caricature de sucrerie sentimentale et de mièvrerie spirituelle par lesquelles certains voudraient caractériser la dévotion à la Vierge !