“Dans ma famille, nous avons tous le Christ en nous”, explique Charles Gruss, ravi d’avoir pu saluer personnellement le pape François au terme de l’audience générale. “Je lui ai expliqué que nous sommes une famille d’artistes catholiques, je lui ai parlé de mon grand-père et je lui ai offert un programme de notre spectacle. Je l’ai senti très intéressé”, explique le jeune homme, qui a reçu l’or en janvier dernier au festival de Monte-Carlo, avec son frère jumeau Alexandre. Les deux frères, chacun doté d’une robuste carrure d’athlètes de haut niveau, ont fêté leurs 30 ans en décembre dernier. Ils présentent depuis plusieurs années un numéro de jonglerie à cheval considéré comme le meilleur du monde dans cette discipline difficile et dangereuse.
Sa profonde confiance en Dieu l’a aidé à surmonter plusieurs blessures graves, notamment une rupture des ligaments croisés en 2018 et, plus récemment, une fracture du ménisque, pour laquelle il a été opéré seulement deux semaines avant le festival monégasque. “Notre corps est mis à rude épreuve, mais notre engagement artistique est comparable à un sacerdoce. Nous devons faire beaucoup de sacrifices, avec certains numéros qui nécessitent plusieurs années de préparation, mais nous en tirons des satisfactions exceptionnelles. Et la foi aide à surmonter la douleur”, assure Charles.
“Avant chaque spectacle, je prends le temps de réciter la prière du “Notre Père” en latin. Cela a un véritable impact sur ma concentration”, confie le jeune homme, attaché à la forme traditionnelle de la liturgie, car “la messe n’est pas un divertissement”, insiste-t-il, rétif face à certaines formes de célébrations qu’il juge trop “festives”. Si cette sensibilité pourrait sembler paradoxale pour un homme de spectacle, elle est en réalité le fruit d’une longue maturation, inscrite dans une tradition familiale.
“Élargir le cercle”
“Mon grand-père a toujours été la locomotive au niveau de la foi, et j’essaie de prendre le relais”, assume Charles Gruss. “Sa rencontre avec Jean-Paul II, en 1994, l’a marqué pour toute sa vie. Il nous a souvent raconté qu’il avait dormi au Vatican. Je suis fier de lui rendre hommage en faisant ce pèlerinage”, explique Charles. L’ancrage catholique de la famille Gruss, qui fut proche d’autres artistes remplis d’une foi vibrante comme Robert Hossein ou Michael Lonsdale, s’exprime chaque année avec la messe de Minuit célébrée chaque 24 décembre sous le chapiteau installé à Paris, en présence de plus de 3.000 personnes.
“Nous sommes en famille toute l’année, mais pour Noël, nous aimons élargir le cercle”, explique Charles. La forme circulaire de la piste constitue ainsi un écrin idéal pour célébrer la naissance du Christ, avec l’odeur de la paille et des animaux qui évoque l’ambiance d’une étable de Bethléem il y a 2000 ans. Au fil des années, la messe de Minuit du cirque Gruss est devenue une institution reconnue, au point d'être diffusée en eurovision en 1993.
En avril dernier, les obsèques d’Alexis Gruss ont été célébrées en présence de 1.200 personnes. “Tous les hommages qui ont été rendus à mon grand-père nous ont beaucoup touchés”, explique Charles Gruss, heureux de voir le cirque traditionnel recevoir un hommage public et médiatique après des années difficiles, durant lesquelles les artistes de cirque ont fait l’objet de campagnes malveillantes, notamment au sujet de la condition animale, un sujet sur lequel la famille Gruss répond par le soin quotidien apporté à ces fidèles compagnons. “Nos 50 chevaux font partie de la famille. C’est l’une des plus belles créations du Seigneur”, assure le jeune artiste.
Transmission sur la piste du festival de Monte-Carlo
Avant de s’éteindre trois semaines seulement après son dernier passage en piste, et alors qu’il s'apprêtait à célébrer ses 80 ans, Alexis Gruss a eu le bonheur de voir ses petits-enfants triompher sur la piste du festival de Monte-Carlo. “Nous sommes une famille pudique, mais il nous a dit qu’il était fier de nous”, explique Charles, touché par l’ambiance fraternelle de ce rendez-vous annuel, dont l’impact pour la profession circassienne est comparable aux Jeux olympiques pour les sportifs ou aux Oscars pour le monde du cinéma. “Le cirque, comme le catholicisme, a une dimension universelle : il rassemble des gens de tous les pays, de toutes les cultures. Il y a de nombreuses concordances entre la foi catholique et le milieu du cirque”, explique-t-il.
Dans nos spectacles, nous essayons de dépasser le cadre du simple divertissement pour faire passer des valeurs de transmission qui touchent les gens dans cette période de déconstruction.
“Nous voulons sublimer le monde avec l’art, pour honorer le Seigneur, comme le firent d’autres artistes dans l’histoire de la chrétienté, comme par exemple les bâtisseurs de cathédrales”, explique le jeune artiste, tellement enthousiaste de sa découverte du Vatican qu’il est revenu visiter la basilique Saint-Pierre à deux reprises. “Nous dédions notre vie à un métier, et c’était douloureux pour nous, lors de la pandémie, d'être considérés comme ‘non-essentiels’. La culture, c’est le propre de l’homme. Ce que l’on retient des civilisations antérieures, c’est leur culture, et nous nous en rendons bien compte quand nous visitons Rome”, explique le jeune artiste.
“Dans nos spectacles, nous essayons de dépasser le cadre du simple divertissement pour faire passer des valeurs de transmission qui touchent les gens dans cette période de déconstruction”, explique Charles. “Mon objectif est de faire prospérer notre héritage familial transmis par mon grand-père, cet art équestre, pour mes cousines, mes neveux, mes futurs enfants”, assure le jeune artiste. En cette année 2024 qui marque aussi le 50e anniversaire de la Compagnie, Charles Gruss est fier de ses racines et confiant dans la capacité du cirque à se réinventer et à se régénérer dans les décennies à venir.